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Vous vous demandez qu’est ce que l’entraînement polarisé en trail ? Vous voulez des informations sur l’entraînement polarisé en endurance ? Cet article est fait pour vous !

Table of Contents

Partie 1 – Qu’est-ce que l’entraînement polarisé en trail ?

Dans les sports d’endurance comme la course à pied ou le trail, l’entraînement est un des piliers fondamentaux pour améliorer la performance. S’ajoutent à ce dernier la récupération, et l’alimentation. Une stratégie d’entraînement qui gagne en popularité est l’entraînement polarisé, ou plus précisément “la périodisation de l’entraînement polarisé”. Depuis plusieurs années, cette dernière a suscité l’intérêt des pratiquants et des chercheurs.

L’entraînement polarisé est une répartition hebdomadaire optimale d’entraînements faciles et d’entraînements difficiles. Par exemple, 80 % de votre volume hebdomadaire en entraînements faciles et 20 % en entraînements difficiles sera une répartition cohérente avec une approche polarisée de votre planification.

Cette description très sommaire vous donne un aperçu de ce qu’est l’entraînement polarisé en trail, et dans d’autres sports d’endurance. Maintenant, rentrons dans les détails afin de mieux comprendre ce qu’est ce dernier, en quoi il se distingue d’autres approches de la périodisation, et ses avantages majeurs. Pour cela, nous allons nous appuyer sur l’article de Hydren & Cohen, publié en 2015 dans un des journaux les plus prestigieux en science du sport.

 

Capture d'écran de l'article discuté sur l'entraînement polarisé en trail

 

Rappel de définitions

Avant de commencer, je vous propose un rapide rappel de quelques termes que j’utilise dans la suite de l’article. Des définitions détaillées sont disponibles dans le lexique du site.

  • RPE ➡️ Échelle de perception de l’effort allant de 6 à 20 ou de 1 à 10 selon l’outil utilisé.
  • Seuil ventilatoire 1  ➡️ Moment où, durant un exercice, la respiration augmente significativement. Son dépassement engendre une difficulté à s’exprimer avec des phrases entières. Il correspond au seuil lactique 1.
  • Seuil ventilatoire 2 ➡️ Moment où, durant un exercice, la respiration augmente considérablement. Son dépassement rend la discussion impossible. Il correspond au seuil lactique 2
  • Zone 1, 2 et 3 ➡️ La zone 1 correspond aux intensités d’effort en dessous du seuil ventilatoire 1. La zone 2 correspond aux intensités d’effort entre le seuil ventilatoire 1 et 2. La zone 3 correspond aux intensités d’effort au-dessus du seuil ventilatoire 2.

 

Les modèles classiques de l’entraînement en endurance

Dans leur revue de littérature, Hydren et Cohen (2015) expliquent qu’avant l’apparition de l’entraînement polarisé, 3 modèles de l’entraînement en endurance étaient utilisés. Ces approches de la périodisation sont l’entraînement au seuil, l’entraînement à haut volume, et l’entraînement à haute intensité.

Le modèle “au seuil” (threshold training)

Dans cette approche, les entraînements en endurance se caractérisent par une augmentation progressive de l’intensité durant les entraînements. Durant presque toutes les séances, la cible est une intensité modérée à haute, correspondant à environ 55 % de la VO2 max. Ce rythme sera maintenu pendant toute la durée de l’entraînement. Au cours d’un cycle, le rythme des séances est progressivement et linéairement augmenté.

50 à 60% des entraînements doivent se réaliser en dessous du seuil ventilatoire 1 (c.-à-d. < seuil lactique 1 ; perception d’effort < à 13 sur échelle RPE 6-20 ; < à 4 sur une échelle RPE 1-10). 40 à 50% de ces derniers doivent se réaliser au-dessus du seuil ventilatoire 1 et en dessous du seuil ventilatoire 2 (c.-à-d. > seuil lactique 1 ; < seuil lactique 2 ; perception d’effort entre 14 et 16 sur échelle RPE 6-20 ; entre 5 et 6 sur échelle RPE 1-10).

Le modèle “haut volume” (high volume training)

Dans cette approche, les entraînements en endurance sont uniquement des séances de longue durée à basse intensité. 100% des entraînements doivent se réaliser en dessous du seuil ventilatoire 1 (c.-à-d. < seuil lactique 1 ; perception d’effort < à 13 sur échelle RPE 6-20 ; < à 4 sur une échelle RPE 1-10).

Le modèle “haute intensité” (high-intensity interval training)

Dans cette approche, les entraînements en endurance sont équitablement répartis entre des séances à haute intensité, et d’autres à faible intensité. 50% des entraînement se réalisent au-dessus du seuil ventilatoire 2 (c.-à-d. > seuil lactique 2 ; perception d’effort > à 17 sur échelle RPE 6-20 ; > à 7 sur une échelle RPE 1-10). Les autres 50% doivent se réaliser en dessous du seuil ventilatoire 1 (c.-à-d. < seuil lactique 1 ; perception d’effort < à 13 sur échelle RPE 6-20 ; < à 4 sur une échelle RPE 1-10). Les entraînements à basse intensité font la même durée que ceux intenses. On n’observe pas de séances d’entraînements lents sur de longues distances.

Pourquoi ces approches de la périodisation seraient sous-optimales ?

D’après Hydren et Cohen (2015), la première transition vers un entraînement polarisé n’a pas été causée par les avancés scientifiques. Elle viendrait du terrain. Plusieurs rapports publiés avant 2010 rapportent avoir adopté cette nouvelle approche chez des athlètes de haut niveau (p. ex. patineurs de vitesse de niveau olympique, skieurs élites).

Une raison qui a poussé les entraîneurs et les chercheurs à se désintéresser des modèles de périodisation mentionnés ci-dessus est qu’ils contribueraient à l’apparition d’une certaine lassitude chez les athlètes (p. ex., baisse de motivation pour le programme). Ils favoriseraient également les blessures, et augmenteraient les risques de surentraînement.

L’entraînement polarisé s’est développé pour dépasser ces limites des anciens modèles. Cette approche propose pour cela de maximiser les gains de performance en endurance grâce à une répartition des intensités plus équilibrée, et des entraînements diversifiés. Voyons cela en détail.

 

L’entraînement polarisé en trail, c’est quoi ?

Les approches traditionnelles définissent les zones d’entraînement en endurance par des pourcentages de VO2max, de FC max, ou encore de FC de réserve. L’entraînement polarisé définit quant à lui ses zones de travail par des marqueurs physiologiques. Plus précisément, il se base sur les seuils ventilatoires, les seuils lactiques, et la perception de l’effort.

L’entraînement polarisé en détail

L’entraînement polarisé en trail, et dans les autres sports d’endurance, propose un modèle de périodisation avec la majorité des séances réalisées à basse intensité (souvent 80 % de la charge hebdomadaire, en zone 1), certaines séances réalisées à haute intensité (souvent 20 % de la charge hebdomadaire, en zone 3), et presque aucune à intensité modérée (en zone 2). Au total, les athlètes suivant cette approche passeront beaucoup de temps à un rythme lent, par exemple durant des sorties de longues distances, et de plus rares moments à des rythmes soutenus (p. ex. avec quelques entraînements fractionnés par semaine). Ils feront particulièrement attention à éviter le “rythme de course”.

En reprenant les chiffres ci-dessus, nous obtenons la répartition suivante :

  • 75 à 80 % de la charge hebdomadaire doit être réalisée en dessous du seuil ventilatoire 1 (c.-à-d. < seuil lactique 1 ; perception d’effort < à 13 sur échelle RPE 6-20 ; < à 4 sur une échelle RPE 1-10).
  • 0 à 10 % de cette dernière doit être réalisée au-dessus du seuil ventilatoire 1 et en dessous du seuil ventilatoire 2 (c.-à-d. > seuil lactique 1 ; < seuil lactique 2 ; perception d’effort entre 14 et 16 sur échelle RPE 6-20 ; entre 5 et 6 sur échelle RPE 1-10 ; allure “de course” à éviter le plus possible).
  • Enfin, 15 à 20% de la charge hebdomadaire sera réalisée au-dessus du seuil ventilatoire 2 (c.-à-d. > seuil lactique 2 ; perception d’effort > à 17 sur échelle RPE 6-20 ; > à 7 sur une échelle RPE 1-10).

Différence entre la périodisation polarisée, et les autres modèles

Ainsi, ce qui distingue la périodisation dite “polarisée” des autres n’est pas le type d’intensité à travailler, mais seulement le temps passé dans chacune des trois zones d’intensité d’exercice, définies par les seuils ventilatoires, les niveaux de lactate sanguin, ou encore la perception d’effort. Ce schéma résume cette distinction entre ces 4 approches de la périodisation.

Illustration des temps par zone selon la peridosation

 

Partie 1 – Conclusion – Qu’est-ce que l’entraînement polarisé ?

En conclusion, l’entraînement polarisé est une répartition qui se veut optimale entre la charge d’entraînement hebdomadaire réalisée à basse intensité (Z1) et celle réalisée à haute intensité (Z3). Elle propose parallèlement d’éviter le plus possible les intensités intermédiaires (Z2) qui sont les allures de course.

Cette approche s’appuie sur des indicateurs moins courants que ceux les plus utilisés (p. ex. répartitions en 5 zones de fréquence cardiaque). Plutôt, elle propose de s’intéresser au seuil ventilatoire 1 et 2 ou au seuil lactique 1 et 2 (et aux fréquences cardiaques associées) ; ainsi qu’à la perception de l’effort. Elle invite à réaliser entre 75 et 80% des entraînements hebdomadaires en Z1 ; 0 à 10% en Z2 ; et 15 à 20% en Z3.

Le tableau ci-dessous résume ce qui a été discuté préalablement. Il montre aussi comment répartir ses charges hebdomadaires dans une approche polarisée de l’entraînement en trail.

Resume de la partie 1 - entrainement polarise trail

 

 

Partie 2 – L’entraînement polarisé est-il efficace ?

En lisant cette première partie, une question légitime qui vient à l’esprit est “est-ce que l’entraînement polarisé est efficace ?”. On peut en effet se poser la question de la supériorité de cette approche de la périodisation de l’entraînement, comparativement aux autres mentionnées. Ci-dessous, je vais vous présenter les résultats de 3 études que j’ai trouvées particulièrement intéressantes, et de grande qualité, sur ce sujet.

 

Entraînement polarisé en endurance

La première étude que je vous présente ici est celle de Rosenbalt et al. publiée en 2019. Cette dernière est une méta-analyse (explication ici de ce qu’est une méta-analyse) d’essais contrôlés randomisés (explication ici de ce qu’est un essai contrôlé randomisé). En résumé, c’est le type d’article scientifique le plus robuste qui soit.

Capture d'écran de l'article discuté sur l'entraînement polarisé et l'endurance

Méthode

Les auteurs ont identifié 3 études à agréger. Elles comparaient les effets sur les performances en endurance d’un entraînement “au seuil” versus un entraînement “polarisé”. Au total, 52 coureurs et 12 cyclistes permettent de faire cette comparaison. Le meilleur temps de course sur une distance donnée (p. ex. 10km, 3 études), et/ou la VO2max (1 étude), et/ou le “temps jusqu’à épuisement” (2 études), et/ou l’économie de course (1 étude) représentaient les performances en endurance.

Résultats

Pour le meilleur temps de course sur une distance donnée, les résultats ont montré qu’à travers ces 3 études, les participants des groupes “polarisé” avaient plus progressé que ceux des groupes “au seuil”. La taille de l’effet était moyenne à grande, ce qui montre un effet remarquable, et important. Pour les autres marqueurs (VO2 max, temps jusqu’à épuisement, économie de course), les études ayant considéré ces derniers ont toujours montré des progrès plus marqués dans les groupes “polarisé” que dans les groupes “au seuil”. Le tableau ci-dessous résume ces résultats.

 

Marqueur de performance Nombre d’études permettant les analyses Groupe(s) ayant eu les améliorations les plus marquées
Temps de course 3 Entraînement polarisé
VO2 max 1 Entraînement polarisé
Temps jusqu’à épuisement 2 Entraînement polarisé
Économie de course 1 Entraînement polarisé

 

Conclusion

En conclusion, les résultats de cette étude laissent entendre qu’une planification de l’entraînement dite polarisée engendre plus de bénéfices sur la performance en endurance qu’une planification dite “au seuil”. Ces résultats seraient valables en course à pied, et en cyclisme.

 

Entraînement polarisé en course à pied

La deuxième étude dont je voulais discuter ici est celle de Munoz et al. 2014. Elle est une de celle incluse dans la méta-analyse décrite ci-dessus. Je trouve cependant que ses résultats secondaires méritient d’être détaillé. Vous allez vite comprendre pourquoi !

Capture d'écran de l'article discuté sur l'entraînement polarisé et la course à pied

 

Méthode

Les auteurs ont proposé à 30 coureuses et coureurs de prendre part à un programme d’entraînement en endurance de 10 semaines, un dit “polarisé”, et un “au seuil”. Les 2 protocoles avaient la même charge d’entraînement, et la même progression de charge à travers les 10 semaines. Cependant, ces charges étaient réparties différemment entre les 3 zones métaboliques discutées. Le programme “polarisé” proposait une répartition ~75% en Z1, 5% en Z2 et 20% en Z3. Celui “au seuil” proposait une réparation 45% en Z1, 35% en Z2, 20% en Z3.

Pour mesurer l’efficacité du programme, les auteurs mesuraient le temps réalisé sur un 10km sur tapis, effectué le plus rapidement possible.

Résultats

Les deux groupes avaient significativement progressé entre avant et après le programme. Le groupe “polarisé” a gagné 2min sur le même 10km (39min18s ± 4min54s vs. 37min19s ± 4min42s). Celui “au seuil” a gagné 1min24 (39min24s ± 3min54s vs. 38min0s ± 4min24s, 3.5 ± 3.0%). Le groupe “polarisé” a plus gagné en vitesse que celui “au seuil” mais cette différence n’était pas significative.

Cependant, le point clé de cette étude réside dans les deuxièmes analyses qu’ont réalisé les auteurs. Dans les 2 groupes, des athlètes ont « mal » respecté le pourcentage de temps prévu dans les zones cibles. Les auteurs ont reconduit les analyses avec uniquement 6 personnes du groupe “polarisé”, et 6 du groupe “au seuil” ayant parfaitement suivi les répartitions d’intensité prévues. Avec ces sous-échantillons, les analyses ont révélé une différence significative de +7%(± 3,6%) de la performance pour les personnes du groupe “polarisé” contre seulement +1,6% (± 4%) pour le groupe “au seuil”. La planification polarisée semble donc ici plus efficace pour progresser en course à pied, que celle “au seuil”.

Conclusion

Une des choses les plus difficiles dans une approche polarisée de l’entraînement est de respecter le temps passer en Z1, comme le montre l’étude ci-dessus. Les résultats de cette dernière soulignent que si une planification “polarisé” est bien suivie, ses bénéfices sur les performances en endurance semblent supérieurs aux bénéfices d’un programme “au seuil” bien réalisé.

 

Entraînement polarisé en trail

La dernière étude que je vais vous présenter est celle de Pérez et al. (2019). Elle s’est intéressée à l’efficacité d’un programme d’entraînement polarisé sur des marqueurs de performance en trail.

Capture d'écran de l'article discuté sur l'entraînement polarisé et le trail

 

Méthode

Les auteurs ont recruté 20 coureurs d’ultra-trail, répartis en 2 groupes. Un groupe suivait un programme d’entraînement de 12 semaines avec une approche “polarisée”. L’autre groupe suivait un programme de la même durée avec une approche “au seuil”. Les deux programmes étaient équivalents en termes de charge totale, seule la répartition entre les 3 zones métaboliques discutées changeait (pour le polarisé, Z1 = 79,8% ± 2,1% Z2 = 3,9% ± 1,9%; Z3 = 16,4% ± 1,5%; pour le “au seuil”, Z1 = 67,2% ± 4,6% ; Z2 = 33,8% ± 4,6%, Z3 = 0%). Les deux programmes avaient pour buts de préparer les athlètes à un ultra-trail de 94km.

Résultats

Parmi la grande quantité de marqueurs de la performance en trail mesuré, seulement quelques-uns ont montré une amélioration plus prononcée suite au programme “polarisé”, comparativement à celui “au seuil”.

Les personnes du groupe “polarisé” avaient significativement plus progressé sur un test type “temps jusqu’à épuisement” que ceux du groupe “au seuil”. Ensuite, ils avaient aussi significativement plus gagné en économie de course à 10km/h et 12km/h que ceux du groupe seuil (-5.4% à 10km/h, et -4,5% à 12km/h) et à 12km/h. Enfin, les personnes du groupe “polarisé” avaient mieux performé sur l’ultra-trail préparé (11,1h ± 2,3h vs. 10,1h ± 2,6h). Cette dernière différence n’était cependant pas significative.

Toutes les autres mesures considérées n’ont pas montré de différences notables entre les groupes.

Conclusion

Après un programme de 12 semaines (c.-à-d. relativement court), une planification polarisée semble induire légèrement plus de bénéfices sur des marqueurs de la performance en trail qu’une planification dite “au seuil”. Voir si ces effets sont encore plus marqués, et plus nombreux, après un programme plus long serait intéressant.

 

 Partie 2 – Conclusion – L’entraînement polarisé est-il efficace ?

En conclusion, ces 3 études font partie des plus robustes et intéressantes que j’ai trouvées en parcourant la littérature. Je vous rassure, il n’en existe pas non plus pléthore. Ces dernières semblent mettre en évidences une supériorité, plus ou moins marquée, de la périodisation dite “polarisé”, comparativement à celle dite “au seuil”. Rosenbalt et al. (2019) montrent cela avec 3 études et différents marqueurs de la performance en endurance. L’étude de Menoz et al. (2014) le souligne plus précisément sur la course à pied sur route. Et enfin, l’article de Pérez et al. (2019) suggère cela dans le cadre du trail.

Les résultats de Menoz et al. (2014) suggèrent aussi que pour observer ces bénéfices supérieurs de l’approche polarisée, il faut être particulièrement attentif au temps passé en Zone 1, 2 et 3. En effet, ils n’ont pu mettre en évidence la supériorité de cette approche qu’en ne gardant que les athlètes ayant respecté les distributions dans les zones de travail prévues. Ils ont malheureusement observé, comme beaucoup d’entraîneurs, que la plus grande difficulté dans la réalisation d’un entraînement polarisé, c’est de réaliser les séances Z1 bien en Z1, et pas basculer en Z2.

Enfin, il semblerait qu’en trail, un programme polarisé de 12 semaines soit court pour induire des progrès réellement supérieurs, par rapport à une approche “au seuil”. Il ne faut donc pas hésitez à tester ce genre d’approche sur une plus longue période. Écoutez-vous, et prenez le temps. Vous verrez vite si cette approche vous convient, ou non, et si elle peut vous faire progresser en trail !

 

Partie 3 – Comment savoir si notre entraînement est BIEN polarisé ?

Nous sommes donc d’accord, un entraînement polarisé semble induire des gains supérieurs en endurance comparativement à une périodisation “au seuil” par exemple. Cependant, il peut exister un écart entre une planification qui respecte, a priori, une périodisation polarisée, et son exécution réelle. Or, les bénéfices de l’entraînement polarisé résident justement dans le respect scrupuleux de cette distribution. Par exemple, quelques minutes de trop en Z2 dans une semaine peuvent induire un stress physiologique différent. Ceci peut alors faire “manquer” les bénéfices de l’entraînement polarisé.

Une première méthode pour vérifier qu’un entraînement réalisé est bien polarisé est de quantifier le temps passé sur une période donnée en zones 1, 2 et 3. Il “suffit” d’estimer si ces volumes cumulés sont proches de la répartition prévue (p. ex. 75% en Z1 – 5% en Z2 – 20% en Z3), ou non. En 2019, Treff et al. ont voulu aller plus loin. Leur objectif était de créer une méthode de calcul simple qui aidera les athlètes et les entraîneurs à savoir si une charge sur une période donnée est polarisée, ou non. Ils proposent pour cela l’index de polarisation (”Polarized Index”). Voyons ce papier de plus près, avec des exemples concrets !

 

L’index de polarisation de Treff et al. (2019)

L’indice de polarisation est un calcul simple pour distinguer un entraînement polarisé d’un entraînement non polarisé. En s’appuyant sur des études publiées entre 2009 et 2018, les auteurs voulaient aider les chercheurs, les entraîneurs, et les athlètes à quantifier leur niveau de polarisation, pour maximiser l’efficacité de leur entraînement en endurance.

Capture d'écran de l'article discuté

 

La formule de l’index de polarisation

En s’appuyant sur un modèle de répartition des intensités en 3 zones (Z1, Z2 et Z3, comme discuté ci-dessus), les auteurs nous invitent tout d’abord à quantifier la fraction du volume d’entraînement hebdomadaire passé en Z1, en Z2 et en Z3. Cela implique de connaître vos zones 1, 2 et 3. Leur calcul est le suivant :

Index de polarisation = log10 (Fraction du volume en zone 1 / Fraction du volume en zone 2 × Fraction du volume en zone 3 ∗ 100).
(Une fraction du volume est son pourcentage divisé par 100).

D’après Treff et al. (2019) si le calcul aboutit à un index supérieur ou égal à 2, l’entraînement peut être considéré comme “polarisé”. S’il est inférieur à 2, l’entraînement est considéré “non polarisé”.

 

Illustration avec de vraies données

D’après ma montre et ma ceinture de fréquence cardiaque, je me suis entraîné en endurance 6h49min28sec la semaine dernière. N’ayant pas encore fait de test de mes seuils lactiques et ventilatoires, je vous propose l’estimation, imprécise et fausse, suivante. Je vais considérer que mon temps en Z1 dans le modèle en 3 zones correspond à mon volume en Z1 et Z2 dans celui en 5 zones (données accessibles sur ma montre). De même, j’estime que mon temps en Z2 dans le modèle en 3 zones correspond au volume en Z3 dans le modèle en 5. Enfin, je considère que la durée en Z3, toujours dans le modèle en 5 zones, équivaut à mon volume cumulé en Z4 et 5.

En faisant mes calculs, j’arrive aux résultats suivants :

  • 88% de mon volume hebdomadaire était en Z1, soit 0.88 en fraction
  • 3% de ce dernier était en Z2, soit 0.03 en fraction
  • 9% de mon entraînement était en Z3, soit 0.09 en fraction

Mon index de polarisation est donc de log10 (0.88 / 0.03 * 0.09 * 100) = 2.43, donc mon entraînement semble bien être polarisé

 

Exemple d'un calcul de l'index de polarisation avec mes données

Le classeur permettant de vos propres calculs est disponible à cette adresse. Remplacez les valeurs dans les cases en récupérant celles de votre montre pour jouer avec cet exemple. Rappelez-vous, ces estimations servent juste d’exemple. Si vous connaissez vos zone 1, 2 et 3, utilisez la feuille 2 de ce classeur.

 

Conclusion et adaptations possibles, à partir de cet index de polarisation

Vous pouvez faire différentes simulations avec ce classeur. Plus vous vous approcherez d’une répartition 75% à 80% Z1, 0% à 5% Z2, et 15% à 20% Z3, plus l’index de polarisation sera proche ou supérieur de 2. À l’inverse, si vous changez ces valeurs et surtout si vous augmentez votre temps d’entraînement en Z2 (erreur classique), cet index passera en dessous de 2. Alors votre périodisation ne pourra plus être considérée comme polarisée.

Par exemple, d’après l’index de polarisation, ma périodisation semble effectivement polarisée. Parallèlement, si les valeurs dans la partie “estimation dans un modèle en 3 zones” étaient bien 88% Z1, 3% Z2 et 9% Z3, je manquerai de travail intense en Z3. Je peux également en avoir trop cumulé en Z1. Aussi, je pourrais adapter mon entraînement. Par exemple, dans mon cas, je trouve que mon volume d’entraînement hebdomadaire me convient. Préparant des trails de longue distance, je ne trouve pas pertinent d’abaisser drastiquement mon volume en Z1.

Je peux donc jouer sur mon volume hebdomadaire en Z3. Je peux par exemple ajouter 15 minutes par semaine en Zone 3 avec 7 fractions de 2 min intenses. Il m’est possible de répartir ces fractions sur mes sorties longues avec une approche Fartleck. Alors, ma répartition des intensités passerait, au niveau hebdomadaire, à Zone 1 = 84%, Zone 3 = 13%, index de polarisation = 2.55. J’aurais ainsi adapté mon entraînement pour encore mieux coller aux prérogatives de l’entraînement polarisé.

 

Avantages de l’index de polarisation – de la planification à l’exécution

L’avantage de cet index pour moi est qu’il permet de faire le lien entre une planification périodisée a priori, et une exécution correcte du programme. Il est outil simple et efficace pour évaluer si un volume d’entraînement (p. ex. hebdomadaire ou autre) est réellement polarisé ou non. Par exemple, prenons l’étude de Menoz et al. (2014) discutée ci-dessus. Dans celle-ci, les auteurs avaient planifié un entraînement a priori polarisé. Cependant, après sa réalisation, ils ont constaté que beaucoup de personnes du groupe “polarisé” avaient mal respecté la périodisation. Ils avaient par exemple passé trop de temps en Z2.

Ces auteurs ont été confrontés à une moyenne de 73% du volume en Z1, 13.5% en Z2 et 13.5% en Z3 dans le groupe polarisé. Cette distribution des intensités correspond à un index de polarisation de 1.90, soit une périodisation non polarisée. Ces auteurs avaient donc sûrement raison de refaire leurs analyses uniquement avec un sous-échantillon plus respectueux du programme.

Index polarisation appliqué à Mennoz et al., 2014

Les auteurs de l’index polarisé ont appliqué ce raisonnement à plusieurs études publiées. Ils ont ainsi mis en évidence que parfois, une planification “polarisée” a priori pouvait ne pas être réellement polarisée une fois exécutée.

 

Inconvénients de l’index de polarisation – un reflet grossier de la réalité

Tout d’abord, à cause de sa méthode de calcul, l’index de polarisation ne serait fiable que lorsque le temps d’entraînement en Z1 est compris entre 70% et 90% du volume hebdomadaire totale.

De plus, des répartitions très différentes peuvent aboutir à un même index de polarisation. Par exemple, Z1 = 90%, Z2 = 5% et Z3 = 5% donnent environ le même index que Z1 = 72%, Z2 = 13% et Z3 = 15%, ce qui est une limite. De même, cet index permet uniquement une division dichotomique entre polarisée et non polarisée. Il ne permet pas de différencier des sous-types de structures non polarisées (p. ex. au seuil ou haute intensité).

Cet index de polarisation est calculé uniquement sur des temps passés en zone d’intensité. Il ne reflète donc pas la qualité des entraînements et des séances. Un index supérieur à 2 peut être atteint malgré des séances intenses mal pensées, mal quantifiées, sans logique de progression ou encore sans relation avec la qualité physiologique ciblée.

Enfin, l’index de polarisation est estimé à partir de données capturées pendant les séances. Si ces données sont de mauvaises qualités (p. ex. lactatémies imprécises, fréquence cardiaque au poignet), l’algorithme donnera un résultat erroné. De même, des estimations comme celles faites pour illustrer cet article sont fausses. Pour bien utiliser l’index de polarisation, il vous faut un test avec des valeurs fiables (p. ex. seuils lactiques, seuils ventilatoires, fréquence cardiaque) délimitant les zones 1, 2 et 3. Ce genre de test peut se réaliser en laboratoire, ou sur le terrain (mais est moins précis, plus d’information ici).

 

Partie 3 – Conclusion – Savoir si son entraînement est polarisé ou non

En conclusion, l’index de polarisation est un algorithme imaginé par Treff et al. (2019) pour des chercheurs, des entraîneurs, ou des athlètes. Son but est d’aider à estimer si une distribution d’intensité d’entraînements sur une période (p. ex. hebdomadaire, mensuelle) est polarisée ou non. Pour cela, il propose ce calcul :

Index de polarisation = log10 (Fraction du volume en Zone 1 / Fraction du volume en Zone 2 × Fraction du volume en Zone 3 ∗ 100)

La périodisation peut être considérée comme polarisée si le résultat est supérieur ou égal à 2. S’il est inférieur à 2, elle doit être considérée comme non polarisée. Cet outil est utile pour faire le lien entre la planification d’un programme, et l’estimation de la qualité de son exécution, a posteriori. Il ne se substitue pas à d’autres estimations, comme le calcul du volume passé en Zone 1, 2 et 3. Malgré ses défauts, il est utile pour accompagner des entraîneurs et des athlètes dans l’exécution d’un entraînement polarisé. Il favorise également et l’ajustement d’un programme d’entraînement et maximiser nos progrès en endurance, et en trail !

 

Vidéos résumés de cet article

Partie 1 – Qu’est ce que l’entraînement polarisé ?

 

Partie 2 – L’entraînement polarisé est-il efficace ?

 

Partie 3 – Comment savoir si un entraînement est polarisé ?

 

 

Références bibliographiques

· Hydren, J. R., & Cohen, B. S. (2015). Current scientific evidence for a polarized cardiovascular endurance training model. The Journal of Strength & Conditioning Research29(12), 3523-3530. (Lien)
· Muñoz, I., Seiler, S., Bautista, J., España, J., Larumbe, E., & Esteve-Lanao, J. (2014). Does polarized training improve performance in recreational runners?. International journal of sports physiology and performance9(2), 265-272. (Lien)
· Pérez, A., Ramos-Campo, D. J., Freitas, T. T., Rubio-Arias, J. Á., Marín-Cascales, E., & Alcaraz, P. E. (2019). Effect of two different intensity distribution training programmes on aerobic and body composition variables in ultra-endurance runners. European journal of sport science19(5), 636-644. (Lien)
· Rosenblat, M. A., Perrotta, A. S., & Vicenzino, B. (2019). Polarized vs. threshold training intensity distribution on endurance sport performance: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. The Journal of Strength & Conditioning Research33(12), 3491-3500. (Lien).
· Treff GWinkert KSareban MSteinacker JMSperlich BThe polarization-index: a simple calculation to distinguish polarized from non-polarized training intensity distributionsFront Physiol2019;10:Article 707. (Lien)

 

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