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Vous voulez savoir ce que sont les seuils lactiques et les seuils ventilatoires ? Comment les mesurer avec et sans matériel ? Sont-ils vraiment des “seuils” ? Cet article est fait pour vous !

Illustration pour l'article sur les seuils lactiques et ventilatoires

L’importance des seuils lactiques et des seuils ventilatoires en endurance

Dans un article précédent, je vous présentais l’entraînement polarisé, et ses bénéfices pour progresser en trail et en course à pied. Comme expliqué, cette approche se base sur une répartition spécifique du temps de travail en zone 1, 2 et 3. Ces 3 zones sont déterminées par le seuil ventilatoire et le seuil lactique 1, et le seuil ventilatoire 2 et celui lactique 2.

Ici, j’aimerais rentrer plus en détail dans ces seuils ventilatoires et lactiques 1 et 2. Je vais vous présenter ce qu’ils sont, et comment mesurer ces derniers, en laboratoire, et sur le terrain. Enfin, je discuterais de si ces seuils sont vraiment des seuils, ou non. Pour cela, je vais m’appuyer sur plusieurs revues de littératures, à savoir Faude et al. (2009), Poole et al. (2021), et Vallier et al. (2000). Lorsque je ferai référence à une autre étude qu’une de ces 3 revues, je le mentionnerai spécifiquement.

Tout d’abord une brève introduction. Dès les premières années des études en physiologie de l’exercice, les chercheurs ont fait une découverte surprenante. À mesure que l’intensité d’un exercice augmente (de manière linéaire) 2 phénomènes non linéaires se produisent. Dans un premier temps, les experts remarquent qu’au fur et à mesure de la montée en intensité, une accumulation d’ions lactate se produit dans le sang. Parallèlement, et presque simultanément, les scientifiques observent une augmentation exponentielle des concentrations en CO2 dans l’air expiré. La dernière observation des physiologistes est qu’au-delà de certaines concentrations en ions lactate et en CO2 expiré, les personnes arrêtent l’exercice aérobie. Cela a amené donc les chercheurs à investiguer plus en détail les évolutions de ces 2 marqueurs.

 

Les seuils lactiques 1 et 2

Glycolyse et lipolyse

À mesure que l’intensité d’un exercice physique augmente, différents mécanismes physiologiques opèrent. Le premier à considérer, pour comprendre la suite, est le changement progressif du substrat utilisé préférentiellement par l’organisme. En résumé, en endurance le métabolisme utilise deux carburants : les glucides (glucose, ou glycogène dans sa forme stockée dans le muscle et le foie) et les lipides (c.-à-d. les graisses). On parle de glycolyse pour définir le processus qui amène à utiliser le glucose et le glycogène pour produire de l’énergie. On parle de lipolyse pour celui qui amène à utiliser des graisses.

À mesure que l’intensité d’un exercice en endurance augmente, le métabolisme va progressivement changer de carburant préférentiel. À intensité basse, il va plutôt majoritairement utiliser des lipides, donc produire de l’énergie grâce à la lipolyse. L’augmentation de l’intensité de l’exercice aérobie l’amène à progressivement utiliser de plus en plus de glucides, et de moins en moins les lipides. À intensité maximale aérobie, votre métabolisme utilisera majoritairement les glucides, donc produira de l’énergie grâce à la glycolyse. Au milieu des intensités, se trouvent une zone, appelée “zone de crossover” où  votre corps utilise environ équitablement les glucides et les lipides. Purdom et al. (2018) décrivent avec précision ce phénomène.

Représentation schématique du changement de carburant préférentiel à l'exercice
Le concept de crossover. La diminution relative de l’énergie produite grâce aux lipides lorsque l’intensité de l’exercice augmente avec une augmentation correspondante de l’utilisation des glucides. Le point de “crossover” décrit le moment où la contribution des glucides à l’oxydation des substrats remplace celle des lipides. Adapté de Purdom et al. (2018).

 

Acide lactique, lactate et seuils lactiques

La glycolyse est un processus efficace pour produire de l’énergie durant l’exercice aérobie. Cependant, elle libère un métabolite, appelé l’acide lactique. En réalité, ce terme est inapproprié. Dans le métabolisme, l’acide lactique se présente en fait sous une forme “dissociée” entre du lactate d’une part, et des ions H+ d’autre part. Heureusement pour l’organisme d’ailleurs, car il serait extrêmement dangereux pour lui d’avoir réellement de l’acide lactique à l’intérieur.

Lorsque le glycogène musculaire et le glucose sanguin sont dégradés pour produire de l’énergie, nécessaire à la contraction musculaire, du lactate est sécrété. Il est ensuite en partie réutilisé pour produire à nouveau de l’énergie. Quand l’intensité augmente, plus de lactate est progressivement sécrété. Cependant, le métabolisme arrive encore à en utiliser plus que la glycolyse n’en rejette. Au-delà de certaines intensités, trop de lactate est sécrété par rapport à ce que votre physiologie peut utiliser. On parle de seuil lactique 1 et 2 pour caractériser ces deux moments physiologiques théoriques.

 

Les seuils lactiques 1 et 2, seuil aérobie et seuil anaérobie

Ayant en main ces connaissances, les chercheurs ont pu s’intéresser à la cinétique du lactate sanguin (c.-à-d. comment celui-ci évolue) durant un effort aérobie. Classiquement, lorsqu’on s’intéresse à l’évolution de la lactatémie au cours de l’effort, on distingue 3 zones.

Sous le seuil aérobie, sous SL1

La première zone, Z1, est aussi souvent appelée “sous SL1” ou “sous le seuil aérobie”. Elle correspond à des intensités d’exercice aérobie où la concentration du lactate sanguin est stable, elle évolue peu. À l’origine il était pensé que cette stabilité était due à une absence de production de lactate. Désormais, on sait que cette explication est fausse. La lactatémie est stable car le débit de production des ions lactate est inférieur à celui de son utilisation (qui d’ailleurs, s’améliore avec l’entraînement), donc sa concentration sanguine n’augmente pas.

Entre le seuil aérobie et le seuil anaérobie, entre SL1 et SL2

La deuxième zone, Z2, est aussi appelée “au-dessus de SL1”, “sous SL2”, “au-dessus du seuil aérobie” ou encore “sous le seuil anaérobie”. Elle renvoie à des intensités d’exercice aérobie où la lactatémie augmente visuellement légèrement, et de manière linéaire. À cause de l’augmentation de l’intensité de l’exercice, de plus en plus de glucides sont utilisés pour produire de l’énergie.

Alors, le taux de production des ions lactate augmente et dépasse graduellement celui de son utilisation. De plus, le métabolisme aérobie (glycolyse, lipolyse, et utilisation d’oxygène pour produire de l’énergie) commence à ne plus suffire. Les processus anaérobies (c.-à-d. ceux ne dépend pas des mécanismes aérobies discutés précédemment) se mettent en route de manière plus marquée pour aider ceux aérobies.

Au-dessus du seuil anaérobie, au-dessus de SL2

La troisième zone, Z3, est aussi appelée “au-dessus du seuil anaérobie” ou “au-dessus de SL2”. Elle correspond à un moment où la concentration en lactate sanguin augmente brutalement, et de manière exponentielle. Le taux de production des ions lactate dépasse largement celui de son utilisation. Les processus anaérobies contribuent encore plus à la production d’énergie. Au niveau aérobie, la glycolyse est largement le substrat principal.

Schéma représentant les deux seuil lactiques, et l'évolution de la lactémie durant un effort aérobie incrémental
Schéma représentant les deux seuils lactiques, et l’évolution de la lactatémie durant un effort aérobie incrémental, adapté de Vallier et al. (2000).

Schéma représentant les deux seuil lactiques, et l'évolution de 3 lactémies durant un effort aérobie incrémental
Schéma représentant les deux seuils lactiques, et l’évolution de 3 lactatémies durant un effort aérobie incrémental, adapté de Vallier et al. (2000).

 

Les seuils ventilatoires 1 et 2

En observant comment évolue la ventilation durant un effort aérobie à intensité croissante, les physiologistes ont observé un phénomène similaire à celui observé pour la lactatémie. Durant un exercice en endurance, à mesure que l’intensité augmente, le débit ventilatoire augmente. Cette augmentation est, elle aussi, marquée par deux cassures.

Le seuil ventilatoire 1

Dans un premier temps, à mesure que l’intensité de l’exercice augmente, en observant une courbe représentant l’évolution du débit ventilatoire, il est possible de remarquer une première cassure. Celle-ci représente une première augmentation notable et linéaire du débit ventilatoire. Comme dit plus haut, la glycolyse engendre des ions lactate, et des ions H+. Pour éliminer ces derniers, le métabolisme les “tamponne” avec du bicarbonate. Cette action engendre une augmentation de la concentration en CO2. Notre ventilation est alors stimulée pour évacuer ce dioxyde de carbone.

 

Le seuil ventilatoire 2

Encore plus tard dans l’exercice, l’intensité continuant d’augmenter, le débit ventilatoire va lui aussi croître. Sur une courbe représentant la cinétique de ce dernier, nous pouvons, à un moment donné, observer une seconde cassure, marquant une augmentation exponentielle du débit ventilatoire, et non plus linéaire. Plusieurs observations expliquent ce phénomène. Un d’entre eux (mais pas le seul) est l’augmentation de la contribution de la glycolyse à la production d’énergie. Alors, encore plus d’ions H+ sont libérés, donc encore plus de CO2 est produit. Le débit ventilatoire augmente pour favoriser son élimination, et lutter contre une forme d’acidose. Les évolutions des catécholamines, des ions ammonium et du potassium joueraient aussi un rôle dans l’augmentation du débit ventilatoire.

 

Schéma représentant les deux seuils ventilatoires, un effort aérobie incrémental
Schéma représentant les deux seuils ventilatoires, un effort aérobie, incrémental, adapté de Vallier et al. (2000).

 

Les seuils lactiques et les seuils ventilatoires sont-ils liés ?

La cinétique de la lactatémie ressemblant à celle du débit ventilatoire (c.-à-d. augmentation progressive avec deux simulacres de points de rupture), des chercheurs se sont posé la question des relations entre ce qui a été appelé les seuils lactiques et les seuils ventilatoires. Les études sur le sujet ne sont pas des plus récentes, mais la réponse semble être positive. En effet, il semblerait que les seuils lactiques soient corrélés aux seuils ventilatoires, et que chacun de ces seuils soit “dépassés” à des intensités proches.

Anderson et al. (2007) notaient une corrélation entre .95 et .82 entre ces deux phénomènes chez des hommes en bonne santé. Chez des adultes en bonne santé également, Gaskill et al. (2000) ont eux identifié des corrélations entre ces deux marqueurs allant de .95 à .98. D’autres études plus anciennes avaient noté des corrélations similaires entre .82 et .90. Une corrélation allant de 0 à 1, ces valeurs sont élevées, voire maximales. Elles suggèrent une cooccurrence forte des phénomènes. Je précise tout de même que ces deux processus ne sont pas directement liés, ni les mêmes. Simplement, ils semblent se manifester à des moments métaboliques proches.

 

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Mesurer ses seuils lactiques et seuils ventilatoires

Il existe à ce jour de nombreuses méthodes permettant d’estimer, avec plus ou moins de précisions, les seuils lactiques et ventilatoires. Je vous propose de discuter ci-dessous de trois d’entre elles.

Déterminer ses seuils de manière visuelle

La détermination des seuils lactiques et des seuils ventilatoires est, malheureusement, souvent visuelle. Les physiologistes observent une courbe d’évolution du lactacte sanguin, ou du débit ventilatoire, au cours d’un exercice en aérobie à intensité progressive réalisé en laboratoire. De là, ils cherchent à identifier ces zones de “ruptures” de pente (plus ou moins marquées selon les individus).

Pour les seuils lactiques, les personnes réalisant l’analyse vont tout d’abord chercher à identifier le moment ou la lactatémie sort de son état stable et commence à augmenter linéairement (SL1). Ensuite, elles vont chercher à identifier, plus tard sur cette même courbe, un point d’augmentation non linéaire brutale, avec une tendance exponentielle. Pour que l’estimation visuelle des seuils lactiques soit robuste, elle devrait être réalisée par 3 personnes différentes. En moyenne, le premier seuil lactique est régulièrement proche d’une concentration en lactate sanguin de 2 mmol/L. Concernant le seuil lactique 2, il arrive souvent à des valeurs avoisinant les 4 mmol/L. Cependant, ces valeurs sont des valeurs imprécises qui dépendent d’énormément de facteurs, à commencer par l’entraînement.

Pour les seuils ventilatoires, les expérimentateurs vont observer les cinétiques de VE (le débit ventilatoire) / VO2 (c.-à-d. volume d’oxygène consommé), et de VE / VCO2 (c.-à-d. le volume de dioxyde de carbone rejeté). Des auteurs ont proposé de conduire l’analyse visuelle de VCO2 / VO2, mais cette méthode s’est révélée être la moins robuste. Pour que l’estimation visuelle des seuils respiratoires soit robuste, elle devrait, elle aussi, être réalisée par 3 personnes différentes.

 

Déterminer ses seuils par algorithmes

Pour dépasser la méthode visuelle d’estimation des seuils lactiques et ventilatoires, des auteurs ont proposé des algorithmes. C’est d’ailleurs par algorithme que certaines montres cardio-GPS estiment vos seuils lactiques (p. ex. Garmin). Malheureusement, aucun de ces algorithmes ne semble à ce jour particulièrement robuste. De plus, beaucoup d’entre eux seraient dépendant du contexte de réalisation du test, et de la population. Par exemple, en 2021, Poole et al. recensaient plus de 25 algorithmes publiés dans la littérature. Ils aboutissaient tous à des valeurs différentes pour de mêmes personnes mesurées au même moment. Parmi eux, 15 algorithmes démontraient une forte dépendance au protocole de réalisation du test, et aux éléments considérés pour réaliser les estimations.

 

Déterminer ses seuils à la sensation

Ces deux méthodes sont intéressantes, et certainement les plus fiables à ce jour. Cependant, elles ont un défaut, elles demandent de réaliser un test en laboratoire ou sur le terrain, avec certains appareils de mesure souvent contraignants. Pour dépasser cette limite, des auteurs ont proposé des méthodes pour estimer ces seuils ventilatoires et lactiques sur le terrain, sans autre outil de mesure que vos sensations. La méthode du genre la plus connue est le Talk Test.

 

Le Talk Test pour estimer ses seuils lactiques et ventilatoires sur le terrain

Le Talk Test ne nécessite aucun équipement, seulement votre voix, votre souffle, et votre estimation de votre aisance à parler. Ce test se base sur l’idée qu’en dessous du seuil ventilatoire 1, il est aisé de parler, chanter, ou encore réciter un certain nombre de chiffres d’affilé. Au-dessus de ce seuil, il est plus difficile de parler, et au-dessus du seuil ventilatoire 2, il est presque impossible de parler.

Les 3 zones d’intensité du Talk Test

Le Talk Test divise donc l’intensité en trois zones selon la capacité de l’athlète à parler, évaluée sur une échelle allant de 5 (très facile de parler) à -5 (très difficile de parler) :

  • Intensité basse ➡️ La personne peut formuler plusieurs phrases d’affilées sans reprendre sa respiration de manière “notable”. Cette zone est aussi appelée “stade positif” dans les études sur le sujet. Les athlètes y évaluent leur capacité à parler comme facile. Ils et elles se situeraient alors en dessous du seuil ventilatoire 1.
  • Intensité modérée ➡️ La personne peut parler par phrases saccadées, séparées par une respiration remarquable et audible. Cette zone est aussi appelée “stade équivoque” dans les études sur le sujet. Les athlètes y évaluent leur capacité à parler comme “peu facile” ou “un peu difficile ». Ils et elles se situeraient alors en dessous du seuil ventilatoire 2, mais au-dessus du seuil ventilatoire 1.
  • Intensité élevée ➡️ L’individu est incapable de formuler une phr ase. Seuls un ou deux mots peuvent être prononcés, mais difficilement. Cette zone est aussi appelée “stade négatif” dans les études. Les athlètes y évaluent leur capacité à parler comme très difficile. Ils et elles se situeraient alors au-dessus du seuil ventilatoire 2.
Fiabilité du Talk Test

La revue de littérature de Reed et Pipe publiée en 2014, et celle de Bok et al. (2022) ont résumé plusieurs études ayant testé la fiabilité de cette méthode. Leurs conclusions soulignent que, bien qu’imparfaite, cette méthode est bien assez fiable et robuste pour être utilisée en contexte réelle. Dans la plupart des expérimentations sur le sujet, les résultats ont montré que le dépassement des seuils lactiques et ventilatoires 1 et 2 était concomitant avec l’apparition des premières difficultés pour enchaîner plusieurs phrases confortablement, puis avec l’incapacité totale à faire des phrases. Avec deux revue de littérature qui concluent dans la même direction, il me semble donc qu’utiliser ce Talk Test, au moins sur nous, pour contrôler et vérifier l’intensité de notre entraînement, est une pratique utile.

 

Schéma résumant le Talk Test
Schéma résumant le Talk Test et ses intensités associées, adapté de Bok et al. (2022).

 

Ces seuils sont-ils un concept fiable ?

Non. Je suis obligé de trancher immédiatement avec cette question. Énormément de discussions, de controverses, et d’imprécisions, font que les seuils lactiques et ventilatoires 1 et 2, et les zones qui les entourent, ne sont pas une science exacte.

Un manque de certitude autour des seuils lactiques

Tout d’abord, les mécanismes à l’origine de ces ruptures dans l’évolution des construits d’intérêts ne sont pas encore bien connus. Pour le lactate par exemple, l’hypothèse de la “dette en oxygène” semble en partie rejetée (Poole et al., 2021). D’autres hypothèses sont en cours d’investigation, sans réponse consensuelle à ce jour. De même, souvent considéré comme un déchet prédicteur de l’arrêt de l’exercice, des travaux ont montré que le lactate était un substrat énergétique majeur, parfois préféré par le métabolisme, et un précurseur crucial de la néoglucogenèse (c.-à-d. formation de glucose à partir de métabolites non glucidiques comme le pyruvate ou des acides aminés).

Ensuite, les évolutions entre le lactate sanguin et musculaire semblent différentes. Le lactate musculaire évoluerait en permanence, linéairement, alors que le sanguin suivrait une augmentation progressivement exponentielle avec des points de rupture. Les causes de ces différences semblent elles aussi peu connues. Cela questionne la pertinence d’une division des zones d’intensité en fonction de la cinétique du lactate sanguin uniquement.

 

Des précautions quant aux zones

De même concernant les zones (c.-à-d. sous SL1 et SV1, sous SL2 et SV2, au-dessus de SL2 et SV2), elles sont aussi à prendre avec précautions. En effet, la notion de “seuil” sous-entend qu’en dessous certains phénomènes physiologiques ont lieu, et qu’au-dessus des mécanismes différents prennent place. Bien que cette idée ne soit pas complètement fausse, les transitions entre les zones de travail ne semblent pas si marquées.

Une métaphore que j’apprécie pour imager cela est celle de l’arc-en-ciel. Si les couleurs d’un arc-en-ciel sont nettement visibles et discernables, les zones de transition entre une couleur et une autre sont moins nettes. Par exemple, il est très facile de remarquer la zone jaune et celle orange. Cependant, il est bien plus compliqué de pointer précisément l’endroit ou le jaune transitionne vers de l’orange.

En physiologie, il semblerait que ce soit pareil ! Les zones 1 et 2 sont par exemple identifiables, mais le passage de l’une à l’autre peut être flou, et peut ne pas se faire au BPM prêt. Aussi, mon conseil ici est de ne jamais vous fier 100% à ces seuils, ni à leur puissance ou fréquence cardiaque associées par exemple, même si vous avez mesuré ces derniers en laboratoire. Si votre objectif est par exemple de vous entraîner en zone 1, et que votre seuil ventilatoire 1 se situe à 140 bpm, visez plutôt 130 bpm que 139 bpm, au risque d’être plus proche des adaptations physiologiques de la zone 2, que de celles de la zone 1.

 

Conclusion – Seuils lactiques, seuils ventilatoires et comment les utiliser ?

En conclusion, les seuils lactiques et seuils ventilatoires semblent être des grandes fenêtres délimitant approximativement des zones où les mécanismes physiologiques en jeu diffèrent. De même, le temps passé en dessous ou au-dessus de certains de ces seuils modulera les adaptations qui découleront de votre entraînement. Les seuils lactiques et ventilatoires 1 et 2 sont progressivement dépassés à mesure que l’intensité d’un exercice aérobie augmente. 

Les seuils

Le seuil lactique 1 représenterait un moment physiologique où la lactatémie sort d’un état stable et augmente progressivement. Le seuil lactique 2 serait lui un moment où la concentration en lactate sanguin augmenterait brutalement, et de manière exponentielle.  De manière similaire, le seuil ventilatoire 1 est caractérisé par une augmentation linéaire du débit ventilatoire. Le seuil ventilatoire 2 est, lui, caractérisé par une augmentation exponentielle du débit respiratoire. Ces deux seuils sont engendrés par des mécanismes différents. Ces derniers semblent néanmoins fortement corrélés, et cooccurrents. Le schéma ci-dessous de Hollmann (2011) résume cela. Bien que difficilement lisible (navré, je ne peux pas le modifier plus), nous pouvons remarquer que, au cours de l’augmentation de l’intensité de l’exercice, les évolutions du lactate sanguin (artériel et veineux, en violet) et celles des marqueurs de débit ventilatoires, en turquoise, sont similaires.

Schéma des évolutions du lactate et du débit ventilatoire à l'exercice aérobie
Schéma des évolutions du lactate et du débit ventilatoire à l’exercice aérobie, adapté de Hollmann, (2011).

Les mesurer et les utiliser

Pour mesurer ces seuils, un test en laboratoire avec une équipe sérieuse sera certainement le meilleur moyen. Sur le terrain, et sans matériel, le Talk Test vous permet d’estimer votre capacité à parler à l’effort, et serraient corrélés à ces seuils. Si vous souhaitez travailler en zone 1, vous devriez pouvoir prononcer plusieurs phrases avec aisance. En zone 2 il devrait vous être possible de parler phrase par phrase, en reprenant nettement votre respiration entre chacune. Enfin, dans la zone 3, vous ne devriez pas être capable de prononcer plus qu’un mot ou deux.

Pour conclure, gardez en tête que ces seuils sont aujourd’hui, et depuis leur apparition, très débattus. Les mécanismes à leur origine sont méconnus, et plusieurs hypothèses sont explorées. De plus, ces seuils ne semblent pas marquer de changements brutaux dans les mécanismes physiologiques en action. Pour travailler dans une zone, ciblez plutôt le milieu de celle-ci, plutôt que la frontière avec la suivante, au risque de ne pas stresser votre métabolisme comme désiré, et donc de ne pas générer les adaptations que vous souhaitiez.

 

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Références bibliographiques

• Anderson, C., & Mahon, A. (2007). The Relationship Between Ventilatory and Lactate Thresholds in Boys and Men. Research in Sports Medicine, 15, 189 – 200. (Lien)
• Bok, Daniel, Marija Rakovac, and Carl Foster. “An examination and critique of subjective methods to determine exercise intensity: the talk test, feeling scale, and rating of perceived exertion.” Sports Medicine 52.9 (2022): 2085-2109 (Lien)
• Faude, Oliver, Wilfried Kindermann, and Tim Meyer. “Lactate threshold concepts: how valid are they?.” Sports medicine 39 (2009): 469-490. (Lien)
• Reed, Jennifer L., and Andrew L. Pipe. “The talk test: a useful tool for prescribing and monitoring exercise intensity.” Current opinion in cardiology 29.5 (2014): 475-480. (Lien)
• Gaskill, S., Ruby, B., Walker, A., Sanchez, O., Serfass, R., & Leon, A. (2001). Validity and reliability of combining three methods to determine ventilatory threshold. Medicine and science in sports and exercise, 33 11, 1841-8. (Lien).
• Poole, David C., et al. “The anaerobic threshold: 50+ years of controversy.” The Journal of physiology 599.3 (2021): 737-767. (Lien)
• Purdom, Troy, et al. “Understanding the factors that effect maximal fat oxidation.” Journal of the International Society of Sports Nutrition 15.1 (2018): 3. (Lien)
• Vallier, J. M., et al. “Détermination des seuils lactiques et ventilatoires. Position de la Société française de médecine du sport.” Science & Sports 15.3 (2000): 133-140. (Lien)

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