Vous vous demandez si le froid améliore la récupération après un trail ? S’il faut préférer le bain froid ou la cryothérapie ? Cet article est pour vous 😉
Froid et récupération après un trail.
Quelle que soit la distance parcourue, en compétition ou à l’entraînement, il est courant d’avoir les muscles des jambes douloureux après un trail. Plus particulièrement, au plus vous aurez parcouru de dénivelé négatif, au plus vous risquez d’avoir des dommages musculaires importants, donc des courbatures et des difficultés à vous déplacer le lendemain (ce qui explique qu’on ait plus de courbatures après un ultra-trail qu’après un trail court).
Depuis de nombreuses années, et quel que soit le sport, l’idée que le froid aide à la récupération s’est répandue. Bain froid, bains contrastés (c.-à-d. froid puis chaud), application de poche de glace, cryothérapie (corps entier ou local), bref ! Aujourd’hui le nombre de techniques utilisant le froid pour des hypothétiques gains en récupération est impressionnant, et le business qui va avec aussi. En effet, si un bain froid ne met pas à mal votre portefeuille, une séance de cryothérapie coûte minimum 30€ en local, et 50€ en corps entier.
Le froid en récupération … ça marche vraiment ?!
Mais qu’en est-il vraiment ? Plus précisément, deux questions se dégagent. La première est “est-ce que les techniques par le froid améliorent la récupération après un trail ?”. La deuxième, qui personnellement me vient directement à l’esprit quand on sait que le but du froid de manière générale est de ralentir tout type de processus (e.g., prolifération de bactéries dans votre congélateur, inflammation en cas de blessure) est “est-ce qu’au contraire le froid ne dégrade pas la qualité de ma récupération après un entraînement en trail ?”.
Je vous propose de répondre à ces questions en 2 parties. Dans la première, je vous résumerai les résultats de 3 méta-analyses (études qui combinent les résultats de plusieurs études pour fournir une estimation globale et précise des effets d’une intervention, en considérant le maximum de travaux publiés dans la littérature) qui testent les effets de techniques utilisant le froid (c.-à-d. bain froid, bains contrastés et cryothérapie) sur la récupération. Dans la deuxième, je vous résumerai 2 essais contrôlés randomisés (c.-à-d. études interventionnelles ou les participants sont répartis aléatoirement et à l’aveugle dans un groupe “intervention” ou un groupe “contrôle” pour tester les effets d’une intervention), publiés dans un des meilleurs journaux scientifiques en science du sport, qui évaluent les conséquences du froid en récupération sur les adaptations à l’entraînement.
Le froid améliore-t-il la récupération ?
Effets des bains froids sur la récupération – Méta-analyse #1
En 2022, Moore et al. ont regroupé 52 études publiées dans la littérature pour évaluer si l’immersion dans un bain froid améliorait la récupération après un effort. Les études s’intéressaient à des efforts explosif ou excentrique. Toutes les études considérées comparaient des personnes recevant le traitement par le froid, à des personnes dans un groupe “récupération passive”.
Les résultats ont montré que le froid avait surtout un effet sur les efforts explosifs, et moins sur les efforts excentriques. L’immersion dans un bain froid avait un effet significatif sur le retour de la puissance musculaire, la réduction de l’inflammation, les douleurs perçues et les tensions musculaires perçues. Au plus l’eau était froide, au plus ces effets semblaient prononcés.
Ces résultats vont dans le même sens qu’une autre méta-analyse de Poppendieck et al., (2013), qui montraient une faible efficacité des bains froids sur la récupération en endurance, mais un effet prononcé sur les efforts de type sprint.
Effets des bains contrastés sur la récupération – Méta-analyse #2.
En 2013, Bieuzen et al. ont assemblé les résultats de 18 études publiées pour tester l’efficacité de la “thérapie par bains contrastés” (c.-à-d. immersion dans un bain froid, puis dans un bain chaud) sur la récupération après une séance de sport. Ces études comparaient un groupe “bains contrastés” à un groupe “récupération passive”, et s’intéressaient à différents types d’efforts (p. ex. musculation, endurance).
Les résultats ont montré que la thérapie par bains contrastés réduisait fortement les douleurs perçues et la perte de force maximale et modérément l’inflammation musculaire. Ces effets étaient statistiquement significatifs.
Effets de la cryothérapie sur la récupération – Méta-analyse #3.
En 2020, Nogueira et al. ont regroupé les résultats de 7 études publiées qui testaient les effets, après induction de dommages musculaires, de la cryothérapie sur la récupération objective (c.-à-d. récupération de la force musculaire) et subjective (c.-à-d. diminution des perceptions de douleurs). Toutes ces études comparaient un groupe “cryothérapie” à un groupe “contrôle”.
Les analyses ont révélé que la cryothérapie n’améliorait pas la récupération objective ni celle subjective. Ainsi, avec ou sans cryothérapie locale appliquée sur les muscles endommagés, les personnes récupéraient aussi rapidement.
Ces résultats vont dans le même sens que deux autres études. Précisément, en 2018 et 2020, Hohenauer et ses collaborateurs ont montré que la cryothérapie avait soit des effets similaires à l’immersion dans un bain froid sur les marqueurs objectifs et subjectifs de récupération, soit que les bains froids étaient plus efficaces que la cryothérapie, par exemple pour réduire les sensations de douleurs musculaires.
Effet du froid sur la récupération – Conclusion.
Pour conclure sur ces 3 études, il semble que l’immersion dans un bain froid (p. ex. 10 minutes dans un bain à 10°C) ou la thérapie par bains contrastés (p. ex. 10 minutes dans un bain à 10°C puis 2 minutes dans un bain à 40°C) améliorent légèrement la récupération, surtout au niveau subjectif (p. ex. perception de douleurs musculaires). Ces techniques semblent aussi réduire l’inflammation. Quant à elle, la cryothérapie semble avoir très peu, voire pas, d’effet, ou dans le meilleur des cas des effets comparables à l’immersion dans un bain froid.
Le froid dégrade-t-il les adaptations musculaires à l’entraînement ?
Effet du froid en récupération sur l’adaptation musculaire – ECT #1.
En 2015, Roberts et al. ont recruté 30 participants sportifs pour comparer les effets de l’immersion dans un bain froid (après chaque entraînement) vs. celui de la récupération active (après chaque entraînement) sur les adaptations musculaires après 12 semaines d’entraînement.
Les analyses des deux sous-études de ce papier montrent que les personnes du groupe “bain froid” avaient significativement moins gagné en masse et en force musculaire que celles des groupes “récupération active”. De plus, les bains froids avaient réduit, chez les participants, l’efficacité de certaines voies métaboliques qui permettent spécifiquement l’adaptation des muscles à l’entraînement.
Effet du froid en récupération sur la synthèse protéique – ECT #2.
Grâce à 12 participants, Fuchs et al., 2020 ont testé si l’immersion dans un bain froid après un effort physique réduisait l’utilisation des protéines par les muscles afin de récupérer. Les individus réalisaient un effort physique sollicitant les 2 jambes, puis immergeaient une jambe dans un bain à 8°C, et l’autre dans un bain à température “normale” (30°C). Ils ingéraient aussi un mélange de protéines et de glucides dédié à améliorer la récupération.
Les résultats ont montré que l’immersion dans un bain froid pendant la récupération diminue la vitesse et la quantité de protéines qu’un muscle est capable d’utiliser pour récupérer de manière optimale.
Conclusion – Effet du froid sur les adaptations à l’entraînement.
Pour conclure sur ces 2 études, il semblerait que si le froid améliore les sensations (comme le montraient les études précédentes), il limite les capacités du muscle à s’adapter de manière optimale à l’entraînement. Ces résultats soulignent que d’une part les adaptations à l’entraînement sont minimisées quand on utilise régulièrement le froid en récupération, d’autre part le muscle est moins capable d’utiliser des macronutriments importants pour s’améliorer.
Conclusion, le froid améliore-t-il la récupération après un trail ?
En conclusion, l’efficacité du froid dans la récupération en trail présente semble mitigée. Si des techniques comme l’immersion dans un bain froid, ou la thérapie par bains contrastés semblent améliorer surtout la récupération subjective (c.-à-d. les sensations de douleurs musculaires), et un peu la récupération objective, d’autres techniques comme la cryothérapie semblent manquer d’efficacité, ou ne pas avoir d’effet supplémentaire aux approches plus classiques.
De plus, les études citées montrent que l’utilisation régulière du froid en récupération diminue à quel point les muscles s’adapte à l’entraînement de manière chronique. Elle amoindrirait aussi la capacité des muscles à utiliser les protéines pour se réparer et progresser.
Mes conseils.
Personnellement, au vu de ces résultats, je recommande d’éviter l’utilisation du froid sous quelque forme que ce soit en récupération des entraînements quotidiens. À mon sens, les effets négatifs du froid en récupération vont à l’encontre de l’objectif de l’entraînement, c’est-à-dire créer de l’inflammation (à bas niveau) pour provoquer une réponse adaptative et s’améliorer. Si le gros du problème est les douleurs, d’autres techniques comme les massages sont particulièrement efficaces, sans risques pour les processus qui permettent l’adaptation à l’entraînement, et donc le progrès et l’amélioration des performances.
Le seul moment où je pense que le froid est effectivement intéressant en récupération est après une compétition de trail. En effet, l’objectif d’une course n’est pas d’engendrer de l’adaptation, mais bien de performer au maximum de ses capacités. À l’arrivée, les douleurs musculaires et articulaires sont souvent très prononcées. Elles sont même une des causes principales des troubles du sommeil qui suivent les compétitions de trail de longue et ultra-distance. Dans ce cas particulier, je considère que le froid est intéressant, afin de diminuer les douleurs et limiter tant que possible le pic inflammatoire qui s’ensuit. Au vu de la moindre efficacité de la cryothérapie, nul besoin d’abîmer son portefeuille ! Une dizaine de minutes dans un bain à 10°, comme le préconisent Poppendieck et al., 2013, suffira. Vous pouvez répéter l’opération si besoin, et coupler cela à un massage. Malheureusement pas de miracle, vous souffrirez quand même après un trail long ou un ultra (même si vous vous êtes bien affûté, plus d’information ici), mais peut être un peu moins que prévu 😉
Références bibliographiques.
Bieuzen, F., Bleakley, C. M., & Costello, J. T. (2013). Contrast water therapy and exercise induced muscle damage: a systematic review and meta-analysis. PloS one, 8(4), e62356. (Lien)
Fuchs, C. J., Kouw, I. W., Churchward‐Venne, T. A., Smeets, J. S., Senden, J. M., Lichtenbelt, W. D. V. M., … & van Loon, L. J. (2020). Postexercise cooling impairs muscle protein synthesis rates in recreational athletes. The Journal of physiology, 598(4), 755-772. (Lien)
Hohenauer, E., Costello, J. T., Stoop, R., Küng, U. M., Clarys, P., Deliens, T., & Clijsen, R. (2018). Cold‐water or partial‐body cryotherapy? Comparison of physiological responses and recovery following muscle damage. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 28(3), 1252-1262. (Lien)
Hohenauer, E., Costello, J. T., Deliens, T., Clarys, P., Stoop, R., & Clijsen, R. (2020). Partial‐body cryotherapy (− 135 C) and cold‐water immersion (10 C) after muscle damage in females. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 30(3), 485-495. (Lien)
Moore, E., Fuller, J. T., Bellenger, C. R., Saunders, S., Halson, S. L., Broatch, J. R., & Buckley, J. D. (2022). Effects of Cold-Water Immersion Compared with Other Recovery Modalities on Athletic Performance Following Acute Strenuous Exercise in Physically Active Participants: A Systematic Review, Meta-Analysis, and Meta-Regression. Sports Medicine, 1-19. (Lien)
Nogueira, N. M., Felappi, C. J., Lima, C. S., & Medeiros, D. M. (2020). Effects of local cryotherapy for recovery of delayed onset muscle soreness and strength following exercise-induced muscle damage: systematic review and meta-analysis. Sport Sciences for Health, 16, 1-11. (Lien)
Poppendieck, W., Faude, O., Wegmann, M., & Meyer, T. (2013). Cooling and performance recovery of trained athletes: a meta-analytical review. International journal of sports physiology and performance, 8(3), 227-242. (Lien)
Roberts, L. A., Raastad, T., Markworth, J. F., Figueiredo, V. C., Egner, I. M., Shield, A., … & Peake, J. M. (2015). Post‐exercise cold water immersion attenuates acute anabolic signalling and long‐term adaptations in muscle to strength training. The Journal of physiology, 593(18), 4285-4301. (Lien)