Vous vous demandez l’utilité des vêtements compressifs sur la performance en trail et en course à pied ? Les manchons compressifs sont-ils efficaces ? Pourquoi porter des vêtements compressifs ? Cet article est fait pour vous ! 😉

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Les vêtements compressifs en endurance

Depuis plusieurs années, différentes marques ont commencé à proposer des vêtements compressifs pour le trail et la course à pied. Cependant, l’utilisation de la compression ne vient pas, à l’origine, du domaine du sport. En réalité, les vêtements compressifs ont tout d’abord été développés et utilisés en médecine. Leur application a pour objectif de prévenir différents problèmes de santé comme les œdèmes, les embolies pulmonaires, ou encore pour faciliter le traitement de plaies ou d’ulcères veineux.

Qu’est-ce qu’un vêtement compressif ?

La première question à laquelle je souhaite répondre ici c’est “qu’est-ce qu’un vêtement compressif ?”. Il existe de nombreux types de vêtements avec compression. On retrouve par exemple les bas compressifs, comme les manchons de mollets, ou les quads pour les cuisses, ou les “full legs” couvrant toute la jambe. On peut aussi retrouver ceux pour le haut du corps, comme les t-shirts, ou les manches longues.

Un aspect crucial qui caractérise les vêtements compressifs est la pression appliquée. En effet, tous les textiles avec compression n’appliquent pas la même force. Dans le domaine médical, la compression est divisée en 4 classes en fonction de la pression, mesurée en millimètre de mercure. La catégorisation est la suivante :

  • Classe 1 “pression légère”, 10 à 15 mmHg
  • Classe 2 “pression moyenne”, 15 à 20 mmHg.
  • Classe 3 “pression forte”, 20 à 36 mmHg.
  • Classe 4 “pression extrême” (très rare), > 36mmHg

Un autre point important pour caractériser un vêtement compressif, c’est sa taille, et sa forme. Un vêtement compressif peut avoir une coupe “droite” ou “profilée” par exemple. Cela va induire des pressions différentes à des points clés du membre ciblé. Malheureusement, peu d’informations sont apportées sur ce sujet, lors de l’achat d’un textile. Enfin, la compression peut être homogène (c.-à-d. même pression partout) ou progressive (c.-à-d. pression différente, croissante ou décroissante, le long du membre). Cette fois, il est plus courant de trouver des informations sur ce point.

Pourquoi porter des vêtements de compression ?

Dans le monde du sport, la compression a été introduite avec l’objectif d’améliorer de nombreux aspects de la performance. On peut voir beaucoup de coureuses et coureurs, sur route ou en trail, porter ce type de vêtements à l’entraînement, et en compétition. Pour confirmer les effets ergogéniques (c.-à-d. qui améliorent la performance sportive) supposés des vêtements compressifs, plusieurs études ont été conduites. Elles ont été réalisées tant dans le domaine des sports d’endurance, que dans ceux de force ou de vitesse.

Pour cet article, j’ai un immense avantage ! La littérature contient énormément d’études sur le sujet. Beaucoup d’équipes de chercheurs ont évalué si porter des vêtements compressifs améliorait les performances en endurance, ou pas. Pour discuter de cela, je vais m’appuyer sur 4 articles que j’ai trouvé particulièrement intéressants. Il s’agit d’une revue de littérature, publiée en 2011 ; de deux méta-analyses, publiées en 2016 et 2018, et d’un essai contrôlé randomisé, publié en 2020. Allons voir ces articles de plus près !

 

Les vêtements compressifs améliorent-ils les performances en endurance ?

La revue de MacRae et al., 2011

Capture d'écran de l'étude de MacCrae et al., 2011

En 2011, MacRae et ses collaborateurs ont publié une revue de littérature impressionnante sur les vêtements compressifs. Cette dernière a pour but de discuter des effets des vêtements compressifs sur la performance sportive dans différents sports. Leur méthodologie a permis de résumer les résultats de 18 études publiées avant 2011. En s’intéressant plus précisément à celles menées dans le contexte de la course à pied, les auteurs concluent que le port de vêtements de compression a “peu ou pas d’effet bénéfique sur les performances en endurance”. 

Plus précisément, ces auteurs résument tout d’abord que les vêtements compressifs n’ont pas d’effets sur les fréquences cardiaques maximales ou sous-maximales atteintes à l’exercice. Ils n’amélioreraient pas non plus les concentrations maximales ou sous-maximales du lactate sanguin. De plus, ils n’auraient aucun effet sur la VO2max, sur la VO2 pic, ni sur l’économie de course. Les auteurs concluent aussi qu’aucune étude n’a pas pu démontrer d’amélioration des performances réelles (p. ex. temps de course sur une distance donnée) grâce à la compression. 

MacRae et al. (2011) écrivent que, cependant, le port de vêtements compressifs améliorerait la proprioception, en favorisant la stimulation de récepteurs cutanés. Ces derniers augmenteraient aussi la température corporelle et la transpiration (sauf en conditions froides). Cela pourrait potentiellement dégrader la performance. Ils expliquent aussi que le port de vêtements compressifs diminuerait l’oscillation verticale des muscles (l’étude de Broatch et al. (2020) ci-dessous reviendra sur ce point spécifique).

Pour conclure, cette revue de littérature cite deux études ayant montré que le confort perçu d’un vêtement diminuait à mesure que la pression des textiles compressifs augmentait. Cependant, ces changements étaient très légers, et il existait beaucoup de variabilité entre les participants.

Résumé de MacRae et al., 2011

En résumé, cette revue de littérature (MacRae et al., 2011) conclut que le port de vêtements compressifs n’améliore pas les performances en endurance et n’améliore pas non plus des paramètres associés à la performance (e.g., VO2 max, économie de course). Les textiles avec compression auraient de rares effets positifs (p. ex. diminution de l’oscillation musculaire) et quelques effets délétères (p. ex. augmentation de la température). Enfin, ils pourraient parfois diminuer le confort perçu des vêtements si la pression appliquée est élevée.

 

La méta-analyse de Engel et al., 2016

En 2016, Engel et al. sont allés plus loin que MacRae et al. (2011). Leur objectif était d’évaluer statistiquement si des coureurs et coureuses de route, de trail, et de discipline sur piste comme le 400m, pouvaient voir leur performance s’améliorer grâce aux vêtements compressifs. Pour cela, ils ont récupéré les résultats de 32 études. Les participants pratiquaient du trail, du marathon, du semi-marathon, du triathlon, et étaient de tous niveaux. Les expérimentations comparaient toutes un groupe “port de vêtements compressifs” à un groupe “contrôle”. Les textiles avec compression étaient des chaussettes montantes, des manchons de mollets, ou encore des shorts.

Tout d’abord, les résultats ont montré que les vêtements compressifs n’avaient aucun effet bénéfique significatif sur les performances en course à pied (taille d’effet g = 0.03, soit une taille minuscule). Par exemple, avec ou sans compression, les performances maximales sur marathon, semi-marathon, 10km, 5km, trail de 15km, ou encore 400m étaient inchangées. De même, le port de ce type de vêtement n’avait aucun effet positif significatif sur les tests de type “temps jusqu’à épuisement”.

Ensuite, les résultats ont aussi montré que le port de vêtements compressifs n’avait pas d’effet positif significatif sur l’économie de course, sur des paramètres biomécaniques de course (p. ex. fréquence de pas, temps de contact au sol), sur la consommation d’oxygène à l’effort (maximal et sous-maximal), sur la concentration en lactate sanguin, ou encore sur des marqueurs sanguins d’inflammation. Ils ont ainsi montré que les dommages musculaires semblaient être les mêmes avec et sans vêtements compressifs. Le seul effet positif et significatif identifié en faveur de la compression concerne un moindre effort perçu pendant l’exercice (taille de l’effet g = .28, soit un effet petit). Il s’agit donc d’un effet sur le plan psychologique.

Résumé de Engel et al., 2016

En résumé, à travers plus de 30 études, cette méta-analyse met en avant que l’utilisation de vêtements compressifs n’améliore aucun paramètre associé à la performance en course à pied ou en trail. Elle n’engendre pas non plus de bénéfices sur les performances elles-mêmes, ni en course à pied, ni en trail, ni sur piste. Néanmoins, la compression aurait un effet psychologique, et réduirait l’effort perçu.

Le graphique ci-dessous résume leurs analyses statistiques.

Résultat de la méta-analyse sur la compression et les performances en course à pied
Résultats de Engel et al. 2016, adaptés et traduits. Les carrés représentent la taille de l’effet méta-analytique (c.-à-d. toutes études confondues). Les barres autour des carrés représentent l’intervalle de confiance autour de l’effet moyen (c.-à-d. la variabilité). Si ces barres croisent l’axe horizontal du 0, alors l’effet n’est pas significatif.

 

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La méta-analyse de da Silva et al., 2018

La méta-analyse de da Silva et al. (2018) s’est posé une question similaire à celle de Engel et al. 2016. Ces auteurs ont voulu exploré les relations entre le port de vêtements de compression sur les membres inférieurs spécifiquement et la performance sportive dans des efforts en endurance. Pour aller plus loin, ils ont aussi évalué si la compression améliorait des paramètres souvent associés aux performances, comme la consommation maximale et sous-maximale en oxygène, les concentrations en lactate sanguin, et l’effort perçu. Après une recherche minutieuse dans la littérature, les auteurs ont identifié 23 études assez robustes pour être considérées. Elles comparaient toutes un groupe « port de vêtements compressifs” à un groupe “contrôle”. Les efforts en endurance étaient de type 10km sur route, test incrémental, ou encore temps jusqu’à épuisement. Les sujets étaient des sportifs avec un niveau moyen, pratiquant régulièrement.

Leurs premières analyses ont révélé que les groupes « port de vêtements compressifs” n’avaient pas réalisé de performances en endurance significativement meilleures, que les groupes “contrôles”. Ce résultat était valable quelle que soit la distance de course considérée (p. ex. 400m ou 10km). Les autres analyses sur la consommation maximale et sous-maximale en oxygène, la concentration de lactate sanguin, et la perception d’effort n’ont pas révélé non plus d’effet significatif en faveur de l’utilisation des vêtements compressifs. 

Résumé de Silva et al., 2018

Malgré l’identification de 23 études robustes, de haute qualité, dans la littérature, les analyses n’ont révélé aucun bénéfice à l’utilisation des vêtements compressifs à l’effort, comme en trail ou en course à pied par exemple. Les performances, et des facteurs physiologiques associés à celles-ci n’étaient pas différents entre les groupes « port « de vêtements compressifs » et les groupes “contrôles”.

Les graphiques ci-dessous résument leurs analyses statistiques.

Effet des vêtements compressifs sur la performance, pour des efforts entre 50m et 400m Effet des vêtements compressifs sur la performance, pour des efforts entre 800m et 3000m
Effet des vêtements compressifs sur la consommation maximale en oxygène Effet des vêtements compressifs sur la consommation sous-maximale en oxygène Effet des vêtements compressifs sur l'effort perçu

Résultat de da Silva et al. 2019, adaptés et traduits. Les carrés représentent la taille de l’effet méta-analytique (c.-à-d. toutes études confondues). Les barres autour des carrés représentent l’intervalle de confiance autour de l’effet moyen (c.-à-d. la variabilité). Si ces barres croisent l’axe horizontal du 0, alors l’effet n’est pas significatif.

 

Vêtements compressifs et maintien musculaire – Broatch et al. 2019

En 2019, Broatch et al. ont conduit une étude pour tester l’efficacité de collants de compression (c.-à-d. compression sur la jambe entière) pour réduire les oscillations musculaires, diminuer l’activation des muscles, et améliorer l’économie de déplacement, pendant la course à pied. Pour cela, les auteurs ont conduit 2 sous-études. La première a examiné les effets des collants de compression sur le mouvement des muscles de la cuisse et du mollet pendant la course. La deuxième a comparé les mouvements des muscles de la cuisse et du mollet, les vibrations des tissus mous, l’activation musculaire et l’économie de déplacement pendant la course entre une condition “avec collants de compression” et une condition “contrôle”. Les 27 participants à ces études ont couru sur tapis plusieurs fois, à des vitesses différentes, avec différents collants de compression disponibles sur le marché.

Le premier résultat intéressant de cette étude est que les collants de compression réduisent les oscillations musculaires et les vibrations des tissus mous dans les membres inférieurs, durant des courses sur tapis. Ces réductions ont été observées à des vitesses entre 8 et 15 km/h, surtout dans les muscles extenseurs du genou et les fléchisseurs plantaires de la cheville. Ces réductions du déplacement musculaire induites par la compression engendraient une réduction de l’activation musculaire. Cependant, aucun de ces effets (c.-à-d. réduction des oscillations et des activations musculaires) n’a permis une amélioration de l’économie de déplacement. Cette dernière était équivalente entre les conditions « port de vêtements compressifs” et celle “contrôle ».

Résumé de Broatch et al., 2019

Le port de différents vêtements compressifs de type “jambe intégrale” diminuait les oscillations musculaires, les vibrations des tissus mous et les activations musculaires de muscles importants pour la course à pied et le trail. Cependant, ces effets ne se traduisaient pas par des changements dans un marqueur clé de la performance en course à pied et en trail, à savoir l’économie de déplacement. 

 

Conclusion – Courir avec des vêtements compressifs pour améliorer ses performances ?

En conclusion, les résultats ces 4 études tendent dans la même direction. À travers un total de 72 études, elles soulignent toutes que malgré quelques rares effets sur certains paramètres physiologiques, les vêtements compressifs n’améliorent pas les performances en endurance. En trail, en course à pied, en marathon, en semi-marathon, ou encore sur 5 ou 10km, les performances, et des marqueurs clés de la performance (p. ex. économie de déplacement, consommation d’oxygène, concentration de lactate sanguin) étaient les mêmes entre les personnes qui portaient des vêtements compressifs, et ceux qui n’en portaient pas.

La littérature a révélé quelques effets de la compression, bénéfiques ou délétères. On retrouve par exemple une augmentation de la température corporelle, moins d’oscillations musculaires (surtout verticalement), parfois un effort perçu plus bas, ou encore une légère diminution du confort à l’effort. Cependant, en l’état actuel, aucune évidence scientifique ne soutient la croyance générale selon laquelle les vêtements compressifs améliorent les performances en endurance.

Mon conseil ? Si vous êtes bien dans vos vêtements compressifs ou si vous aimez vos manchons, ne vous privez pas et portez-les ! À l’inverse, aucune des études que j’ai citées n’a montré de dégradation des performances avec l’utilisation de la compression. Néanmoins, si vous attendez une amélioration de vos performances sportives, en trail ou en course à pied par exemple, grâce à ce type de textiles, vous risquez d’être déçu.

 

Vidéo résumé de cet article

Vidéo 1 – Mes explications en vidéo

 

Vidéo 2 – Mon interview d’un expert, Fabrice Vercruyssen

 

Références bibliographiques

· Broatch, James R., et al. “Compression garments reduce muscle movement and activation during submaximal running.” Medicine and Science in Sports and Exercise 52.3 (2020): 685. (Lien)
· da Silva, César Augusto, et al. “Association of lower limb compression garments during high-intensity exercise with performance and physiological responses: a systematic review and meta-analysis.” Sports medicine 48 (2018): 1859-1873. (Lien)
· Engel, Florian Azad, Hans-Christer Holmberg, and Billy Sperlich. “Is there evidence that runners can benefit from wearing compression clothing?.” Sports medicine 46 (2016): 1939-1952. (Lien)
· MacRae, Braid A., James D. Cotter, and Raechel M. Laing. “Compression garments and exercise: garment considerations, physiology and performance.” Sports medicine 41 (2011): 815-843. (Lien)

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