Vous voulez savoir comment utiliser la variabilité de la fréquence cardiaque ? Comment mesurer, interpréter et adapter l’entraînement à cette mesure ? Quels marqueurs utiliser ou non ? Cet article est fait pour vous !
Les battements cardiaques pour les nuls
Notre coeur bat. Jusqu’ici, cet article ne vous a rien appris. Plus précisément, plusieurs fois par minute, le coeur se remplit de sang, et l’éjecte dans le système. Pour faire simple, le coeur est constitué de 2 oreillettes, une en haut à gauche et une en haut à droite. Ces dernières sont les premières à récupérer le sang. L’oreillette droite récupère le sang pauvre en oxygène, qui vient d’un peu partout dans votre corps. (c.-à-d. grande circulation). L’oreillette gauche récupère le sang riche en oxygène, qui provient du système pulmonaire (c.-à-d. petite circulation). Ensuite, le coeur transfère ce sang dans les ventricules droit et gauche, situés juste en dessous des oreillettes.
Une fois les ventricules remplis, le coeur se contracte. Le ventricule droit envoie le sang pauvre en oxygène vers les poumons (dans la petite circulation), pour qu’il y soit rechargé. Celui à gauche envoie le sang riche en oxygène dans tout l’organisme (dans la grande circulation). Au milieu de ces chambres et des artères et veines qui connectent le coeur au reste du corps, se trouvent des petites valves, qui permettent au sang de passer dans un seul sens, sans retour en arrière possible.
Le coeur bat grâce à un muscle (un peu particulier, mais passons), le myocarde. Or, la contraction et le relâchement de tous les muscles du corps sont permis par une activité électrique. Aussi, si on observe l’activité électrique du coeur, avec un électrocardiographe par exemple, nous pouvons voir différents pics et courbes correspondant aux différentes phases du cycle cardiaque.
Les ondes PQRST dans le rythme cardiaque
Sur un électrocardiogramme, on repère 5 ondes, 5 pics, qui représentent le rythme cardiaque. Tout d’abord on voit l’onde P, qui correspond à la contraction des oreillettes pour chasser le sang dans les ventricules. Ensuite nous avons les ondes Q, R et S, à savoir une petite dépolarisation (Q), un grand pic de polarisation (R), et à nouveau une petite dépolarisation (S). Ensemble, ces 3 ondes représentent la contraction des ventricules pour éjecter le sang, pauvre en oxygène pour le ventricule droit, riche en oxygène pour le ventricule gauche. Enfin, on observe l’onde T, soit la repolarisation des ventricules, pour les préparer au prochain cycle.
Parmi ces ondes, celle R, c’est-à-dire le pic de repolarisation, qui correspond à la contraction du myocarde, est celle utilisée pour la variabilité de la fréquence cardiaque.
Qu’est-ce que la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
En 2020, et en accord avec la littérature, Besson et al. définissent la variabilité de la fréquence cardiaque comme une analyse des intervalles R-R sur une période donnée. Selon ces auteurs “l’intervalle R-R est défini par le temps en millisecondes entre deux pics R du complexe QRS du tracé d’un électrocardiogramme”. Les deux ondes R-R sont espacées par une durée, celle qui sépare deux battements. La variabilité de la fréquence cardiaque est l’analyse des variations de la durée de cet intervalle entre deux battements.
En effet, contrairement à ce que l’on peut penser, le coeur n’est pas un métronome. Notre fréquence cardiaque (p. ex. moyennée sur une minute) masque en réalité de nombreuses variations, entre des battements plus proches (c.-à-d. intervalle R-R plus court), ou plus éloignés (c.-à-d. intervalle R-R plus long), les uns des autres. La raison de cette variabilité provient des systèmes nerveux sympathique et parasympathique qui influencent cet intervalle en permanence.
Le sympathique excite le myocarde, en jouant sur son rythme et sa force de contraction. Le parasympathique (aussi appelé activité vagale) freine, en ralentissant le rythme et réduisant la force de contraction. D’autres paramètres rentrent également en jeu dans cette variabilité, comme la fréquence respiratoire, la pression artérielle, etc. Ici, une première limite apparaît. Un changement dans la variabilité de la fréquence cardiaque peut découler d’un changement dans l’activité sympathique et parasympathique. Cependant, il sera très difficile de connaître le fautif. Je reviendrais sur ce point par la suite.
Comment mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
Quelle durée pour une mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
Pour résumer, il existe trois durées possibles pour mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque. La première renvoie aux mesures longues, pouvant durer entre quelques heures et 24 heures. La deuxième correspond aux mesures dites courtes, durant aux alentours de 5 minutes. Enfin, la dernière renvoie aux mesures dites “ultra-courtes”, c’est-à-dire inférieures à 5 minutes.
Les mesures longues permettent de s’intéresser à des grands cycles de changement, par exemple liés aux phases d’éveil et de repos. Les mesures plus courtes n’en sont pas capables, et le focus est alors souvent sur d’autres paramètres, décrits ci-dessous. D’après la revue de littérature de Lundstorm et al. (2023), les mesures « courtes », autour de 5’, sont plus fiables que celles ultra-courtes. En deçà de 5 minutes, la littérature s’accorderait sur une baisse de la fiabilité des valeurs récoltées.
Quel appareil pour mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
Pour interpréter correctement la variabilité de la fréquence cardiaque, il faut que la mesure effectuée soit la plus fiable possible. Principalement, il faut que les artefacts (p. ex. fréquence cardiaque absurde, comme 250bpm) soient les moins nombreux possibles. Aussi, l’outil le plus à même de réaliser une mesure propre de la variabilité de votre fréquence cardiaque est un électrocardiogramme. Cette mesure utilise entre 10 et 3 électrodes.
Avec l’émergence de nouvelles technologies, comme les ceintures de fréquence cardiaque, et les capteurs optiques (c.-à-d. celui sous la montre, par photopléthysmographie), de nouvelles approches de cette mesure sont apparues. La première question qui se pose ici concerne la fiabilité de ces appareils. Car, les technologies citées sont très différentes, et leur fiabilité également. Cela est encore plus vrai avec les mesures par capteur optique, qui ont souvent été identifiées comme manquant de robustesse (article à venir sur ce sujet). Voyons ce que la littérature a apporté comme réponse.
Fiabilité des mesures de VFC par montres, ceintures, et autre appareils portables
Dobbs et al. (2019)
En 2019, Dobbs et al. ont réalisé une méta-analyse pour évaluer la fiabilité des appareils de mesures dits “portables” (p. ex. ceinture, cardio-optique, lumière téléphone, etc) comparativement à la mesure d’un électrocardiographe. Pour cela, ils ont regroupé 23 études. Elles comparaient toutes la fiabilité d’un appareil “portable” versus un électrocardiographe sur un ou plusieurs paramètres (voire ci-dessous) de la variabilité de la fréquence cardiaque. Ils ont réussi à extraire au total 301 comparaisons.
Leurs analyses ont montré que, toutes mesures confondues, il y avait une différence significative entre les mesures par appareil portable, et celles par électrocardiographe. La taille de l’effet était de 0.23. Avec mon expérience scientifique, je me permets de donner mon avis, en précisant que cette différence n’est pas si petite que les auteurs le laissent entendre, et non négligeable “sur le terrain”. Cette équipe souligne tout de même que ce résultat était très hétérogène entre les appareils portables considérés. Enfin, le plus grand écart entre les valeurs mesurées par appareil portable, et celle par électrocardiographe concernait malheureusement un paramètre clé de la VFC, lié à l’écart temporel entre 2 ondes R-R.
La conclusion de ces auteurs est que ce biais n’est pas important au regard de la praticité des mesures par appareil portable. Mon avis est que ce biais est trop grand pour être ignoré, surtout car il s’applique à une métrique clé de la variabilité de la fréquence cardiaque.
Mesurer la VFC par ceinture cardiaque, un bon compromis ?
Dans la vraie vie, ni vous ni moi n’allons utiliser un électrocardiographe. La question à laquelle je souhaite répondre ici concerne le meilleur compromis. Un appareil de mesure “portable”, facile d’utilisation, se démarque-t-il du lot ? Les mesures par cardio-optique ayant souvent démontré leurs limites, et les ceintures de fréquence cardiaque fonctionnant avec une technologie similaire à celle d’un électrocardiographe, je vous propose de regarder ce que la littérature dit sur la fiabilité de ces dernières spécifiquement.
En 2018, Georgiou et al. ont réalisé une revue de littérature sur le sujet. Celle-ci est un peu moins poussée que le travail de Dobbs et al. (2019), mais a le mérite de dissocier dans sa discussion la fiabilité des mesures selon l’appareil portable utilisé. À travers 18 études, cette équipe souligne que toutes les mesures portables (p. ex. par ceinture, par bague, par montre, à l’oreille, etc) sont plus ou moins biaisées. Parmi ces dernières, les mesures par ceinture cardiaque semblent en général moins imprécises que toutes les autres discutées. Lundstorm et al. (2023), et d’autres travaux (de moindre qualité, donc que je ne citerais pas ici) ont confirmé cela.
En 2019, Gilgen-Ammann et al. se sont intéressés à la Polar H10. Je précise ici que cet article n’est pas sponsorisé. Leur publication montrait qu’au repos comme à l’exercice, la Polar H10 démontrait une corrélation quasiment parfaite (r = .997, le maximum étant de 1) entre ses mesures, et celle d’un électrocardiographe, quel que soit le paramètre considéré. Aussi, mon choix personnel s’est porté sur cette ceinture. Je suis conscient que mes mesures cardiaques sont biaisées. Cependant, une ceinture, et celle-ci en particulier, me semble être un compromis acceptable.
Une précision importante …
Il est cependant important de noter que ces études ont été réalisées AVANT l’apparition des mesures de la VFC par cardio-optique (montre) nocturne. Ces dernières peuvent changer ces résultats, bien qu’elles ne donnent accès qu’à un seul paramètre de la VFC (voir plus bas).
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Quelle position pour mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
Concernant la meilleure position pour mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque, une règle d’or concerne la stationnarité. En effet, tous les travaux s’accordent à dire que pendant une mesure de la VFC, l’individu doit adopter une position et la conserver sans mouvement durant toute la mesure. Dans leur revue de littérature de 2023, Lundstorm et al. insistent sur ce point.
Ces auteurs soulignent que la mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque est sensible à de nombreux paramètres différents. Pour une mesure fiable et comparable dans le temps, car une seule et unique mesure ne suffit pas, il faut contrôler au maximum ce qui est contrôlable, à commencer par la position. Aussi, que vous réalisiez votre mesure allongé ou debout importe peu. Ce qui compte, c’est que vous fassiez toutes vos mesures dans la même position. Néanmoins, la position assise ne serait pas recommandée.
Il est cependant intéressant de noter que les valeurs de variabilité de la fréquence cardiaque sont souvent plus élevées en position allongée. Elles se dégradent en position debout. De rares études suggèrent que les mesures allongées sont plus associées à la performance que celle debout. Cependant, cette idée ne fait pas consensus aujourd’hui.
Enfin, des auteurs comme Messon et al., (2020) suggèrent que la position de la mesure pourrait permettre de dissocier plus finement le niveau d’activité des systèmes nerveux. En position couchée, les valeurs de la VFC découleraient plutôt de l’activité parasympathique. En position debout, elles découleraient plutôt de celle sympathique. Là aussi, cet argument ne fait l’unanimité en recherche. De mon expérience, la grande majorité des mesures (p. ex. en laboratoire) sont effectuées en position semi-allongée ou allongée.
Quel moment pour mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
La question du moment idéal pour mesurer sa variabilité de la fréquence cardiaque est très simple à répondre. Le meilleur moment sera celui le plus contrôlé possible, celui que vous pourrez dédié à cette mesure le plus souvent possible, pour que les comparaisons futures soient les plus fiables possibles. Lundstrom et al. (2023) recommande de faire cette mesure le matin, au réveil.
Qu’est-ce qu’une bonne variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
Maintenant, passons aux métriques qui découlent d’un test de variabilité de la fréquence cardiaque. La VFC englobe en réalité de nombreuses mesures. Si vous vous fiez à ce qu’une montre cardio-GPS renvoie, vous n’aurez probablement accès à qu’une seule d’entre elles, la plus courante, à savoir les RMSSD (voir ci-dessous) en millisecondes. Cela est normal, un capteur optique ne sera (aujourd’hui) pas assez précis pour estimer d’autres paramètres. Ici, je vais vous présenter les marqueurs les plus importants de la variabilité de la fréquence cardiaque, ainsi que les valeurs “normatives” (c.-à-d. valeurs moyennes chez la plupart des gens).
Les paramètres temporels de la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC
Une première famille de métriques mesurées avec un test de la variabilité de la fréquence cardiaque renvoie à des paramètres dits temporels. Ces derniers renseignent sur “la quantité de variabilité observée dans le signal” (Besson et al., 2020). Parmi ces derniers on retrouve les paramètres suivants, et les valeurs “optimales” suivantes. Pour rappel, un intervalle R-R est un intervalle de temps entre 2 battements cardiaques, pour vulgariser. Les définitions ci-dessous proviennent de Besson et al. (2020) et Nunan et al. (2010). Les valeurs avancées ci-dessous proviennent de la revue de Nunan et al. (2010).
Paramètre | Unité de mesure | Définition (anglais) | Définition (français) |
Signification | Valeurs normales |
FC moyenne |
BPM | Mean Heart Rate. | Fréquence cardiaque moyenne. | Moyenne de la fréquence cardiaque. | – |
FC max |
BPM | Maximal Heart Rate. | Fréquence cardiaque maximale. | Fréquence cardiaque maximale enregistrée. | – |
FC min |
BPM | Minimal Heart Rate. | Fréquence cardiaque minimale. | Fréquence cardiaque minimale enregistrée. | – |
mRR |
millisecondes | Mean R-R intervals. | Moyenne des intervalles R-R. | Durée moyenne séparant tous les intervalles R-R enregistrés. |
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SDNN |
millisecondes |
Standard deviation of normal-to-normal intervals. |
Écart type de la moyenne des intervalles N-N. Les intervalles N-N sont les intervalles R-R dont les artefacts, les valeurs aberrantes, ont été enlevées. |
Le SDNN reflète la variabilité globale dans la mesure. |
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RMSSD |
millisecondes |
Root mean square of successive R-R interval differences. |
Racine carrée de la moyenne des différences au carré des intervalles R-R successifs. |
Le RMSSD reflète la variabilité de la fréquence cardiaque d’un battement à l’autre. Il s’agit de la mesure la plus utilisée du domaine temporel. D’après Besson et al. (2020), elle représenterait principalement l’activité du système parasympathique. |
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pNN50 |
pourcentage |
Percentage of successive R-R intervals that differ by more than 50 ms. |
Pourcentage d’intervalles R-R successifs différant de plus de 50 ms. |
Le pNN50 reflèterait également principalement l’activité du système parasympathique. Ses valeurs seraient fortement corrélées au RMSSD, et ce dernier serait plus précis et préférable. |
–
|
Vous remarquerez que parmi toutes ces valeurs, aucune n’apporte d’information concrète et tranchée sur la balance entre le système sympathique et parasympathique. Aucune ne permet de dire si par exemple, votre VFC est basse à cause d’une forte activité sympathique (l’excitateur), ou d’une faible activité parasympathique (le frein).
Les paramètres fréquentiels de la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC
Parallèlement aux paramètres temporels de la VFC, il est possible d’interpréter ceux fréquentiels. Je saute volontairement les modélisations mathématiques permettant d’obtenir ces valeurs. Selon Besson et al. (2020), ” les paramètres fréquentiels de la VFC permettent de calculer des aspects quantitatifs et qualitatifs de celle-ci”. Shaffer et Ginsberg (2017) avancent qu’il est possible d’estimer des fréquences depuis les mesures temporelles. On pourrait alors calculer les ultra-basses fréquences, les très basses fréquences, les basses fréquences et les hautes fréquences de la variabilité de la fréquence cardiaque. Cependant, généralement seuls les hautes fréquences, les basses fréquences, et le ratio entre ces deux dernières sont utilisés. Là encore, les définitions et les valeurs proviennent de Besson et al. (2020) et Nunan et al. (2010).
Paramètre | Unité de mesure | Définition (anglais) | Définition (français) |
Signification | Valeurs normales |
LF |
ms2 |
Power spectral density of low frequencies. |
Puissance absolue des basses fréquences. | Les LF représenteraient différents facteurs influençant la VFC, dont l’activité sympathique. |
|
HF |
ms2 | Power spectral density of high frequencies. | Puissance absolue des hautes fréquences. | Les HF représenteraient différents facteurs influençant la VFC, dont l’activité parasympathique. |
|
LF/HF ratio |
unité arbitraire | Ratio entre les basses et les hautes fréquences. | Ce ratio pourrait représenter l’équilibre, la balance, entre activation sympathique et parasympathique. |
|
Il est important de noter que cette analyse des fréquences est débattue dans la littérature. Certains auteurs, et certains travaux, rejettent le fait que les basses fréquences représenteraient l’activité sympathique, les hautes fréquences celle parasympathique, et le ratio LF/HF l’équilibre entre les deux.
Enfin, je trouve intéressant de noter que tous ces paramètres ne sont pas toujours utilisés. La plupart du temps, le suivi de la VFC se fait à travers la FC moyenne, les RMSSD, et le LF/HF ratio. Cependant, je reviendrais plus en détail sur les marqueurs clés dans l’interview de mon invité, Laurent Schmitt, expert du sujet (vidéo disponible ci-dessous).
Des valeurs qui évoluent avec la pratique … ?
De même, je trouve intéressant de souligner que les valeurs normatives que je vous ai présentées découlent d’études menées sur des personnes en bonne santé, mais pas spécialement sportives. À ma connaissance, seul Zadia et al. (2023) ont proposé ce que sont ces valeurs “normales” chez des sportifs. Leur travail est publié dans une revue de faible qualité, donc à prendre avec précaution. Ces auteurs avancent que, chez des sportives et sportives, les valeurs normales et le range autour seraient les suivantes.
Paramètre | Moyenne | Valeur minimale | Valeur maximale |
SDNN | 52 ms | 29 ms | 92 ms |
RMSSD | 37 ms | 17 ms | 77 ms |
pNN50 | 12% | 1% | 47% |
LF | 1479 ms2 | 426 ms2 | 4415 ms2 |
HF | 1818 ms2 | 307 ms2 | 7851 ms2 |
LF/HF ratio | 0 | 0 | 2 |
Personnellement je trouve que beaucoup de ces valeurs corrigées sont étranges, et je vous recommande de les approcher avec précaution.
Comment interpréter la variabilité de la fréquence cardiaque – VFC ?
Une fois que votre variabilité de la fréquence cardiaque est bien mesurée, la question va être de savoir bien l’utiliser. En accord avec la littérature, la comparaison entre vos valeurs et celles dites normatives peut être intéressante, mais la clé de l’analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque réside dans la comparaison avec soi-même au cours du temps.
Interpréter les variations aiguës
Lundstorm et al. (2023) résument que pour un même individu, les paramètres de la VFC s’améliorent normalement graduellement avec l’entraînement, à long terme. Cependant, à court terme c’est plutôt l’inverse. La VFC a une tendance à diminuer de manière aiguë, juste après un entraînement. Ceci est vrai surtout lorsque la charge de cet entraînement est élevée.
De plus, cette équipe avance qu’au matin, une variabilité de la fréquence cardiaque diminuée par rapport à son habitude refléterait une moins bonne aptitude à réaliser un entraînement ou une performance. Au plus les paramètres de VFC seraient dégradés, au plus cela serait vrai. Enfin, les relations entre VFC et entraînements en endurance dépendraient de l’intensité des exercices. Ceux les plus intenses dégraderaient fortement cette dernière, et seraient les plus impactés par une variabilité basse. À l’inverse, les entraînements plus légers seraient dégradés peu ou pas, voire amélioreraient la VFC. Enfin, une basse VFC aurait peu de conséquences sur la bonne réalisation de ces derniers.
Interpréter les variations chroniques
Ainsi, de manière aiguë la VFC serait un indicateur d’un besoin de récupération. La chute de ses valeurs ne doit pas inquiéter, tant que ces dernières reviennent à la normale par la suite. Néanmoins, ce type de dégradation continue, qui s’étendrait sur le long terme, devrait quant à lui poser des questions. Par exemple, la méta-analyse de 2016 de Bellenger et al. souligne clairement les relations significatives entre surentraînement et dégradation chronique des paramètres de la variabilité de la fréquence cardiaque.
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Adapter son entraînement à se variabilité de la fréquence cardiaque – VFC
On sait donc que la variabilité de la fréquence cardiaque est impactée par l’entraînement, indiquant potentiellement un besoin de récupération et/ou de diminution aiguë de la charge. Elle peut aussi indiquer un état de forme diminuée. Cela ouvre la porte à ce que des auteurs ont appelé “HRV-guided training” ou “Training prescription based on daily HRV” c’est-à-dire une adaptation quotidienne de l’entraînement en fonction des mesures de la variabilité de la fréquence cardiaque.
D’après Lundstorm et al. (2023), la VFC dite “de base” est d’abord mesurée sur 3 jours à 4 semaines. Ensuite, les séances d’entraînement à haute charge (p. ex. haute intensité, sortie longue) sont réalisées lorsque les paramètres de la VFC sont dans la norme de l’individu, préalablement établie. Les jours ou ces paramètres sont plus bas, des entraînements à faible charge (p. ex. footing), ou du repos, sont prescrits. À ma connaissance, 2 articles, écrits par la même équipe ont investigué l’effet de cette approche, pour trancher si oui ou non adapter son entraînement en fonction de sa VFC permet des progrès plus marqués en endurance.
La revue de littérature de Düking et al. (2020)
En 2020, Duking et al. ont publié une revue de littérature comparant l’efficacité, sur les progrès en course à pied, d’un programme prédéfini fixe vs. un programme aux entraînements guidés par les valeurs de la VFC. Pour réaliser cette dernière, ils ont regroupé les résultats de 5 études disponibles. Les interventions duraient entre 4 et 8 semaines (ce qui est court). La VFC était généralement mesurée tous les matins au réveil pendant l’intervention, et pendant 3 à 10 jours avant celle-ci, le matin également, pour les valeurs “de bases”. Les études s’intéressaient surtout aux variations des RMSSD (voir ci-dessus).
De manière générale, leur analyse de la littérature a révélé peu de différence. Dans certaines études, les marqueurs de progrès, comme la meilleure performance sur une distance donnée, la VO2 pic (consommation maximale instantanée d’oxygène), la vitesse maximale au seuil lactique 2, s’étaient significativement plus améliorés dans les groupes ou les entraînements étaient guidés par la VFC, que dans les autres groupes. Dans d’autres études, il n’y avait pas de différence entre les groupes. Les auteurs concluent que les preuves sont minces, mais pourraient légèrement favoriser l’adaptation de la charge de l’entraînement aux valeurs de la variabilité de la fréquence cardiaque.
La méta-analyse de Düking et al. (2021)
En 2021, cette équipe de chercheur a conduit un travail extrêmement similaire. Cette fois, la littérature sur le sujet s’étant remplie, ils ont pu identifier 8 études. Ce plus grand nombre d’études considérées leur a permis de réaliser des analyses statistiques, à savoir une méta-analyse. Les interventions duraient cette fois entre 15 jours et 8 semaines (ce qui est également court). Les interventions étaient principalement des entraînements de course à pied, avec néanmoins 2 études en cyclisme. La VFC était mesurée durant une période dite “baseline”, puis majoritairement les matins.
Tout d’abord, leurs analyses ont révélé que deux marqueurs de performance, à savoir le meilleur temps réalisé sur une distance donnée et la VO2 pic avaient plus progressé dans les groupes avec les entraînements guidés par la VFC que dans les autres groupes. Cependant, cette différence n’était pas statistiquement significative. Ensuite, les statistiques ont montré que la vitesse (ou la puissance) au seuil lactique 1 et au seuil lactique 2 avaient significativement, plus augmenté dans les groupes avec les entraînements guidés par la VFC que dans les autres groupes. Enfin, elles ont mis en lumière que significativement plus de personnes avaient progressé, et moins avaient stagné, quand la charge d’entraînement était modulée par la VFC. Il est cependant important de noter que toutes les différences étaient de petite ampleur.
Les auteurs concluent que la littérature sur le sujet est peu abondante, et que beaucoup d’études sont de mauvaises qualités. Il est, selon eux, difficile de tirer des conclusions définitives aujourd’hui. Néanmoins, et malgré des interventions de courtes durées, les preuves semblent plutôt pencher en faveur des entraînements basés sur les valeurs de la VFC, ou à minima vers l’importance de considérer ce paramètre.
Conclusion – La variabilité de la fréquence cardiaque en trail, en course à pied, et en endurance
En conclusion, la variabilité de la fréquence cardiaque est l’analyse des variations dans la durée qui sépare deux battements cardiaques. Elle s’exprime sur une période donnée. Ces variations sont caractérisées par des paramètres temporels, ou fréquentiels. Parmi les paramètres temporels, on retrouve surtout la FC moyenne, le SDNN, et le RMSSD. Parmi ceux fréquentiels on retrouve les hautes fréquences (HF), les basses fréquences (LF) et le ratio entre ces dernières. Les hautes fréquences représenteraient l’activité parasympathique. Les basses fréquences caractériseraient plutôt celle sympathique. Le ratio LF/HF pourrait représenter l’équilibre entre ces deux activités.
Des mesures régulières (p. ex. tous les jours, 3 fois par semaine les mêmes jours) permettent de faire un suivi individualisé de cette variabilité. Une mesure fiable peut durer 5 à 6 minutes, en position allongée, au réveil, avec une ceinture cardiaque (p. ex. Polar H10) et une application smartphone dédiée. Les autres mesures (p. ex. cardio-optique de montre) manquent de fiabilité, et ne donnent généralement accès qu’à une information, le RMSSD. C’est une première base intéressante, mais peut être insuffisante pour un suivi approfondi.
La VFC interagit avec l’entraînement. Les valeurs de ses paramètres se dégradent après un entraînement, surtout si celui-ci est de charge élevée. De plus, la relation inverse existe. Des valeurs de VFC dégradées représenteraient une aptitude moindre à réaliser un entraînement avec une charge élevée, ou une compétition. Il est donc possible d’adapter ses séances d’entraînement à nos mesures de la variabilité de la fréquence cardiaque. La revue de littérature et la méta-analyse que j’ai citées sur le sujet ne permettent pas de trancher sur la question de l’utilité de cette approche. Cependant, leurs résultats tendent vers un intérêt d’adapter son entraînement à la VFC, même si les bénéfices semblent à ce jour modestes.
Mon conseil – La VFC comme un indicateur parmi d’autres
À mon sens, la VFC est un outil parmi d’autres. Mesurée régulièrement et correctement, elle renseigne sur la récupération d’une personne, et son aptitude à s’entraîner à un moment donné. Elle n’est pas un indicateur mieux qu’un autre. Cependant, les valeurs d’un test de variabilité de la fréquence cardiaque ont le mérite d’être objectifs, c’est-à-dire non influencées par le ressenti de l’individu. Personnellement, je trouve son utilisation intéressante au quotidien, et couplée à d’autres mesures (p. ex. questionnaire de forme, comme le Hooper).
Vidéos associées à cet article
Vidéo 1 – Mes explications en vidéo
Vidéo 2 – Mon interview d’un expert, Laurent Schmitt
Références bibliographiques
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• Dobbs, W. C., Fedewa, M. V., MacDonald, H. V., Holmes, C. J., Cicone, Z. S., Plews, D. J., & Esco, M. R. (2019). The accuracy of acquiring heart rate variability from portable devices: a systematic review and meta-analysis. Sports Medicine, 49, 417-435. (Lien).
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