Sommeil et ultra-trail : Avant, pendant et après.Temps de lecture estimé : 14 minutes

Vous vous demandez comment gérer le sommeil en ultra-trail ? Avant, pendant et après ? Cet article est fait pour vous !

Sommeil et ultra-trail

Le sommeil est un pilier essentiel de la récupération pour tout athlète. Cependant, il revêt une importance encore plus critique pour les pratiquants d’ultra-trail. Les exigences de cette discipline, caractérisée par des courses de longue, voire de très longue durée, ainsi que par des départs souvent très tôt le matin ou tard dans la nuit, perturbent fréquemment les cycles de sommeil. Cette perturbation, couplée aux volumes d’entraînement intenses et prolongés nécessaires à la préparation de ces épreuves, représente un défi majeur pour la qualité du sommeil des ultra-traileurs.

Le sommeil en général

Dans la vie quotidienne, comme l’ont souligné Martin et al. en 2018, la préparation à un ultra-trail passe souvent par des charges d’entraînement élevées. Ces dernières augmentent les besoins en récupération, en particulier en matière de sommeil. Si les recommandations pour un adulte en bonne santé sont de 7 à 9 heures de sommeil par nuit, certains experts estiment que les athlètes d’endurance devraient viser entre 9 et 10 heures pour une récupération optimale. Un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité peut avoir des conséquences physiologiques importantes, notamment une augmentation des marqueurs inflammatoires ou du facteur de nécrose tumorale (protéine impliquée dans la réponse inflammatoire). Ces derniers peuvent, par exemple, altérer le système immunitaire et augmenter la perception de la douleur.

À l’inverse, un bon sommeil, tant en qualité qu’en quantité, peut non seulement favoriser la récupération, mais aussi prévenir la baisse des performances cognitives et réduire l’effort perçu pendant l’exercice. Ainsi, comprendre et gérer le sommeil devient un enjeu central pour les ultra-traileurs et ultra-traileuses souhaitant optimiser leurs performances et préserver leur santé.

Le sommeil en ultra-trail

Dans le cadre d’une compétition d’ultra-trail, le sommeil joue un rôle crucial dans la performance, notamment sur les distances supérieures à 100 miles. Par exemple, Millet, Hermand et Hurdiel expliquent dans leur commentaire publié en 2022 que lors des courses de plusieurs jours, le déficit de sommeil entraîne une diminution progressive de la vitesse des coureurs, ce qui réduit l’intensité de l’effort dans les phases finales de la course. Cette baisse de rythme, souvent regrettée par les athlètes, n’est généralement pas souhaitée. Cependant, ce signe de fatigue extrême pourrait aussi avoir un effet protecteur. En ralentissant, les coureurs réduisent la contrainte sur le système cardiovasculaire et neuromusculaire, limitant ainsi les risques de problèmes physiologiques graves après la course. En d’autres termes, l’augmentation de la somnolence pourrait indirectement protéger les athlètes.

Ils soulignent également que le sommeil, ses cycles, et la sensibilité au manque de sommeil sont en grande partie des caractéristiques individuelles immuables. Ces différences, innées, nous rendent plus ou moins aptes à gérer la privation de sommeil vécue pendant un ultra-trail.

Mais avant de continuer, qu’est-ce que le sommeil ?

Qu’est-ce que le sommeil ?

Le premier aspect à préciser est que le sommeil est extrêmement complexe. D’un point de vue scientifique, nous sommes encore loin de le comprendre parfaitement. Le sommeil est un état physiologique indispensable au bon fonctionnement de l’organisme, divisé en plusieurs phases distinctes : le sommeil léger, le sommeil profond, et le sommeil paradoxal. Chacune joue un rôle spécifique dans la récupération, qu’elle soit physique ou cognitive. Par exemple, le sommeil profond est crucial pour la réparation des tissus et la libération des hormones de croissance, tandis que le sommeil paradoxal est associé à la consolidation des souvenirs et à l’équilibre émotionnel.

Le sommeil est également caractérisé par plusieurs paramètres clés. Le temps d’endormissement, soit la durée nécessaire pour s’endormir, est un indicateur de la qualité de l’endormissement. Le nombre de réveils pendant la nuit peut affecter la continuité du sommeil et la sensation de repos au réveil. La durée totale du sommeil influence en grande partie l’efficacité de la récupération. Enfin, les mouvements pendant le sommeil, souvent mesurés par actigraphie, peuvent indiquer des perturbations ou des micro-réveils, affectant ainsi la qualité globale du sommeil. Bref, pour mesurer le sommeil et sa qualité, de nombreux paramètres doivent être observés.

Pour cet article, j’ai choisi une structuration un peu particulière. Plutôt que de diviser la thématique du sommeil en sous-parties, je vous propose d’avancer d’étude en étude. C’est un format que je préfère, et j’ai relevé cinq études que j’ai trouvées particulièrement pertinentes pour traiter de ce sujet. Leurs résultats abordent différents points qui se complètent ou se répondent. Je vous propose donc de mieux comprendre le sommeil en ultra-trail avec moi, en avançant à travers ces publications.

Le sommeil habituel des ultra-traileurs – Martin et al., 2018

Je vous propose de commencer par le sommeil des ultra-traileurs en général. En 2018, Martin et al. ont cherché à mieux comprendre les habitudes de sommeil des pratiquants réguliers d’ultra. Pour cela, ils ont demandé à des coureurs de remplir un questionnaire complet, évaluant plusieurs aspects de leur sommeil habituel et de celui juste avant les courses. Ils ont également mesuré la somnolence moyenne pendant la journée.

Les analyses ont d’abord montré que les athlètes d’ultra dormaient majoritairement entre 6 et 8 heures par nuit en semaine, ce qui est inférieur aux recommandations et devrait être augmenté. Ils dormaient plutôt entre 7 et 9 heures le week-end. Près d’un quart des personnes interrogées rapportaient avoir régulièrement des troubles du sommeil, mais seulement 20 % d’entre elles avaient consulté pour les résoudre. De plus, environ 22 % des participants rapportaient faire des siestes pendant la semaine, et environ 45 % le week-end. Pour la majorité des gens, ces siestes duraient entre 30 minutes et 1 heure.

Les analyses ont également montré que, dans cet échantillon, le niveau de somnolence pendant la journée était plus élevé que dans la population générale. Près de 40 % des athlètes présentaient une somnolence considérée comme excessive, d’après les scores obtenus au questionnaire. Cela peut s’expliquer par le temps de sommeil en moyenne inférieur aux recommandations, mentionné précédemment.

Enfin, les jours précédant une course, presque 75 % des interrogés rapportaient prêter une attention particulière à leur sommeil. La grande majorité cherchaient à en augmenter la durée, à en améliorer la qualité, et à intégrer des siestes. Sans surprise, les athlètes qui participaient aux courses les plus longues étaient aussi ceux qui dormaient le plus pendant les épreuves.

 

Schéma extrait de Martin et al., 2018. Traduit sans modification.

 

Sommeil autour du Grand Raid de la Réunion – Kishi et al. 2024

En 2024, une autre étude est venue compléter ces informations, en les appliquant au contexte du Grand Raid de la Réunion. Kishi et al. (2024) ont mené une étude sur le sommeil des ultra-traileurs pendant le Grand Raid de la Réunion de 2018. Ils se sont intéressés aux participants des formats ultra, à savoir le Trail de Bourbon (110 km et 6 430 m) et la Diagonale des Fous (165 km et 10 000 m). Ces auteurs ont mesuré de nombreuses variables chez 1 163 participants, dont 1 154 finishers.

Tout d’abord, ils ont examiné le profil habituel de sommeil (chronotype, heure de coucher, heure de réveil, durée moyenne de sommeil et durée idéale de sommeil souhaitée). Ils ont également évalué ces mêmes mesures, mais cette fois spécifiques à la semaine précédant la course. Ces chercheurs ont ainsi calculé la dette de sommeil, qui était la différence entre la durée habituelle des nuits et celle observée la semaine avant le départ.

Cette équipe a également demandé aux participants quelles stratégies de sommeil ils avaient mises en place avant, pendant, et après les courses. De plus, dans la partie spécifique à l’événement, ils ont recueilli des informations sur les horaires des phases de sommeil, leur durée, les conditions dans lesquelles ils avaient dormi, et les répercussions potentielles du manque de sommeil (p. ex. chutes, blessures, hallucinations). Enfin, les auteurs ont également suivi le sommeil et les siestes après les courses.

Sommeil avant le Grand Raid de la Réunion

Pour le sommeil avant le Grand Raid de la Réunion, 55 % des coureurs rapportaient que leur temps de sommeil avant la course s’était allongé, tandis que 1 % rapportaient qu’il avait diminué. Néanmoins, ni l’un ni l’autre groupe n’avait de meilleures ou de moins bonnes performances que les coureurs sans modification du temps de sommeil avant la course. De plus, 20 % des participants s’étaient volontairement entraînés à se priver de sommeil. Cependant, ces personnes n’ont pas montré de performances significativement meilleures que les autres, ce qui remet en question cette stratégie. À ce sujet, je me permets de relier ce résultat aux propos de Millet et al. en 2022, qui écrivaient : “L’entraînement à la privation de sommeil est inefficace et dangereuse, nous déconseillons donc fortement aux athlètes de le pratiquer.”

Enfin, la dette de sommeil moyenne la semaine avant les départs était de -50 minutes, la plupart du temps involontairement. Cette observation doit alerter les pratiquants qui, contre leur gré, perdent en durée de sommeil avant une course, par exemple à cause des nombreux événements logistiques à gérer. De manière intéressante, 30 % des coureurs rapportent avoir vécu des troubles du sommeil la nuit avant le départ.

Est-ce que augmenter la durée du sommeil améliore-t-il les performances ?

Je voulais faire ici une mini-parenthèse sur ce résultat surprenant concernant le lien entre l’augmentation du temps de sommeil et les performances. Je trouve intéressant de le comparer à d’autres résultats dans la littérature, qui montrent des conclusions variées. En 2023, Cunha et al. ont publié une revue de littérature sur les effets des interventions visant à augmenter la durée du sommeil sur la performance. Leurs conclusions, sans analyse statistique, sont que l’allongement de la durée de sommeil semble plutôt améliorer les performances sportives.

En 2022, Gwyther et al. ont publié une revue similaire, mais cette fois avec méta-analyse, c’est-à-dire avec des conclusions basées sur des données statistiques. Leurs conclusions indiquent qu’augmenter le temps de sommeil avant une compétition n’améliore pas les performances sportives. En 2018, Bonnar et al. avaient également mené une méta-analyse sur le sujet. Ils avaient souligné que l’augmentation du temps de sommeil améliore les performances sportives, mais seulement si cette augmentation se fait par des nuits plus longues, et non par des siestes, par exemple.

Je rediscuterai de ce point avec mes invités dans la vidéo disponible ci-dessous. Cependant, en l’état, la réponse à la question “Est-ce que l’augmentation de la durée du sommeil améliore les performances ?” semble difficile à trancher.

Sommeil pendant le Grand Raid de la Réunion

Revenons à l’étude de Kishi et al. (2024). Pendant la Diagonale des Fous, ces auteurs ont constaté que 84 % des coureurs ont dormi (en moyenne 1h15 au total), contre 53 % sur le Trail de Bourbon (en moyenne 27 minutes au total). Sans surprise, plus les coureurs étaient lents pendant la course, plus ils prenaient le temps de dormir. Ce résultat avait déjà été mis en avant par Poussel et al. en 2015. Leurs analyses montraient que sur 303 finishers de l’UTMB 2013, les 217 qui n’avaient pas dormi avaient fini plus vite que les 86 ayant fait une ou des siestes.

Enfin, 82 % des coureurs de la Diagonale des Fous et 75 % du Trail du Bourbon ont vécu des symptômes associés au manque de sommeil (p. ex. hallucinations, manque de vigilance). Là aussi, plus le temps passé pendant l’événement était long, plus les symptômes étaient fréquents. Je trouve intéressant de noter que les personnes qui avaient augmenté leur temps de sommeil avant la course rapportaient significativement moins de chutes que les autres (12 % contre 17 %).

Schéma extrait de Kishi et al., 2024. Traduit sans modification.

Sommeil après le Grand Raid de la Réunion

Enfin, après le Grand Raid de la Réunion, les coureurs estimaient qu’il leur fallait en moyenne 2,3 jours pour retrouver un état normal d’éveil sans somnolence. Pendant cette période, les athlètes dormaient en moyenne 1 heure de plus que d’habitude.

Au final, cette étude semble surtout conclure, de manière surprenante, que le sommeil n’aurait pas un impact énorme sur la performance en ultra-trail. Par exemple, augmenter son temps de sommeil n’améliore pas les performances, mais réduit légèrement les risques de chutes. De plus, s’entraîner à se priver de sommeil n’est pas efficace. Sans surprise, plus le temps passé en course est long, plus les phases de sommeil (comme les siestes) semblent nécessaires. Enfin, environ 2 jours semblent suffire pour récupérer du manque de sommeil dû à la course.

 

Le sommeil est il associé à la performance en ultra-trail ? Daniel et al. 2024

Je trouve aussi intéressante l’étude de Daniel et al. en 2024. Ils se sont intéressés aux coureurs du Brazil 135 Ultra-marathon de 2020, une course de 220 km avec 7 300 m de dénivelé. Ces auteurs ont examiné le sommeil de 38 athlètes au départ, ainsi que de 59 personnes faisant l’assistance de ces coureurs. Cette course est considérée comme tellement exigeante par l’organisation que celle-ci recommande aux coureurs d’être accompagnés sur le parcours par leur assistance. Il ne s’agit donc pas simplement d’un support logistique aux ravitaillements, mais la plupart du temps d’un accompagnement réel pendant l’épreuve.

La veille de la course, les participants ont répondu à des questionnaires sur le chronotype, la qualité et la quantité de sommeil, le temps d’endormissement moyen, et la somnolence moyenne. Bref, un ensemble complet de variables représentant le sommeil a été évalué. Ils ont également évalué le volume et la fréquence d’entraînement, ainsi que l’expérience.

Le premier résultat est qu’aucune variable représentant le sommeil n’était corrélée à la performance pendant la course. De toutes les mesures effectuées, seule la fréquence d’entraînement, en nombre de jours par semaine, était corrélée à la performance. Fait intéressant, ceux qui s’entraînaient le plus fréquemment étaient aussi ceux qui dormaient le mieux. Il est également notable que le volume d’entraînement n’était pas corrélé à la performance. Je répète souvent que le volume d’entraînement ne compte pas autant que la qualité des entraînements, et le volume suivra naturellement avec des entraînements intelligents. C’est ici encore une preuve pour soutenir ces propos.

Les auteurs soulignent simplement, comme Martin et al. en 2018, que tous les participants avaient une qualité de sommeil à peine acceptable et pouvant être améliorée.

 

Le sommeil en ultra-trail avec l’UTMB

Privation de sommeil, fatigue mentale et UTMB – Hurdiel et al. 2015

En 2015, Hurdiel et al. ont cherché à comprendre l’effet du manque de sommeil engendré par un ultra-trail sur la fatigue mentale, et plus précisément sur les performances cognitives. Pour cela, ils ont demandé à 24 coureurs de l’UTMB (16 hommes et 8 femmes) de participer à une expérimentation. Les participants ont répondu à un questionnaire et réalisé des tests cognitifs avant le départ, puis le plus tôt possible après leur arrivée.

Les analyses ont montré que, sans surprise, plus le temps passé dans la course était élevé, plus la quantité de sommeil pendant l’épreuve était également élevée. Cette relation était statistiquement significative.

Schéma extrait de Hurdiel et al., 2015. Traduit sans modification.

Parmi ces 24 coureurs, 8 ont présenté des symptômes associés à la privation de sommeil. Précisément, quatre ont eu des hallucinations, cinq ont eu du mal à garder les yeux ouverts pendant qu’ils couraient, trois ont rapporté des troubles de l’équilibre, et un a vécu une forme d’amnésie partielle concernant une partie de la course. Enfin, après la course, une dégradation significative des capacités cognitives a été observée. Après l’UTMB, le temps de réaction moyen augmentait de 86 %, et le nombre d’erreurs commises pendant l’évaluation était supérieur comparativement à avant la course. Cependant, de manière surprenante, les erreurs dans cette tâche de mesure de la fatigue mentale n’étaient pas corrélées au temps passé dans l’épreuve, ni à la quantité de sommeil effectuée pendant la course.

Personnellement, ce dernier résultat éveille ma curiosité sur les causes de cette fatigue mentale observée, qui semblent se trouver ailleurs que dans la privation de sommeil !

 

Le sommeil après un ultra-trail – Baron et al. 2023

En 2023, Baron et al. ont mené une étude sur 19 finishers de l’UTMB (170 km et 10 000 m). Cet échantillon est petit, mais les mesures de cette expérimentation sont fiables et méritent donc, selon moi, d’être discutées. Les participants ont porté des accéléromètres 10 jours avant la course, 10 jours après la course, et pendant l’épreuve. Un accéléromètre est un petit appareil généralement positionné à la ceinture et mesurant les mouvements. Les plus modernes, comme ceux utilisés ici, permettent d’estimer la quantité et la qualité du sommeil grâce à de nombreux indicateurs. On retrouve par exemple la durée totale du sommeil par nuit, le temps d’endormissement, le nombre de réveils et leur durée, la quantité de mouvement pendant le sommeil, etc.

De plus, pendant la course, les participants indiquaient aux ravitaillements s’ils avaient fait une sieste sur la portion qu’ils venaient de parcourir. Si oui, ils renseignaient le lieu et la durée de cette sieste. Enfin, pendant les 8 jours précédant l’UTMB et les 10 jours suivant l’arrivée, les participants remplissaient un questionnaire multidimensionnel mesurant plusieurs aspects du bien-être perçu. Ce dernier est parfois considéré comme un indicateur de la récupération.

Les résultats

Les résultats ont montré qu’il n’y avait en fait que peu de différences dans le sommeil entre avant et après la course. Principalement, les athlètes se réveillaient plus fréquemment à +48 h après la course qu’à +8, +9 et +10 jours. Cela indique un sommeil légèrement perturbé juste après l’événement. De plus, les analyses ont montré des relations significatives entre le nombre de réveils pendant chaque nuit et les douleurs musculaires ainsi que le bien-être global.

Plus il y avait de réveils, plus les douleurs étaient élevées et le bien-être était bas. La corrélation avec les douleurs était d’ailleurs assez forte. Comme il s’agit d’une corrélation, on ne peut pas savoir qui de l’œuf ou de la poule. Cependant, il semble logique de penser que les douleurs musculaires (p. ex. dans les jambes) dégradent le sommeil, donc qu’il existerait une direction dans cette relation. Si vous avez déjà fait une épreuve avec beaucoup de dénivelé négatif, vous savez de quoi je parle.

De plus, les analyses ont révélé des corrélations significatives entre le temps de sommeil par nuit et le sommeil perçu, le stress et le bien-être. Plus le sommeil était long, plus il était perçu de bonne qualité, le stress était bas, et le bien-être était haut. Je trouve cela vraiment intéressant de voir que le sommeil change très peu entre avant et après un ultra-trail. Sa qualité semble légèrement se détériorer, avec plus de réveils, par exemple. Cependant, les autres paramètres comme sa durée ou le temps d’endormissement ne bougent pas !

Comment gérer la privation de sommeil en ultra-trail ?

Un point important à discuter pour terminer cet article est : comment lutter contre le sommeil pendant un ultra-trail ? Gérer la fatigue et la somnolence lors d’un ultra doit être fait de manière réfléchie pour préserver à la fois la performance et la santé. Comme le soulignent Millet et al. en 2022, la fatigue ne doit pas être vue uniquement comme un ennemi à combattre. Elle est aussi un signal d’alerte naturel, un mécanisme de protection de notre organisme. Vouloir lutter de manière excessive contre la fatigue peut être dangereux et entraîner des risques pour la santé, surtout lors d’épreuves de longue durée.

Le moyen le plus efficace pour contrer la fatigue est, sans surprise… de dormir. Sur un ultra-trail, intégrer des siestes stratégiques peut considérablement réduire les effets de la somnolence. Bien que je n’aie pas réalisé une revue de littérature exhaustive sur le sujet, la majorité des études que j’ai consultées indiquent que même des siestes courtes, entre 15 et 30 minutes, auront des effets bénéfiques significatifs.

Enfin, la caféine peut être un allié précieux pour lutter contre la somnolence, à condition de l’utiliser de manière judicieuse. Je vous explique comment l’utiliser dans cet article du site. Cette substance sera surtout utile quand la fatigue s’installe. Une vieille étude de 1985 avait montré que l’efficacité de la caféine augmente avec la durée de l’effort. En l’utilisant à des dosages appropriés, elle peut aider à maintenir la vigilance, réduire les risques de chute, et retarder l’apparition de la fatigue. Toutefois, il est important de se rappeler que la caféine n’est pas une solution miracle. À un moment donné, même avec l’aide de cette substance, le corps exigera du repos, et il sera impératif de céder à ce besoin pour éviter de mettre en péril votre santé.

 

Conclusion – Sommeil et ultra-trail

En conclusion, le sommeil, et son absence, sont des enjeux centraux pour les ultra-traileurs. Optimiser le sommeil et savoir gérer son manque sont cruciaux pour maximiser la performance tout en préservant la santé.

Faut-il s’entraîner au manque de sommeil en ultra-trail ?

Une question fréquente est celle de l’entraînement à la privation de sommeil. Bien que certains s’y essaient, comme l’ont montré Kishi et al. en 2024, cette stratégie n’a pas prouvé son efficacité et pourrait même s’avérer dangereuse, comme l’ont souligné Millet et al. en 2022. En d’autres termes, il vaut mieux s’entraîner à courir qu’à rester éveillé, et privilégier les nuits réparatrices.

Faut-il augmenter son temps de sommeil avec un ultra-trail ?

L’augmentation du temps de sommeil avant une course est une autre stratégie souvent évoquée, mais les résultats sont partagés. Certaines études suggèrent un impact positif sur la performance, tandis que d’autres, comme celle de Kishi et al., n’ont pas trouvé de lien direct. Ce qui semble certain, c’est que le sommeil pré-course peut réduire certains risques, comme les chutes, en améliorant la vigilance. Notons que les coureurs les plus lents sont ceux qui dorment le plus pendant la course, ce qui rend la planification des phases de repos essentielle pour eux.

Conséquences de la privation de sommeil en ultra-trail

Les symptômes de privation de sommeil varient largement d’une personne à l’autre, de la simple fatigue à des phénomènes plus extrêmes comme l’endormissement en mouvement, les chutes, voire les hallucinations. La raison de ces différences reste un mystère pour la science. De plus, la fatigue cognitive observée pendant ces épreuves pose de nombreuses questions, car elle ne semble pas corrélée au temps passé en course ni au nombre de siestes effectuées.

Comment lutter contre le sommeil pendant un ultra-trail

Enfin, pendant un ultra-trail, dormir reste le meilleur moyen de lutter contre la somnolence, bien que la durée idéale des siestes soit difficile à déterminer. La caféine peut aussi être utile, mais elle doit être utilisée avec précaution. Ce qui est certain, c’est qu’il n’existe pas encore de réponses claires sur la gestion optimale du sommeil en ultra-trail. La littérature n’est pas encore très fournie sur le sujet. Je vous invite à rester à l’écoute de votre corps et à adapter votre stratégie en fonction de vos besoins.

 

Découvrez cet article en vidéos !

Partie 1 – Mes explications

Partie 2 – Mon interview d’experts, Mathieu Berger et Guillaume Millet

 

 

Références bibliographiques

• Baron, P., Hermand, É., Elsworth-Edelsten, C., Pezé, T., Bourlois, V., Mauvieux, B., & Hurdiel, R. (2023). Sleep and subjective recovery in amateur trail runners after the Ultra-Trail du Mont Blanc®(UTMB®). Journal of Science in Sport and Exercise5(2), 123-129. (Lien).
• Bonnar, D., Bartel, K., Kakoschke, N., & Lang, C. (2018). Sleep interventions designed to improve athletic performance and recovery: a systematic review of current approaches. Sports medicine48, 683-703. (Lien).
• Cunha, L. A., Costa, J. A., Marques, E. A., Brito, J., Lastella, M., & Figueiredo, P. (2023). The impact of sleep interventions on athletic performance: a systematic review. Sports Medicine-Open9(1), 58. (Lien).
• Daniel, N. V. S., Barreira, J., Bastos, A. M., dos Santos, N. E., Franco, B., Esteves, A. M., & Belli, T. (2024). Ultramarathon runners and support crew: the influence of pre-race sleep and training profiles on performance in a 217-km mountain race. Sleep Medicine. (Lien).
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• Kishi, A., Millet, G. Y., Desplan, M., Lemarchand, B., & Bouscaren, N. (2024). Sleep and ultramarathon: exploring patterns, strategies, and repercussions of 1,154 mountain ultramarathons finishers. Sports Medicine-Open10(1), 34. (Lien).
• Martin, T., Arnal, P. J., Hoffman, M. D., & Millet, G. Y. (2018). Sleep habits and strategies of ultramarathon runners. PloS one13(5), e0194705. (Lien).
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Cyril Forestier

Trailer passionné 🏃🏻‍♂️ et docteur en science du mouvement humain (STAPS) 👨‍🔬 , je décrypte la littérature scientifique pour mieux comprendre notre pratique. Je rédige des articles afin de vulgariser des études, de vous partager mes tests matériels ou encore de vous communiquer ce qui me motive, tout ça dans le but de courir mieux ! Des réponses à vos questions se trouvent surement dans mes articles 😉.

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