Les courbatures en trail : Comprendre, prévenir, traiter

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Vous vous demandez ce que sont les courbatures en trail ? Comment les prévenir et les traiter ? Cet article est pour vous !

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Les courbatures en trail

Tous traileurs les connaît, ces douleurs diffuses, raideurs et gênes musculaires qui apparaissent un jour ou deux après un gros bloc de dénivelé. On parle bien sûr des courbatures. Mais que sont-elles réellement ? Sont-elles le signe d’un muscle « cassé » ? D’une blessure ? Ou simplement d’une adaptation normale ?

Dans cet article, je vous propose de faire le point sur ce que dit la littérature scientifique à leur sujet. Définition clinique, mécanismes d’apparition, théories explicatives, prévention et stratégies de récupération, après lecture vous saurez mieux gérer ces douleurs bien connues des coureurs en terrain technique.

Une définition consensuelle des courbatures (ou DOMS)

Quand on parle de courbatures, on parle en fait de courbatures musculaires à apparition retardée. En anglais, le terme exact est Delayed Onset Muscle Soreness, ou DOMS. Les courbatures sont un phénomène précis, à distinguer d’autres types de fatigue musculaire, de douleurs musculaires, ou de blessure musculaire. Depuis 2013, elles sont définies précisément par le consensus international de Mueller-Wohlfahrt et al. (2013). Ce groupe d’expert considère que les courbatures musculaires, les DOSM, sont « des douleurs musculaires généralisées consécutives à des mouvements de décélération excentriques ou inhabituels ».

Extrait du tableau de classification des blessures musculaires de Mueller-Wohlfahrt et al. (2013).

Autrement dit, les courbatures apparaissent lorsqu’un muscle est exposé à un effort inhabituel, notamment lors de contractions où le muscle s’allonge sous tension, comme c’est le cas principalement lors des descentes en trail. Ce consensus classe les DOMS parmi les troubles musculaires fonctionnels sans lésion structurale, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une blessure. Les fibres musculaires ne sont pas rompues, on n’a pas “cassé de la fibre” mais le muscle entre dans un état de dysfonction transitoire en réponse à un stress aigu dépassant ses capacités du moment. Nous reviendrons après sur la physiopathologie exacte des courbatures et leur contexte d’apparition.

Dans leur terminologie anglaise, il faut noter le premier mot, “delayed”. Cela insiste sur le fait que les courbatures n’apparaissent ni pendant, ni immédiatement après l’effort. Elles se manifestent plusieurs heures plus tard, atteignent leur pic entre 24 et 72 heures, puis disparaissent généralement en moins d’une semaine.

Un tableau clinique bien caractérisé

Cliniquement, les courbatures sont associées à un ensemble de symptômes qui permettent de les reconnaitre, et de les dissocier d’autres atteintes musculaires. Elles se traduisent par :

  • Des douleurs inflammatoires diffuses.
  • Une sensation de raideur.
  • Une limitation de l’amplitude articulaire.
  • Une gêne, voire une douleur, à la contraction volontaire.
  • Une sensation de soulagement à l’étirement passif.

Contrairement à d’autres atteintes musculaires, comme la contracture ou la déchirure musculaire par exemple, les douleurs qui accompagnent les courbatures sont mal localisées. Elles ne se manifestent pas en un point spécifique, précis, mais sont générales, ce qui constitue un élément de diagnostic différentiel important.

Une vision clinique actualisée

Dans leur revue de 2018, Hotfiel et al. (2018) confirment cette classification en rappelant que les courbatures correspondent à des atteintes musculaires de type I. Autrement dit, il s’agit de douleurs sans rupture tissulaire. La gène, ou les douleurs, se manifestent principalement à la palpation ou au mouvement, mais sans altération majeure de la fonction musculaire. La gêne est souvent plus marquée au repos ou dans les activités de la vie quotidienne, et moins importante pendant l’exercice physique. Cela explique pourquoi un coureur peut se sentir ankylosé au lever, mais retrouver des sensations acceptables après l’échauffement.

Classification des troubles et lésions musculaires aigus selon Mueller-Wohlfahrt et al. (2013).

Une douleur localisée à une zone vulnérable

Les auteurs notent que parfois, la douleur peut se concentrer dans la partie distale des muscles, au niveau de la jonction myotendineuse. Cette zone représente, anatomiquement, la transition entre le muscle et le tendon (puisque, pour rappel, un muscle est toujours accroché à deux os par le biais des tendons). Elle constitue un point anatomique qui serait vulnérable, en raison de l’organisation des fibres musculaires dans cette zone, et de la structure du tissu conjonctif (une matrice fibreuse qui entoure, soutient et relie les fibres musculaires entre elles, et joue un rôle dans la transmission des forces et la protection du muscle) environnant. Lors des contractions excentriques, cette région encaisse une concentration locale élevée de contraintes mécaniques, ce qui en fait un site privilégié d’expression des DOMS, notamment chez les traileurs sollicitant fortement les quadriceps dans les descentes techniques.

Comment les courbatures apparaissent-elles en trail ?

L’apparition des courbatures musculaires est étroitement liée aux contraintes mécaniques exercées sur le muscle lorsqu’il est soumis à un effort excentrique, c’est-à-dire lorsqu’il se contracte tout en s’allongeant (typiquement lors des descentes en trail). Dans ce contexte, la force externe dépasse temporairement la capacité du muscle à générer une force opposée suffisante. Les fibres musculaires sont alors étirées sous tension, alor qu’elles tentent de se raccourcir. Cela induit un stress mécanique important.

Pour autant, les courbatures ne sont pas exclusivement causées par l’excentrique. Hotfiel et al. (2018) rappellent qu’elles apparaissent après un exercice inhabituel, intense ou mal maîtrisé, quelle que soit la nature des contractions musculaires sollicitées. Néanmoins, les contractions excentriques restent les plus susceptibles de provoquer des courbatures, en raison des forces élevées qu’elles génèrent au sein des fibres.

Il ne faut d’ailleurs pas oublier que la grande majorité des mouvements sportifs comportent, à des degrés divers, une composante excentrique. Un squat, par exemple, inclut toujours une phase de descente contrôlée, donc excentrique, même s’il est globalement perçu comme un exercice concentrique. En course à pied, les épreuves sur plat sollicitent également des contractions excentriques, notamment lors de la phase d’absorption du pas, juste après le contact au sol. Cette phase, intégrée au cycle étirement–raccourcissement, est d’autant plus marquée que la vitesse est élevée.

Quoi qu’il en soit la littérature converge vers une conclusion claire. La nature excentrique du stimulus, son intensité, et le niveau d’habituation du coureur conditionnent l’apparition des courbatures. Même à intensité modérée, un exercice nouveau peut déclencher des courbatures.

Pourquoi les courbatures font mal ? Un processus multifactoriel

Avant d’aller plus loin sur les causes, les méthodes de prévention, et celles de traitement, des courbatures, il me semble nécessaire de comprendre précisément ce que sont ces dernières. Et vous allez voir qu’en réalité, leur origines ne sont pas si simples, ni acceptées unanimement au sein de la communauté scientifique. Car si la littérature a longuement étudié les DOMS, plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer leur apparition.

Depuis les années 1980, plusieurs théories ont été proposées pour expliquer les mécanismes à l’origine des courbatures musculaires à apparition retardée (DOMS). Dans leur revue de 2003, Cheung et al. identifient six hypothèses majeures. Certaines ont été largement réfutées, d’autres sont encore discutées, et aucune ne suffit, à elle seule, à expliquer l’ensemble du phénomène. Il semble plus probable que les DOMS résultent d’un enchaînement complexe de processus mécaniques, biochimiques et neurologiques. Voici ce que disent précisément ces six théories :

La théorie de l’acide lactique

Tout d’abord, il a été cru que l’accumulation d’acide lactique dans les muscles était responsable des courbatures. Or, cette substance est éliminée de l’organisme en moins d’une heure après l’exercice, alors que les DOMS apparaissent plusieurs heures plus tard, avec un pic entre 24 et 72 heures. De plus, les exercices concentriques, qui génèrent plus de lactate que les excentriques, provoquent moins de courbatures. Cette hypothèse est donc aujourd’hui rejetée.

La théorie du spasme musculaire

Cette théorie repose sur l’idée que les contractions excentriques provoqueraient des spasmes musculaires réflexes, entraînant une ischémie locale (manque d’oxygène) et une accumulation de substances douloureuses. Ce cercle vicieux entre douleur et contraction involontaire était séduisant, mais les données électromyographiques sont peu concluantes. Aujourd’hui, aucune preuve solide ne permet d’établir un lien entre l’activité électrique musculaire au repos et la douleur perçue, ce qui fragilise cette hypothèse.

La théorie des lésions du tissu conjonctif

Comme dit plus haut, le tissu conjonctif entoure et relie les fibres musculaires entre elles. Il est particulièrement sollicité lors des exercices excentriques. L’hypothèse ici est que les courbatures proviendraient de microlésions de ce tissu, notamment au niveau de la jonction myotendineuse, entre le muscle et ses tendons. Cheung et al., (2003) expliquent que des études ont révélé la présence de marqueurs urinaires de dégradation du collagène (un constituant des tissus conjonctifs) après un effort intense. Cela soutiendrait donc une atteinte de ces derniers. Ce modèle a reçu un soutien croissant au fil des années.

La théorie des dommages musculaires

Initialement proposée par Hough en 1902, cette théorie postule que les courbatures proviennent d’un endommagement des structures contractiles du muscle, notamment au niveau des lignes Z, qui délimitent les sarcomères.

C’est quoi une ligne Z ?

Pour comprendre cette hypothèse, il faut plonger deux minutes dans l’architecture microscopique du muscle. Chaque muscle est composé de fibres musculaires. Elles-mêmes sont constituées de myofibrilles, qui sont à leur tour formées d’unités contractiles appelées sarcomères. Les sarcomères sont agencées en série et quand ils se contractent, un à un, ils produisent ensemble une contraction musculaire globale . À l’intérieur de chaque sarcomère, il y a des filaments d’actine, fins et souples, qui sont accrochés à ce qu’on appelle les lignes Z.

Schéma partagé sans modification. Source. Schéma partagé sans modification. Source.

D’autres filaments filaments, ceux de myosine, plus épais et munis de têtes motrices, s’ancrent à une autre ligne, les lignes M, située au centre de chaque sarcomère. Lors d’une contraction classique, les têtes de filaments de myosine tirent les filaments d’actine vers le centre du sarcomère, rapprochant ainsi les lignes Z des lignes M, par coulissement, et rapprochant également la ligne Z à une extrémité du sarcomère de celle à son autre extrémité. Tout cela produit un raccourcissement de la fibre musculaire, donc du muscle.

Le cas des descentes

Mais lors d’une contraction excentrique, dans une descente en trail par exemple le schéma est inversé. Le muscle est contraint de s’allonger sous tension, tout en ralentissant cet allogement. Les têtes de myosine doivent alors résister à l’éloignement des filaments d’actine, et donc au recul des lignes Z, qu’elles tentent de retenir. Cette situation impose une charge mécanique sur les lignes Z qui peut provoquer leur distension, leur désorganisation, voire leur rupture partielle, entraînant une perte d’intégrité du sarcomère. C’est en tout cas ce que la théorie des dommages musculaires propose, aujourd’hui largement acceptée.

La théorie inflammatoire

Une autre des théories les plus robustes à ce jour repose sur une réponse inflammatoire locale dans les heures suivant un effort musculaire inhabituel ou excentrique. Après l’effort, on observe une arrivée de nombreux métabolites dont les neutrophiles, des macrophages, des prostaglandines, des cytokines et d’autres médiateurs chimiques. Ces substances provoquent un œdème dans le muscle. Celui-ci augmente la pression dans le tissu, ce qui sensibilise les terminaisons nerveuses nociceptives. Ce processus est partiellement décalé dans le temps, ce qui correspond bien à la temporalité des courbatures.

La théorie enzymatique

Une dernière hypothèse repose sur l’idée que les lésions initiales, par exemple celles des lignes Z, augmentent la perméabilité des membranes du muscle. Cela laisserait entrer une grande quantité de calcium dans la cellule musculaire. Ce calcium active des enzymes protéolytiques (c.-à-d. qui détruisent des protéines). Ces dernières vont, une fois dans le muscle, dégrader certaines protéines essentielles aux muscles comme la troponine, la tropomyosine et la ligne Z. Ce mécanisme participe à la désorganisation du sarcomère, mais aussi à l’entretien de l’inflammation locale. Cette théorie complète les deux précédentes en expliquant le lien entre l’endommagement initial et la persistance des symptômes, avec l’idée d’une rupture d’un équilibre difficile à retrouver.

Une interaction dynamique plutôt qu’un modèle unique

Aucune de ces six théories n’est suffisante pour comprendre entièrement les courbatures. La revue de Cheung et al. en 2003 et celle de Hotfiel et al., en 2018 soulignent que les courbatures ne peuvent être expliquées par un seul mécanisme. Il s’agit plutôt d’un enchaînement d’événements mécaniques, puis inflammatoires et enzymatiques, qui interagissent dans le temps. Le point de départ de tout ces processus est une contrainte mécanique excessive sur la fibre musculaire.

Les efforts excentriques provoquent des microlésions au sein des fibres musculaires, en particulier autour des lignes Z. Ces dommages affectent aussi les tissus conjonctifs qui entourent les fibres. Cette agression mécanique initie une réaction inflammatoire locale. Quelques heures après l’effort, des métabolites augmentent dans la circulation et migrent vers les zones abimées. Leur présence déclenche le recrutement d’autres cellules qui libèrent des molécules pro-inflammatoires qui à leur tour sensibilisent les terminaisons nerveuses. En parallèle, l’inflammation s’accompagne d’un œdème, d’une élévation locale de la température, et d’une augmentation de la pression intracellulaire qui activent aussi les nocicepteurs musculaires, expliquant les douleurs.

Enfin s’ajoute une réponse enzymatique. Les lésions musculaires favorisent une entrée excessive de calcium dans la cellule. Ce calcium active des enzymes qui dégradent des protéines musculaires comme les lignes Z elles-mêmes. Cette dégradation altère la structure et la fonction musculaire, réduisant la capacité à générer de la force. Elle contribue aussi à la libération de débris cellulaires qui alimentent l’inflammation locale. Si récemment Wilke et Behringer (2021), proposent de recentrer le regard de la science vers le tissu conjonctif, il me semble qu’aujourd’hui la plupart des auteurs s’accordent à dire que ces interactions et réactions en chaîne sont les plus crédibles pour expliquer les courbatures.

Comment éviter les courbatures en trail ?

Si les courbatures font partie intégrante des adaptations musculaires au stress mécanique, plusieurs leviers permettent de réduire leur intensité, en particulier lorsqu’on prépare une course comportant un fort dénivelé.

Un facteur clé : l’habituation progressive

La stratégie la plus efficace connu à ce jour, et largement documentée, repose sur le Repeated Bout Effect aussi appelé “effet protecteur”. Je vous en avais parlé dans mon article sur les descentes en trail (disponible ici). En résumé, ce phénomène propose que le muscle, après avoir été exposé à un effort inhabituel ou intense (notamment excentrique), devient plus résistant aux dommages lors des sollicitations suivantes. Il s’agit d’un effet protecteur robuste, spécifique au type d’exercice réalisé, qui peut durer plusieurs semaines. On déclenche cet “effet protecteur” avec pare exemple les week-ends chocs (je vous explique ça ici), ou les séances “télécabines”.

Concrètement, une première séance de dénivelé négatif ou de musculation excentrique provoque des DOMS. Après récupération, les séances suivantes génèrent bien moins de douleur et de dommages, à charge équivalente. Ce processus repose sur plusieurs mécanismes. On retrouve parmi eux la réorganisation des structures musculaires, l’amélioration de la coordination neuromusculaire, la réduction de la réponse inflammatoire, et une répartition plus homogène des contraintes mécaniques dans le muscle. Ces phénomènes sont bien décrit par Bontemps et al., dans leur excellente revue de 2020

En trail, cela signifie qu’un bloc d’habituation en descente, planifié à distance de l’objectif, est une stratégie préventive puissante.

S’échauffer et gérer la charge intelligemment

Certaines stratégies complémentaires peuvent également légèrement moduler la réponse du muscle à l’effort. Parmi elles on retrouve :

  • L’échauffement par vibration permettrait de réduire la douleur perçue et les marqueurs de dommage musculaire lorsqu’il est pratiqué avant un exercice excentrique. Cet effet serait lié à une meilleure activation neuromusculaire en amont de l’effort (p. ex. Aminian-Far et al., 2011).
  • La gestion de la charge d’entraînement (progressivité du volume, régulation de l’intensité, planification des récupérations) s’avère essentielle, notamment chez les coureurs peu expérimentés ou en phase de reprise (p. ex. Liang et al., 2020).
  • L’hydratation et l’apport énergétique, bien que secondaires, jouerianet un rôle de soutien. Un muscle bien hydraté et correctement alimenté serait plus résilient à la contrainte mécanique et démonterait moins de réponse inflammatoire (p. ex. Liang et al., 2020).

Ce qui ne fonctionne pas

À l’inverse, certaines pratiques répandues ne montrent pas d’efficacité significative pour prévenir les courbatures. Par exemple les étirements passifs réalisés avant l’effort, ou la stimulation électrique musculaire en pré-exercice par exemple, ne semblent pas apporter de bénéfices en prévention des DOMS (p. ex. Wijianto & Agustianti, 2022, Menezes et al., 2022).

Comment soulager des courbatures en trail ?

Par le passé, je vous ai déjà largement décrit les meilleures méthodes de récupération après un effort sportif, en abordant (entre autres) les courbatures. Vous retrouverez ici par exemple un guide complet. Ci-dessous, je vous propose donc uniquement un résumé de ce que j’ai déjà discuté par le passé. Toutes les recommandations qui vont suivre sont ici de l’excellente méta-analyse de Dupuy et al., (2020) et de la revue de littérature de Heiss et al., 2019.

Bains froids et bains chauds

L’immersion en eau froide

L’immersion en eau froide (11 à 15 °C pendant 11 à 15 minutes) provoque une vasoconstriction, diminue la température des tissus et réduit la perfusion musculaire. Cela limiterait l’inflammation et faciliterait l’évacuation des déchets métaboliques. Le froid a également un effet antalgique direct, en réduisant la transmission des signaux douloureux. Plusieurs études rapportent une diminution significative des douleurs jusqu’à 96 heures après des efforts prolongés, comme en trail.

En revanche, le froid pourrait aussi ralentir certains processus de récupération objectif, en réduisant par exemple temporairement l’apport en oxygène et en nutriments, et en bloquant l’inflammation elle-même à l’origine de processus adaptatifs (je vous en parlais dans cet article). Il améliore donc les sensations, mais pourrait retarder la réelle récupération. Il s’agit donc d’un outil à utiliser ponctuellement, en phase aiguë, pour gérer la douleur sans compromettre l’adaptation.

Cryothérapie corps entier

La cryothérapie corps entier (–100 °C pendant 2 à 5 minutes) est populaire chez les sportifs professionnels. Elle partage les mêmes objectifs que l’eau froide. Cependant les données scientifiques restent limitées, et les résultats variables selon les protocoles. À ce jour, la littérature semble plutôt indiquer une absence d’effets positifs.

Et la chaleur ?

La chaleur est classiquement utilisée en rééducation, mais son usage immédiat après l’effort est controversé. En effet, elle pourrait amplifier l’inflammation. En revanche, après 48 à 72h, elle pourrait favoriser la circulation, l’apport en nutriments, et soutenir la récupération. Certaines recherches suggèrent aussi un intérêt préventif en amont de l’exercice.

Compression et courbatures

Les vêtements de compression ont été adoptés par les sportifs dans l’idée d’améliorer la récupération ou de réduire les douleurs post-effort. Si l’usage pendant l’effort semble avoir peu d’effets systématiques sur la performance ou les courbatures, l’intérêt de la compression post-exercice est, lui, mieux documenté.

La méta-analyse de Hill et al. (2014) montre une réduction significative des courbatures chez les participants ayant porté des vêtements compressifs après l’exercice, comparé à une récupération passive. L’effet est modéré mais significatifs avec un bénéfice maximal observé vers 48 heures, au pic habituel de la douleur liée aux DOMS.

Ces effets sont cohérents dans différents types d’exercice (résistance ou endurance), et s’étendent jusqu’à 96 heures post-effort. Toutefois, les mécanismes précis restent discutés. Les effets seraient optimaux avec certaines pressions, durées de port, etc. Je vous détailles toutes les modalités dans cet article.

Compression intermittente : un intérêt émergent

Les systèmes de compression pneumatique intermittente appliquent des pressions séquentielles et rythmées, visant à stimuler le retour veineux et lymphatique. Ils pourraient améliorer transitoirement la fonction vasculaire dans les membres sollicités, mais les premières études sur le sujet ne semble pas favorables. 

Récupération active et thérapies physiques

L’exercice léger, les étirements, le foam rolling, les massages ou encore l’électrostimulation sont fréquemment utilisés pour atténuer les courbatures. Leur efficacité est cependant modérée et parfois transitoire, avec des résultats variables selon les modalités d’application.

Exercice léger et étirements

Pratiquer un effort léger pendant la phase douloureuse peut soulager temporairement la gêne, probablement via une meilleure perfusion sanguine locale, l’élimination accrue de composés pro-inflammatoires, ou la libération d’endorphines. Néanmoins, ces effets sont de courte durée. Les études montrent des résultats hétérogènes. Certains protocoles semblent bénéfiques alors que d’autres ne montrent aucun effet.

Quant aux étirements statiques ou dynamiques, les données issues de méta-analyses concluent à l’absence d’effet notable, que ce soit avant ou après l’effort. Ces résultats sont valables que l’on s’intéresse à la sévérité ou la durée des courbautres.

Massage et rouleau de massage

Le massage post-effort ressort comme une méthode efficace pour réduire les courbatures à court terme. Il agirait par stimulation du système parasympathique, augmentation du flux sanguin, et modulation de la perception douloureuse. La revue systématique de Poppendieck et al. (2016) conclut à une réduction significative de la douleur musculaire, accompagnée d’une amélioration modeste de la force isométrique et d’une diminution des marqueurs de dommages musculaires. Toutefois, la variabilité des protocoles (durée, technique, pression) limite la généralisation des résultats.

Concernant le rouleau de massage rolling les études études rapportent une diminution de la douleur perçue après des exercices induisant des courbatures. Toutefois, cette baisse n’est pas systématiquement associée à une amélioration de la récupération fonctionnelle.

Autres approches

Des techniques comme le flossing (striction temporaire des membres avec des bandes élastiques) ou la vibration corporelle entière ont été explorées. Les résultats sont contrastés et souvent non significatifs sur les marqueurs musculaires ou la douleur perçue, surtout dans les premières 48 heures post-effort. Même constat pour les ultrasons thérapeutiques, les ondes de choc extracorporelles (ESWT) et l’électrostimulation (EMS) : aucune supériorité claire par rapport au repos passif n’est démontrée à ce jour.

Nutrition pour réduire les courbatures

Dans le traitement des courbatures à apparition retardée (DOMS), plusieurs stratégies nutritionnelles sont régulièrement explorées. Leurs effets sont souvent modestes, parfois controversés, et dépendent fortement du dosage, du timing, et du contexte d’utilisation.

Supplémentation en protéines

La supplémentation en protéines est utilisée pour soutenir la récupération musculaire après exercice. Plusieurs études montrent que, lorsqu’elle est consommée  à dose suffisante (≥ 1,6 g/kg/j), elle peut réduire significativement les douleurs musculaires d’apparition retardée (DOMS) et favoriser le retour de la force musculaire. L’ajout d’oméga-3 aux protéines pourrait renforcer cet effet.

Acides aminés à chaîne ramifiée (BCAA)

Les BCAA (leucine, isoleucine, valine) sont des acides aminés essentiels. Leur effet sur les courbatures dépend de trois paramètres :

  • une dose suffisante (> 200 mg/kg/j).
  • une prise avant l’exercice.
  • une durée prolongée de supplémentation (> 10 jours).

Les bénéfices seraient plus nets lorsque les dommages musculaires sont modérés, et les effets semblent liés à une modulation de l’inflammation et à une réduction de la dégradation musculaire.

Autres composés : caféine, oméga-3, antioxydants, vitamine D

La caféine (5 mg/kg) a montré une certaine réduction de la douleur perçue après effort, via un mécanisme analgésique central. Les acides gras oméga-3 (1,8 à 3 g/j) semblent réduire l’inflammation et la douleur musculaire, probablement en limitant la production de cytokines pro-inflammatoires. Les antioxydants (curcumine, jus de cerise, bromélaïne) sont étudiés, avec parfois de faibles effets sur les courbatures (p. ex. Beba et al., 2020). Cependant une ingestion excessive de polyphénols pourrait retarder l’adaptation musculaire en bloquant certaines voies pro-inflammatoires utiles (comme le froid !). Enfin, certaines études montreraient un effet positif de la supplémentation en vitamine D sur la récupération musculaire.

Conclusion – Les courbatures en trail

Les courbatures sont un phénomène transitoire, multifactoriel, et bien distinct d’une lésion musculaire. Particulièrement fréquentes en trail en raison des contractions excentriques en descente, elles résultent d’un enchaînement de microtraumatismes, de réactions inflammatoires et de processus enzymatiques affectant à la fois les fibres musculaires et les tissus conjonctifs.

Si leur apparition est presque inévitable lors d’un effort inhabituel ou intense, leur sévérité peut être modulée par une préparation adaptée. L’habituation progressive reste le levier le plus efficace pour prévenir les DOMS. En récupération, plusieurs outils, bains froids, massage, compression post-effort, apport protéique, montrent un intérêt pour soulager la douleur et faciliter le retour à l’état de forme.

Plutôt que de chercher à les éliminer à tout prix, il convient de considérer les courbatures comme un signal d’adaptation, témoin de la plasticité musculaire face à la contrainte. Comprendre leurs mécanismes permet non seulement de mieux les gérer, mais aussi de mieux structurer ses cycles d’entraînement. Car si les DOMS peuvent freiner temporairement la performance, ils sont aussi le reflet d’un processus d’amélioration, à condition d’y répondre intelligemment.

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Références bibliographiques

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