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La Barkley 2025 de Sébastien Raichon

Dans cet épisode hors norme, Sébastien Raichon nous replonge dans les méandres de la Barkley Marathons, une course d’ultra-endurance impitoyable ! Déjà présent en 2024, où il avait échoué à quatre livres de la fin du cinquième tour, Sébastien s’était juré de revenir. En 2025, il est de nouveau au départ, animé par une détermination intacte, mais rattrapé cette fois-ci par une blessure musculaire qui viendra briser ses espoirs de boucler ce défi légendaire.

Après une saison 2024 d’exception marquée par une 2ᵒ place sur la Swiss Peaks 660, un record du GR20 en autonomie (44h35) et un titre de champion du monde de raid aventure, Sébastien semblait plus prêt que jamais à affronter les sentiers déchirés de Frozen Head.

Une Barkley 2025 piégeuse dès le départ

Les règles du jeu n’ont pas changé : cinq boucles d’environ 40 km, un terrain non balisé, pas de GPS, une carte, une boussole, et une soixantaine d’heures pour tout boucler. Mais cette année, le parcours s’est corsé : 9 sections majeures au lieu de 5, des nouveautés techniques, et une météo capricieuse dès les premiers jours.

L’organisation se plaît à jouer avec les nerfs des coureurs : le départ est donné à 11h37, un record de retard qui plonge immédiatement les athlètes dans une nuit précoce et une chaleur étouffante.

Dans le premier tour, Sébastien évolue avec John Kelly, Maxime Gauduin et Aurélien Sanchez – un carré d’as qui visait tous les quatre la finish line. Malheureusement, un début de crampes dès la première boucle, couplé à un surrégime sous la chaleur, vient grignoter ses forces. Il termine le tour difficilement, en boitant presque, mais repart tout de même pour un deuxième.

« La Barkley, c’est elle qui t’arrête, pas toi »

C’est l’un des mantras de Sébastien, et il le répète avec conviction : tant que tu peux marcher, tu repars. Peu importe que l’objectif de finir se soit éloigné. « À quoi bon aller aux États-Unis si c’est pour s’arrêter au premier pépin ? » lâche-t-il. Alors il s’aligne pour une deuxième boucle, avec les jambes déjà en feu et une douleur naissante au quadriceps.

Le parcours est infernal. Chaque descente devient un supplice. Il avance tant bien que mal, en gérant les crampes, les appuis, les émotions. Et pourtant, il progresse. Mieux encore : grâce à une orientation millimétrée, il parvient à revenir sur des coureurs qui s’étaient perdus. Un fait d’arme dans une Barkley où l’errance est souvent fatale.

Mais la douleur s’intensifie. Dans la troisième boucle, il grimpe, marche, lutte. Il ne peut plus courir en descente. Il continue. Jusqu’au moment où le corps dit stop. Au début du troisième tour, il doit renoncer.

Une aventure humaine, viscérale et collective

Sébastien n’était pas seul. À ses côtés : Yann, son ami de toujours, fidèle assistant, et Nina, sa fille, venue filmer cette épopée pour un documentaire. Leur soutien, à la fois logistique et émotionnel, aura été déterminant pour aller jusqu’au bout de lui-même. Leur présence transforme l’épreuve en moment de vie.

Même dans l’abandon, l’émotion est là, brute. Sébastien craque. « J’étais au fond du gouffre », avoue-t-il. Sa fille aussi pleure. Mais c’est un de ces moments rares, où l’ultra dépasse le sport pour toucher à quelque chose de plus grand. L’engagement, la fierté, la transmission.

Une Barkley, une vraie

Cette édition 2025 n’aura vu aucun finisher, malgré des noms aussi prestigieux que John Kelly ou Jasmine Paris. Mais Sébastien s’est battu avec panache, enchaînant les kilomètres avec la rage au ventre. Il termine blessé, certes, mais grandi, avec des histoires plein la tête.

Et quand on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter ? Sa réponse est claire :

« Une Barkley compliquée… avec un happy end. »

Extraits de l’interview

Pourquoi continuer la Barkley après une première tentative aussi éprouvante ? La Barkley, c’est pas une course comme les autres. C’est une expérience à part, une immersion totale dans la nature, dans la solitude, dans la gestion de soi. En 2024, je suis allé au bout du cinquième tour, mais hors délai, à seulement quatre livres de la fin. C’était cruel, mais ça m’a aussi laissé un goût de “pas fini”. Je crois que dès que j’ai franchi cette ligne, je savais que je reviendrais. Il m’a suffi de dormir quelques heures après l’arrivée pour que l’envie de retenter me brûle à nouveau. Ce que je cherche là-bas, ce n’est pas juste un chrono ou une place, c’est une aventure humaine. Et une Barkley, quelle que soit son issue, t’enrichit toujours.

Tu dis souvent que la Barkley “t’arrête, mais que ce n’est pas toi qui t’arrêtes”. Tu peux expliquer ce que tu veux dire par là ? Oui, c’est une phrase qui me tient à cœur. Quand tu vas à la Barkley, tu sais que tu ne maîtrises pas tout. Il y a les conditions météo, le parcours, les erreurs d’orientation, la fatigue extrême… Mais la seule chose sur laquelle tu as vraiment du pouvoir, c’est ta capacité à continuer tant que tu tiens debout. C’est pour ça que je dis que c’est la Barkley qui décide. Tant que je peux avancer, même en marchant, même en boitant, je vais au bout de ce que je peux. En 2025, j’ai eu une douleur au quadriceps dès le début du 2e tour, j’ai fini par courir à cloche-pied sur les dernières descentes, mais j’ai continué. Parce que pour moi, la dignité dans ce genre d’épreuve, elle est dans le fait de ne pas lâcher. Même si tu ne finis pas, tu veux pouvoir dire : “J’ai tout donné.”

Qu’est-ce que cette édition t’a appris sur toi ? J’ai appris que j’étais capable d’accepter mes limites tout en allant au bout de moi-même. L’année dernière, c’était surtout des erreurs d’orientation qui m’avaient coûté cher. Cette année, j’ai été impeccable sur ce point-là, même sur les livres ajoutés à la dernière minute. C’est une vraie satisfaction personnelle. En revanche, physiquement, mon corps m’a rappelé que l’accumulation des efforts finit toujours par présenter l’addition. J’ai aussi vécu des moments très forts sur le plan émotionnel, notamment avec ma fille Nina qui m’accompagnait et filmait l’aventure. Quand je suis revenu au camp en boitant, vidé, et que je l’ai vue les larmes aux yeux, c’était un moment inoubliable. C’est là que tu comprends que tu n’es pas tout seul à vivre cette course.

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