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Vous voulez savoir si les chaussures à plaques carbones sont utiles en trail et sur route ? Cet article est pour vous

Les plaques carbones en trail : révolution ou fausse bonne idée ?

Les plaques carbones ont transformé le monde de la course sur route, offrant des gains d’économie de course qui ont marqué l’histoire du marathon. Mais qu’en est-il en trail ? Face aux terrains accidentés, aux montées raides et aux descentes techniques, ces chaussures ultra-rigides apportent-elles un réel avantage, ou sont-elles contre-productives ?

Commençons par évaluer leur efficacité sur route, puis parlons en dans le contexte du trail.

Les plaques carbones sont-elles utiles sur route ?

L’essor des chaussures à plaque carbone en course sur route repose sur un principe fondamental. L’augmentation de la rigidité en flexion longitudinale de la semelle. Cette rigidité supplémentaire réduit le coût énergétique de la course. Cela serait principalement dû une optimisation du cycle de propulsion.

Selon une méta-analyse récente (Rodrigo-Carranza et al., 2022), l’ajout d’une plaque carbone entraîne en moyenne une amélioration de 3,45 % de l’économie de course par rapport à une chaussure classique.

Résultats méta-analytique de Rodrigo-Carranza et al., 2022

Cet effet est surtout notable lorsque :

  • La plaque est courbée plutôt que plate.
  • Le poids de la chaussure reste contrôlé (l’amélioration est moindre si la chaussure est alourdie).
  • La vitesse de course est élevée. L’impact positif des plaques carbone augmente avec la vitesse. En dessous de 14 km/h, aucun bénéfices ne sont observés.
Résultats de Rodrigo-Carranza et al., 2022

La recherche montre que ces chaussures modifient également la biomécanique de la foulée :

  • Allongement de la longueur de foulée (+2,9 % en moyenne).
  • Augmentation du temps de contact au sol (+1,7 %), ce qui permet un meilleur transfert d’énergie.

En pratique, les gains de performance sont dépendants du profil du coureur. L’étude souligne que l’amélioration de l’économie de course avec une plaque carbone est plus marquée pour les coureurs rapides (≥ 18 km/h). En dessous de cette vitesse, les bénéfices sont plus limités et certains coureurs peuvent même voir leur économie de course se dégrader.

Des répondants et des non-répondants

L’impact des plaques carbone sur la performance varie fortement d’un coureur à l’autre. L’étude de Chollet et al. (2022), menée sur 96 coureurs, a mis en évidence trois groupes distincts en fonction de leur réponse à l’augmentation de la rigidité en flexion de la chaussure :

  • Les “répondants positifs” (30 % des coureurs). Ces derniers améliorent leur économie de course de 2,7 % en moyenne avec une semelle plus rigide.
  • Les “répondants négatifs” (27 % des coureurs). Pour ces derniers, l’économie de course se détériore de 2,7 % en moyenne avec la plaque carbone.
  • Les “non-répondants” (43 % des coureurs). Ces athlètes ne montrent aucune différence significative en changeant de chaussure.

Le facteur clé qui semble expliquer ces différences est le niveau de performance du coureur. En moyenne, les coureurs qui bénéficient d’une plaque carbone sont ceux qui possèdent une Vitesse Maximale Aérobie plus élevée. Dans cette étude, les répondants positifs affichaient une VMA supérieure de 1,7 km/h par rapport aux répondants négatifs.

Ces résultats confirment donc que plus un coureur est rapide, plus il a de chances de bénéficier de la plaque carbone. À l’inverse, pour les coureurs plus lents, la rigidité accrue peut entraîner une augmentation du coût énergétique de la foulée.

Les plaques carbones sont-elles utiles en trail ?

L’essor des chaussures à plaque carbone en trail suscite de nombreuses interrogations. En trail, offrent-elles les mêmes bénéfices que sur route ? Pour répondre à cette question, l’étude de Jaboulay et Giandolini (2025) a testé l’effet d’une plaque carbone sur l’économie de course et la biomécanique articulaire en montée et sur terrain instable.

Une dépense énergétique plus élevée en montée

L’un des principaux résultats de l’étude est que l’ajout d’une plaque carbone n’améliore pas l’économie de course sur terrain plat et augmente la dépense énergétique en montée. Lors de tests sur tapis incliné à 10 %, les coureurs équipés de chaussures avec plaque carbone ont vu leur coût métabolique augmenter de 2 % en moyenne par rapport à une chaussure classique.

Ce phénomène peut s’expliquer par la rigidité de la semelle :

  • En montée, le coureur adopte naturellement une foulée plus sur l’avant-pied, ce qui implique une plus grande flexion des articulations métatarsophalangiennes (MTP).
  • Or, une plaque carbone limite cette flexion, réduisant l’efficacité du mécanisme Windlass, qui permet normalement de stocker et restituer l’énergie élastique dans l’arche plantaire.
  • Résultat : le pied doit compenser autrement, augmentant le coût énergétique du mouvement.

Ces résultats confirment donc que les plaques carbones ne sont pas adaptées aux pentes raides, où la biomécanique du pied joue un rôle clé dans la propulsion.

Des conséquences biomécaniques ?

L’autre point étudié concernait la biomécanique articulaire sur terrain accidenté. Contrairement aux hypothèses initiales, les chercheurs n’ont observé aucune différence significative entre les chaussures avec et sans plaque carbone sur les variables suivantes :

  • Amplitudes articulaires des hanches, genoux et chevilles.
  • Temps de contact au sol.
  • Moments de force développés au niveau des articulations.

Ce résultat suggère que la rigidité supplémentaire apportée par une plaque carbone ne modifie pas la manière dont le coureur interagit avec le terrain.

Cependant, 7 des 12 coureurs testés ont rapporté une diminution de leur perception du sol avec des plaques carbone. Cela pourrait altérer la proprioception et la stabilité. Or, ces éléments peuvent être clés en trail.

Conclusion : les plaques carbone en trail, gadget ou vraie innovation ?

Si les plaques carbones ont largement prouvé leur efficacité en course sur route, notamment pour les coureurs les plus rapides, leur utilité en trail est beaucoup plus incertaine. Les recherches montrent que leur rigidité peut augmenter la dépense énergétique en montée et ne pas améliorer la performance sur terrain instable, où la capacité d’adaptation du pied joue un rôle clé.

Bien que certains coureurs puissent apprécier une sensation de dynamisme sur des portions roulantes, l’absence de gains métaboliques et les possibles altérations de la proprioception posent question sur leur réel intérêt en trail. Pour l’instant, les plaques carbones semblent mieux adaptées aux surfaces régulières et aux allures élevées.

L’avenir nous dira si des innovations permettront d’adapter cette technologie aux spécificités du trail, mais à ce jour, elles ne constituent ni une révolution, ni une solution miracle pour la majorité des coureurs évoluant sur sentiers techniques.

Découvrez cet article en vidéos !

Partie 1 – Mon interview d’une experte, Marlene Giandolini

 

Partie 2 – Marlene Giandolini, Sport Scientist chez Salomon

 

Référence bibliographiques

• Chollet, M., Michelet, S., Horvais, N., Pavailler, S., & Giandolini, M. (2022). Individual physiological responses to changes in shoe bending stiffness: A cluster analysis study on 96 runners. European Journal of Applied Physiology, 123(1), 169–177.
• Jaboulay, C., & Giandolini, M. (2025). Effect of increased bending stiffness on running economy and joint biomechanics in uphill running and running on unstable terrain: Is there any evidence for embedding carbon plate in trail running footwear? Footwear Science.
• Rodrigo-Carranza, V., González-Mohíno, F., Santos-Concejero, J., & González-Ravé, J. M. (2022). The effects of footwear midsole longitudinal bending stiffness on running economy and ground contact biomechanics: A systematic review and meta-analysis. European Journal of Sport Science22(10), 1508-1521.

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