Différences hommes-femmes en trail et course à piedTemps de lecture estimé : 13 minutes

Vous vous demandez quelles sont les différences hommes-femmes en trail et en course à pied ? Cet article est pour vous 😉

Préambule

Avant de commencer ce billet, je voulais préciser certaines choses. Tout d’abord je suis un homme, et je rédige ce billet sur les différences hommes-femmes en trail. Certaines et certains pourraient y voir un traitement d’un sujet qui ne me concerne pas. D’autres pourront y voir mon travail habituel de vulgarisateur, qui résume et rend accessible des thématiques de recherche, quelle qu’elles soient. Je laisse chacun décider de la position que vous m’attribuez, et poursuivre ou non la lecture de cet article.

De plus, je parle de différences hommes-femmes et non de “différences femmes-hommes”. On pourrait prendre les sportives comme référentiel, et y comparer les hommes. Ce serait tout aussi pertinent. Malheureusement, les travaux sur les sportifs dominent la littérature. Ceux sur les sportives sont apparus plus tard. Ils positionnent souvent les femmes et leurs caractéristiques par rapport à ce que l’on connait des hommes, plus souvent et depuis plus longtemps étudiés. J’aurais pu inverser tous les arguments et comparatifs. Cependant, par simplicité, j’ai conservé les parallèles comme la littérature me les propose.

Enfin, ce sujet est vaste, extrêmement vaste. Différentes thèses sur le sujet n’arrivent pas à le couvrir intégralement, malgré leurs centaines de pages. Ce billet ne résumera pas toute sa complexité. Celui-ci est une première tentative, modeste, de discuter une partie de l’immensité de cette thématique. Par souci de clarté et pour poser une première pierre à cet édifice que je construirai doucement avec le temps, j’ai sélectionné certains travaux qui, à la lecture, me semblaient particulièrement pertinents. D’autres publications existent. D’autres sujets sont à traiter. Je me ferais un plaisir de les aborder ultérieurement. Mais le tableau doit commencer par un premier trait, et j’ai décidé que ce sera celui-ci.

Bonne lecture, ou non 🙂.

 

Le trail au féminin : des particularités ?

Ces dernières années, de plus en plus de femmes ont pris le départ de course sur route, ou en trail. Par exemple, sur marathon, on observe +500% de participantes entre 1989 et 2009, contre +60% de participant. De même, la proportion de femmes inscrites sur l’UTMB® est passée de 8 à 12 % en une 10 aine d’années. Si on ne s’intéresse qu’aux athlètes élites, 40% d’entre eux étaient des femmes au départ de cette même épreuve, en 2022.

Cette augmentation de la densité des participantes s’est accompagnée d’une amélioration de leurs performances maximales. Il est de plus en plus courant de voire des traileuses se hisser haut dans les classements généraux. Je reviendrais sur ce point plus tard dans l’article. De manière cohérente, la question de l’entraînement au féminin a pris de l’importance. Si au préalable, les traileuses bénéficiaient souvent de la même approche de l’entraînement que les traileurs, mon sentiment est que cela évolue.

D’une part de plus en plus de travaux ont souligné que les hommes et les femmes n’avaient pas les mêmes capacités d’endurance, pas les mêmes forces et faiblesses “par défaut”. D’autre part, de nombreuses études, pour la plupart récentes, ont également montré que l’entraînement, la récupération, l’apparition de la fatigue, ou encore la biomécanique et l’adaptation à des chaussures, seraient différents en fonction du sexe de la personne. Ce billet résumera, de manière non-exhaustive, plusieurs études scientifiques publiées sur le sujet.

 

Les femmes sont-elles faites pour l’ultra ?

Le premier point que je souhaite discuter dans cet article concerne les différences homme-femme dans les performances en trail, et plus particulièrement en ultra-trail. S’il est rare de trouver des exemples sur route (p. ex. 10km, semi-marathon, marathon) de coureuse féminine remportant la course au scratch, devant les hommes, des situations de ce type sont plus courantes en trail, mais surtout en ultra-trail.

Traileuses vs. traileurs sur les formats courts

En trail court, les écarts de temps entre le premier homme et la première femme sont souvent marqués. Pour concrétiser mes propos, voici quelques exemples sur les courses format court les plus relevées (c.-à-d. circuit Golden Trail World Series).

  • Zegama 2023 ➡️ Manuel Merillas arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Daniela Oemus arrive 1ère féminine mais 55e au scratch.
  • Marathon du Mont-Blanc 2023 ➡️ Rémi Bonnet arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Sophia Laukli arrive 1ère féminine mais 32e au scratch.
  • Sierre-Zinal 2023 ➡️ Philemon Kiriago arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Sophia Laukli arrive 1ère féminine mais 51e au scratch.
  • Pikes Peak Ascent 2023 ➡️ Rémi Bonnet arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Sophia Laukli arrive 1ère féminine mais 39e au scratch.

Traileuses vs. traileurs sur les formats longs et ultra

En trail long et en ultra-trail, l’histoire est souvent différente. L’écart entre le premier homme et la première femme est souvent moins prononcé. Là aussi, je vous propose quelques exemples sur les courses les plus relevées du genre.

  • Western States 2023 ➡️ Tom Evans arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Courtney Dauwalter arrive 1ère féminine et 6e au scratch. Katie Schide sera 2e féminine et 17e au scratch.
  • Hardrock 100 2023 ➡️ Aurélien Dunand-Pallaz arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Courtney Dauwalter arrive 1ère féminine et 4e au scratch.
  • UTMB 2023 ➡️ Jim Walmsley arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Courtney Dauwalter arrive 1ère féminine et 25e au scratch.
  • Diagonale des Fous 2023 ➡️ Aurélien Dunand-Pallaz arrive 1er masculin, et 1er au scratch. Katie Schide arrive 1ère féminine et 13e au scratch.

Quand les traileuses dépassent les traileurs

De plus, il est arrivé plusieurs fois soit qu’une coureuse féminine remporte la course au scratch, soit qu’une femme se trouve sur le podium au scratch. Cela a surtout été le cas sur des formats extrêmement longs. Voyons quelques exemples :

  • En 2006, Corinne Favre remportait la CCC (86km, 4500m D+) au scratch avec presque 20 minutes d’avance sur le 1er homme et 50 minutes devant François d’Haene, alors 4e au scratch.
  • En 2017, Courtney Dauwalter remportait la Moab 240 (387km, 9000m D+) 10 heures devant le 1er homme.
  • En 2021, Claire Bannwarth remportait le Portugal 281 Ultramarathon (282km, 10000m D+) presque 4 heures devant le 1er homme.
  • En 2022, Camille Herron (actuelle détentrice du record du monde de course à pied pendant 48h avec 435,336 kilomètres, plus d’info ici) remportait les championnats des États-Unis de 100 miles sur route, avec 30 minutes d’avance sur le 1er homme.
  • On termine par la plus impressionnante, et ma préférée ➡️ en 2019, Jasmin Paris (récente finisher de la Barkley 2024) a terminé la Montane Spine Race (431km, 13 300m D+) avec 15 heures d’avance sur le 1er homme. Son temps (82h 12min et 23sec) a été réalisé alors qu’elle allaitait son enfant aux (rares) ravitaillements. À l’heure où ce billet est rédigé, elle détient le record de la course tous sexes confondus.

Coup de chance ou réalité ?

L’augmentation du nombre de femmes au départ des courses, et l’amélioration de leurs temps au fil des années, a amené des chercheurs à se questionner sur les capacités d’endurance des femmes. Une possibilité que ces observations soulèvent est que les femmes seraient plus endurantes que les hommes. En 1992, une équipe de recherche publiait même dans Nature, un des journaux scientifiques les plus prestigieux, une étude mettant en avant qu’avec le rythme de progression des performances féminines en marathon, les femmes devraient battre les hommes sur cette distance d’ici les années 2000 (si ce rythme se maintenait linéairement). Néanmoins, cela n’a pas été le cas. En 2023, une étude de grande qualité a exploré cette question en trail plus spécifiquement, avec des données réelles. Voyons celle-ci. 

 

Les différences hommes-femmes en performance, selon Le Mat et al. 2023

La première étude à laquelle nous allons nous intéresser est donc celle de Le Mat et al. en 2023. Selon eux, si de plus en plus de coureuses prennent des départs, on remarque cependant qu’il y a moins de partantes féminines sur les formats longs que sur les formats courts. L’UTMB 2023 enregistre 10% de féminine sur le format ultra, contre 25% sur la MCC. Le Marathon du Mont-Blanc 2023 compte aussi 10% de féminine sur le 90km, contre 20% sur le format marathon.

Cette observation est surprenante quand on sait que les coureuses ont des prédispositions qui favoriseraient leurs performances sur les courses les plus longues (p. ex. pourcentage plus élevé de fibres de type I, meilleure capacité à utiliser les graisses à une intensité donnée). Mais au moment où cette étude est conduite, aucune robuste n’avait pu confirmer la supériorité théorique des athlètes féminines sur le long.

Une méthodologie complexe, mais innovante

La méthodologie que cette étude a utilisée est aussi novatrice qu’ingénieuse. Elle consiste à appairer (c.-à-d. constituer une paire) un homme et une femme aux performances relatives similaires (c.-à-d. par rapport au vainqueur de la course de leur sexe) sur une course de distance courte et sur une autre course de longue distance, courues toutes les deux la même année.

Par exemple, un homme à 10% du vainqueur de la course sur un trail court en 2022, et ayant courut ensuite, la même année, un trail long, était appairé avec une femme à 10% de la vainqueur sur la même course de trail court courue en 2022, et ayant aussi courut ensuite, la même année, le même trail long. Les auteurs s’accordaient une marge de calcul de 4%. Une fois toutes les paires constituées, les auteurs récupéraient les vitesses de course de l’homme et de la femme de chaque paire, sur la course de trail court, et sur celle de trail long ayant permis l’appairage.

Ce procédé permet d’évaluer l’effet de l’augmentation de la distance sur les différences de vitesse moyenne entre les sexes, entre 2 personnes ayant un niveau comparable. Par exemple, si pour une paire avec un même écart relatif initial au meilleur homme et à la meilleure femme sur une course courte, la femme de la paire démontre dans la course plus longue une diminution de 5% de sa vitesse, alors que l’homme démontre une diminution de 7%, cela suggère que la femme de la paire a moins perdu en performance que l’homme avec l’évolution de la distance. Cela soulignera donc que cette coureuse serait plus endurante que le coureur auquel elle a été appairée, malgré des performances relatives comparables.

Des données issues de vraies courses

Pour réaliser cela, les auteurs ont utilisé les données enregistrées par le groupe UTMB®, dans le cadre du calcul de l’UTMB® index. Les paires étaient constituées d’un homme et d’une femme ayant couru au moins une course de trail courte (de 25 à 45 km-effort) et une course de trail long (de 45 à 260 km-effort) la même année. Le critère d’appairement était la performance relative au premier homme et à la première femme, respectivement, dans la course courte que l’homme et la femme considérés avaient en commun. Les données fournies par ce groupe sur 1 881 070 coureurs et coureuse ont permis la création de 7 251 paires d’hommes et de femmes ayant le même niveau relatif de performance.

Les auteurs récoltaient également le niveau de performance des athlètes, afin d’évaluer si les changements potentiels dans les vitesses de course étaient dépendant du niveau des athlètes ou non (p. ex. changements moins marqués chez les élites que chez les autres coureurs et coureuses).

 

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Les résultats

Sans surprise, les analyses statistiques ont montré qu’à mesure que la distance des courses augmentait, la vitesse de course diminuait chez les hommes et chez les femmes. Cependant, les analyses suivantes ont révélé que ces effets étaient plus marqués chez les hommes que chez les femmes. Plus précisément, pour chaque augmentation de 10 km-effort, la vitesse des hommes diminue en moyenne de 4.02% (95% CI [3.80 ; 4.25]) alors que celle des femmes diminue en moyenne de 3.25% (95% CI [3.02 ; 3.46]). D’après ces auteurs, on devrait observer sur des compétitions de 280km-effort des performances moyennes équivalentes entre les femmes et les hommes.

Figure montrant deux courbes, une pour les hommes et une pour les femmes, traçant l'effet de l'augmentation de la distance d'une compétition sur la vitesse de course.

Figure 1. Effet du sexe sur l’évolution de la vitesse en fonction de la distance, exprimée en km-effort. Les zones colorées autour des courbes représentent l’intervalle de confiance à 95%. Les courbes représentent l’effet marginal de chaque sexe (rouge : femmes, bleu : hommes).

Des différences selon le niveau

Les modèles statistiques supplémentaires ont révélé que ces pertes de vitesse, dues à l’augmentation des distances, étaient plus marquées chez les coureuses et coureurs de haut niveau (-3.76% et -4.32%, respectivement), que chez celles et ceux de plus bas niveau (-2.55% et -3.54%, respectivement) (figure 2). Autrement dit, tout le monde perd en vitesse quand la distance de la course augmente, mais cet effet est plus marqué chez les hommes que chez les femmes, et il est aussi plus marqué chez les élites que chez les coureurs et coureuses les plus lents.

Cette figure est une version plus détaillée de l'image précédente, montrant la même courbe de différence entre les femmes et les hommes dans la vitesse de course, en divisant les coureurs et les coureuses en quatre quart, des plus rapides au plus lent.
Figure 2. Effet du sexe sur l’évolution de la vitesse en fonction de la distance, exprimée en km-effort, et pour chaque niveau de performance, divisés en quatre quartiles (Q1 : coureurs et coureuses les plus rapides, Q4 : coureurs et coureuses les plus lents). Les zones colorées autour des courbes représentent l’intervalle de confiance à 95%. Les courbes représentent l’effet marginal de chaque sexe (rouge : femmes, bleu : hommes).

Des résultats prévisibles ?

Personnellement, je trouve ces résultats passionnants ! La méthodologie utilisée est extrêmement bien pensée et dépasse de nombreuses limites. Nous en reparlons ci-dessous dans mon échange avec mon invité (co-auteur de la publication). Néanmoins, certains travaux dans la littérature laissaient présager cette conclusion. Par exemple, en 2015, Temesi et al. ont publié une étude réalisée sur 20 sujets, 10 hommes et 10 femmes. Trois jours avant l’UTMB 2012, et 1h après leur arrivée, ces personnes réalisaient un protocole mesurant la fatigue neuromusculaire des membres inférieurs. Précisément, ces auteurs s’intéressaient à la fatigue des extenseurs du genou (c.-à-d. les quadriceps) et des fléchisseurs plantaires (c.-à-d. vulgairement, les mollets).

Les analyses statistiques ont révélé qu’après un ultra-trail (ici, UTMB 2012 de 110km et 5900m) et comparativement aux hommes, les femmes démontraient moins de perte de force dans les quadriceps, et moins de fatigue au niveau des fléchisseurs plantaires. Mais dans la performance à pied, les différences entre les hommes et les femmes peuvent s’expliquer par de nombreux autres paramètres. C’est en tout cas ce qu’on voulu discuter Besson et al. en 2022, deuxième étude que j’aimerais vous présenter ici.

 

Revue de littérature – Les différences homme-femmes en trail selon Besson et al. 2022

Avec cet article, ces auteurs souhaitent proposer une nouvelle vue d’ensemble complète et multidisciplinaire des différences connues entre les hommes et les femmes, dans le contexte des courses à pied d’endurance. De plus, ils ont cherché à aller plus loin que les différences les plus souvent soulevées. En effet, il est par exemple assez connu que les femmes ont en moyenne plus de masse grasse que les hommes, ainsi que plus de fibres musculaires de type 1 (c.-à-d. celles les plus endurantes). Pour aller au delà de ces constats, ils se sont intéressés à 4 grandes familles de paramètres associés au trail et à la course à pied. Il s’agit des facteurs liés à :

  1. La biomécanique de course.
  2. L’utilisation des substrats énergétiques et l’économie de course.
  3. La résistance à la fatigue.
  4. La thermorégulation et le pacing.

Différences hommes-femmes dans les paramètres biomécaniques

Tout d’abord, concernant les paramètres biomécaniques de la course à pied, certaines différences ressortent. En moyenne, les coureuses présentent un temps de contact au sol plus court, un temps de vol plus long, une longueur de foulée plus courte et une fréquence de foulée plus élevée que les coureurs. Cependant, ces différences seraient surtout présentes à des vitesses égales à 16km/h et plus. Elles s’amoindriraient, voire disparaitraient, à des allures plus basses (p. ex. entre 10 et 14km/h). Seul le temps de contact au sol serait toujours différents entre les hommes et les femmes.

Concernant la position des membres à la course, les coureuses présenteraient à l’effort une adduction de la hanche (c.-à-d. pose du pied plus vers le centre de gravité) et une rotation interne de la hanche (c.-à-d. genoux plus vers l’intérieur) plus importantes au moment de l’appui au sol, comparativement aux hommes. Elles démontreraient une flexion de genoux moins prononcée, donc une  attaque au sol avec la jambe plus tendue. Enfin, la rigidité du tendon d’Achille pourrait être moins prononcée chez les femmes. Ces différences existeraient à plusieurs vitesses et dans diverses pentes, donc s’appliqueraient également en trail.

Différences hommes-femmes dans l’économie de course et l’utilisation des substrats énergétiques

Comparer comment les hommes vs. les femmes utilisent des substrats énergétiques est compliqué. En effet, ce paramètre est influencé par plusieurs facteurs comme le niveau sportif, les cycles menstruelles, l’âge ou encore l’alimentation. En ne conservant que les meilleures études, Besson et al. (2022) concluent qu’en moyenne et comparativement aux hommes, les femmes utilisent plus de lipides, moins de glucides et moins de protéines durant un effort d’endurance. De même, les coureuses auraient une meilleurs flexibilité métabolique. Cela signifie qu’elles auraient une meilleure capacité à alterner entre utilisation des lipides et des glucides comme source de carburant pour produire de l’énergie. Quand on connait l’importance de ces paramètres pour la performance en trail (voir cet article), ces résultats sont très intéressants !

Concernant l’économie de déplacement, là encore les comparaisons ne sont pas aisées. D’après l’équipe à l’origine de cette revue, beaucoup de travaux ont comparé l’économie de course hommes vs. femmes entre des groupes de niveaux différents, ou encore à des mêmes vitesses absolues (p. ex. 10km/h) et non relatives (p. ex. 60% de VO2 max). Là encore, en ne sélectionnant que les travaux les plus robustes, la littérature semble indiquer les femmes ont une économie de course égale à celle des hommes.

Différences hommes-femmes dans la résistance à la fatigue

J’ai déjà brièvement abordé le point des différences hommes-femmes dans la résistance à la fatigue juste avant. Besson et al. (2022) vont plus loin que la “simple” fatigue périphérique dans leur discussion. Ils résument les 3 points suivants.

Tout d’abord, les athlètes féminines pourraient démonter moins de fatigue musculaire, surtout périphérique donc au niveau des muscles eux-mêmes, que ceux masculins après un effort d’endurance comme une course de trail. Ces résultats seraient surtout valables dans le cadre de course de longue distance (p. ex. trail long, ultra-trail). Ils seraient moins souvent observés après des efforts de courte distance.

Deuxièmement, les femmes démonteraient également une plus grande capillarisation musculaire. Cela revient à un meilleur approvisionnement en sang, en oxygène et en nutriments dans les muscles pour les coureuses que pour les coureurs. De plus, les athlètes féminines révéleraient une plus grande vasodilatation à l’exercice que les hommes. En d’autres termes, leurs vaisseaux sanguins se dilateraient plus que ceux des athlètes masculins. Toutes ces observations expliqueraient pourquoi les femmes présenteraient moins de fatigue musculaire après un effort de longue distance, et récupèreraient mieux.

Troisièmement, les coureuses auraient, après un effort éprouvant, moins d’inflammation musculaire et moins de dommages musculaires que les coureurs.

Différences hommes-femmes dans la thermorégulation et le pacing

Pour conclure, Besson et al. (2022) se sont intéressés à la thermorégulation et au pacing. Concernant la régulation de la température, les résultats sont peu concluants. La plupart des études qui se sont intéressés aux différences hommes-femmes dans la capacité à réguler sa température n’ont trouvé que de maigres différences, voire aucunes. Les femmes ne prenant pas de contraceptif par voie orale pourraient vouloir faire plus attention que d’habitude à la température pendant leurs règles. Une étude menée pendant un ultra-trail de 161km suggère que les coureuses pourraient être moins affectées par la chaleur que les coureurs. En dehors de ces évidences, les différences semblent négligeables.

Concernant le pacing, les divergences sont plus marquées ! Plusieurs études, dont certaines incluant de nombreux participants et participantes, ont montré que les femmes ont en moyenne une meilleure gestion de l’allure (c.-à-d. plus lisse) que les hommes. Cela a été observé en marathon, en semi-marathon, et sur des distances plus courtes. De plus, ces résultats ont été retrouvés chez des athlètes débutants et élites. Les résultats en trail et en ultra-trail sont encore rares. Les données disponibles ne permettent donc pas de conclure à ce jour pour ces pratiques. 

 

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Conclusion – Différences hommes-femmes en trail et course à pied

En conclusion, la question des différences hommes-femmes en endurance, comme en trail, est vaste. Elle soulève énormément de sous-questions aussi passionnantes les unes que les autres. Cet article n’est qu’un prémisse sur la thématique, une première façon de traiter le sujet. Il n’est évidemment pas exhaustif, et ne comprend que des résultats que j’ai trouvé intéressants à vous partager dans un premier temps.

Les écarts se resserent

Tout d’abord, les données dont nous disposons montrent que les coureuses sont de plus en plus nombreuses ! En trail, les formats longs et les ultra-trails comptent moins de femmes que les formats courts. Cependant, les tendances vont vers une augmentation de la participation des athlètes féminines. Ensuite, il est intéressant de noter que les écarts de performance entre hommes et femmes semblent dépendre de la distance des course. Ils semblent considérablement plus prononcés sur les formats courts que sur les formats longs. le Mat et al. ont confirmé cela en 2023 avec une méthodologie remarquable. En moyenne pour chaque augmentation de 10 km-effort, les hommes perdent 4% de vitesse, les femmes seulement 3%. En moyenne encore, les performances moyennes des hommes et celles des femmes devraient être égales sur des compétitions environ de 280km-effort. 

Premières pistes explicatives

La question naturelle qui découle de cette observation est pourquoi les femmes semblent plus endurantes que les hommes ? La revue de littérature de Besson et al. 2022 donne plusieurs pistes de réponse. Pour résumer, les athlètes féminines auraient des paramètres de course à pied différents de ceux masculins (p. ex. temps de contact au sol plus court pendant la course). Elles auraient également une meilleure utilisation des lipides et une plus grande flexibilité métabolique. Notons cependant qu’à ce jour, les recommandations en termes d’alimentation en longue distance sont les mêmes pour les femmes et pour les hommes (plus d’information ici).

De plus, les coureuses auraient une moindre fatigabilité musculaire, ce qui est propice à la longue distance. Cela a été démontré à travers de nombreuses études, et de nombreux paramètres différents. Enfin, les coureuses pourrait adopter de meilleurs stratégies de pacing que les coureurs. Il est intéressant de noter que les capacités de thermorégulation et que l’économie de course semblent égales entre les deux sexes. Ce schéma, traduit de Besson et al. (2022) résume ces résultats.

Représentation schématique des principales différences psychologiques, physiologiques, neuromusculaires et biomécaniques entre les hommes et les femmes en course à pied. Les paramètres qui pourraient donner un avantage aux hommes sont encadrés en vert. Ceux qui pourraient donner un avantage aux femmes sont encadrés en orange. > : supérieur chez les femmes,< : inférieur chez les femmes,= : pas de différence entre les sexes. Traduit sans modification de Besson et al. (2022).

Bien que exhaustif, j’espère que ce billet sur certaines différences hommes-femmes soulignées dans la littérature vous aura déjà semblé utile. D’autres articles sur le sujet suivront, pour couvrir les thématiques qui n’ont pas été abordées ici.

 

Vidéos associées à cet article

Vidéo 1 – Mes explications en vidéo

Vidéo 2 – Mon interview d’un expert, Thibault Besson

Références bibliographiques

• Besson, T., Macchi, R., Rossi, J., Morio, C. Y., Kunimasa, Y., Nicol, C., … & Millet, G. Y. (2022). Sex differences in endurance running. Sports Medicine52(6), 1235-1257. (Lien)
• Le Mat, F., Géry, M., Besson, T., Ferdynus, C., Bouscaren, N., & Millet, G. Y. (2023). Running Endurance in Women Compared to Men: Retrospective Analysis of Matched Real-World Big Data. Sports Medicine53(4), 917-926. (Lien)
• Temesi, J., Arnal, P. J., Rupp, T., Féasson, L., Cartier, R., Gergelé, L., … & Millet, G. Y. (2015). Are females more resistant to extreme neuromuscular fatigue?. Medicine & Science in Sports & Exercise47(7), 1372-1382. (Lien)

Cyril Forestier

Trailer passionné 🏃🏻‍♂️ et docteur en science du mouvement humain (STAPS) 👨‍🔬 , je décrypte la littérature scientifique pour mieux comprendre notre pratique. Je rédige des articles afin de vulgariser des études, de vous partager mes tests matériels ou encore de vous communiquer ce qui me motive, tout ça dans le but de courir mieux ! Des réponses à vos questions se trouvent surement dans mes articles 😉.

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