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Vous voulez savoir comment se muscler pour le trail ? Cet article est pour vous !

 

Musculation et trail

Ce n’est plus à prouver, la musculation, c’est à dire réaliser des exercices physiques ayant pour objectif spécifique le développement des muscles, est l’allié des coureurs et coureuses, débutants ou confirmés. De nombreuses études scientifiques ont montré les effets bénéfiques de cycles de musculation sur la performance en course à pied sur route, sur sentier ou en montagne (p. ex. Balsalobre-Fernández et al., 2016, Berryman et al., 2018, Denadai et al., 2017, Trowell et al., 2020, pour des méta-analyses) .

Cependant, la musculation est un domaine d’entraînement large, regroupant de nombreuses modalités de travail possibles. Au-delà des 4 régimes de contractions musculaires possibles, à savoir isométrique (c-a-d contraction musculaire sans mouvement des extrémités musculaires), concentrique (c-a-d raccourcissement du muscle, les extrémités musculaires se rapprochent), excentrique (c-a-d allongement du muscle, les extrémités musculaires s’éloignent), et pliométrique (c-a-d alternance explosive d’excentrique et de concentrique), le travail en musculation peut nourrir différents objectifs. Améliorer l’endurance de force, la force maximale, la force explosive, ou encore la vitesse ; travailler avec des charges légères, avec des charges lourdes, à poids de corps … Bref, les variantes sont nombreuses, et identifier la modalité de musculation la plus efficace pour progresser en course à pied n’est pas facile. De plus, à mon sens, identifier cette modalité est centrale car souvent, le temps que nous pouvons allouer à un cycle de musculation dans une saison est limité, et il vaut mieux maximiser ce temps.

En 2022, Eihara et ses collaborateurs ont voulu apporter une réponse à la question de la meilleure modalité possible, à travers une méta-analyse (c-a-d méthode scientifique qui compile et synthétise les résultats de différentes études indépendantes, plus d’informations ici). Plus précisément, les auteurs ont compilé plusieurs études pour tenter de savoir qui de la musculation avec des charges lourdes, ou de la musculation par pliométrie était la plus efficace pour améliorer nos performances en course à pied, et nous permettre de courir mieux.

 

Résumé de l’article

Introduction

D’après ces auteurs, la modalité de musculation “charges lourdes” correspond à des exercices avec des charges presque maximales (p. ex. ≥ 90% du maximum soulevable une seule fois) ; et la modalité “pliométrie” renverrait à des exercices avec une succession rapide d’une phase d’étirement du muscle (c-a-d excentrique), puis une phase de contraction (c-a-d concentrique), dans le but de générer de la force à grande vitesse (p. ex. sauter d’une box puis rebondir). Plusieurs études se sont intéressées à ces deux modalités isolement, et ont montré qu’elles amélioraient la performance en course à pied de longue distance. Plus spécifiquement, ces deux modalités d’entraînement diminuaient le temps nécessaire à courir une distance donnée (appelé “running time trial” en anglais, vulgarisé ici par “vitesse de course”), et amélioraient l’économie de course (c-a-d, coût en oxygène ou coût métabolique nécessaire pour courir une distance donnée, ou pour maintenir une vitesse donnée). Cette métaanalyse a cherché à aller plus loin en agrégeant plusieurs études sur chacune de ces modalités et en comparant leur efficacité respective sur ces deux marqueurs de la performance en cours à pied (c-a-d, temps et économie de course).

 

Méthode

Les auteurs ont aggrégé les résultats de 21 études présentes dans la littérature. Ces études s’intéressaient aux effets d’un programme de musculation par charges lourdes (13 études) ou par pliométrie (9 études) sur l’économie de course (18 études) ou sur le temps de course (10 études). Pour être considérées dans cette méta-analyse, les étude devaient (1) inclure des coureurs de distance moyenne ou longue ; (2) utiliser une seule modalité de musculation par personne (c-a-d, soit par “charges lourdes” soit par “pliométrie”) ; (3) intervenir pendant 4 semaines minimum ; et (4) être publiées dans un journal avec révision par des pairs. Par la suite, les auteurs ont analysé la qualité des études considérées, et les risques de biais dans ces dernières à travers 5 critères. Ces analyses ont révélé en générale une haute qualité méthodologique, et de faibles risques de biais. De plus, les analyses ont révélé une faible hétérogénéité, suggérant que les études sont relativement concordantes entre elles.

 

Résultats

Le premier résultat de cette méta-analyse est que les deux modalités de musculation, c’est-à-dire celle avec charges lourdes et celle par pliométrie, améliorent la vitesse et l’économie de course.

Le second résultat est que les interventions par charges lourdes semblaient avoir des effets plus importants que celles par pliométrie sur l’économie de course (g = .32 IC [95%] = .10, .55], taille d’effet considérée “petite” ; vs. g = .13 IC [95%] = .21, .47, taille d’effet considérée “triviale”). De plus, l’effet meta-analytique des interventions par pliométrie sur la vitesse de course croisait le 0, ce qui signifie qu’il n’est pas statistiquement significatif et peut donc ne pas exister.

De même, le troisième résultat est que les interventions par charges lourdes semblaient avoir des effets légèrement plus important que celles par pliométrie sur la vitesse de course (g = .24 IC [95%] = -1.04, .55, taille d’effet considérée “petite”) ; vs. g = .17 IC [95%] = .06, .24, taille d’effet considérée “triviale”). Cependant, cette dernière différence était moins marquée que la précédente. De plus, l’effet meta-analytique des interventions par charges sur lourdes sur la vitesse de course croisait le 0, ce qui signifie qu’il n’est pas statistiquement significatif et peut donc ne pas exister. Les images ci-dessous résument ces effets.

Figure 1. Effets des entraînements par charges lourdes et pliométrie sur l’économie de course.
Note. Cette figure résume les effets des interventions par charges lourdes (“heavy resistance training”) vs. par pliométrie (“plyometric training”) sur l’économie de course. Le losange en bas de chaque catégorie représente l’effet méta-analytique (c-a-d, toutes études aggrégées). Si ce losange est en dessous du 0 et ne le croise, il est en faveur de l’intervention considérée (p. ex. les interventions par charges lourdes améliorent plus le facteur considéré que celles “contrôles”). Si ce losange est au dessus du 0 et ne le croise pas il est en faveur du groupe contrôle (p. ex. les interventions “contrôles” améliorent plus le facteur considéré que celles “par charges lourdes”). Si ce losange croise le 0, il n’est faveur d’aucune intervention (p. ex. aucune intervention n’améliore ou ne dégrade le facteur considéré).

 

Figure 2. Effets des entraînements par charges lourdes et pliométrie sur la vitesse de course.
Note. Cette figure résume les effets des interventions par charges lourdes (“heavy resistance training”) vs. par pliométrie (“plyometric training”) sur la vitesse de course. Le losange en bas de chaque catégorie s’interprète comme sur le graphique ci-dessus.

 

Les dernières analyses, à savoir celles par sous-groupes, ont également mis en avant des informations cruciales. Ces dernières ont révélé que dans la modalité de musculation “par charges lourdes”, les interventions les plus efficaces pour améliorer l’économie et la vitesse de course étaient celles avec des charges quasimaximales (c-a-d, supérieur ou égale à 90% du maximum soulevable une fois, ou avec des charges pouvant être soulevées de manière répétées 1 à 4 fois maximum), et celles d’une durée de 10 semaines minimum.

Tableau 1. Analyses de sous-groupes.
Note. Ce tableau résume les analyses de sous-groupes réalisées. On y remarque que les interventions catégorisées “lourdes” (“≥ 90% du maximum, ou ≤ 4 RM) et celles catégorisées “longues” (“Long (10-14 weeks”) étaient celle avec les tailles d’effets (c-a-d, l’ampleur des progressions observées) les plus importantes.

 

Comment utiliser ces informations pour courir mieux ?

Pour moi, cet article est une base robuste qui permet de calibrer un cycle de musculation, réalisé dans le but de progresser en course à pied. En effet, en s’intéressant de manière plus précise aux 12 articles inclus dans cette méta-analyse dans la catégorie “charges lourdes”, il est possible de faire ressortir des choix pratiques pertinents pour construire un programme d’entraînement. Ci-dessous, et pour conclure, je vous résume les modalités de ces 12 études, pour que vous construisiez votre cycle vous-même 🙂.

 

Durée des programmes, et fréquence d’entraînements.

➡️ Concernant la durée, les programmes par charges lourdes duraient entre 8 et 14 semaines, avec une moyenne de 10 semaines. Sur les 12 études considérées, 2 proposaient un programme incrémental, c’est à dire un programme avec une augmentation progressive des charges au cours des semaines. Les 10 autres études proposaient les mêmes charges durant tout le programme de musculation.

➡️ Concernant la fréquence, les études inclues dans cette méta-analyse proposaient aux pratiquants de s’entraîner en musculation 1 à 4 fois par semaine, avec une moyenne de 2 fois par semaine. 11 des 12 études demandaient aux participants de réaliser les séances de musculation un jour sans entraînement en course à pied prévu, et d’espacer ces séances de 48h minimum. Une seule étude proposait de réaliser les exercices de musculation juste avant un entraînement en course à pied.

 

Nombre de séries, de répétitions, intensité et récupération.

➡️ Concernant le nombre de séries et de répétitions, les études considérées proposaient aux pratiquant de réaliser entre 1 et 5 séries, avec une moyenne de 4 séries par exercice. Chaque série comportait 3 à 10 répétitions, avec une moyenne de 4 répétitions d’un même mouvement.

➡️ Concernant l’intensité des répétitions, les auteurs proposaient aux participants de réaliser des exercices avec une charge se comprenant entre 80% et 90% de leur maximum soulevable une seule fois sur le mouvement considéré, ou entre RM10* et RM3*. Une seule étude calibrait l’intensité sur la perception d’effort (entre 9 et 10, sur une échelle de Borg allant de 0 à 10). Toutes les études commençaient donc par une estimation du 100%, ou du RM1, soit la charge maximale que la personne était capable de soulever une seule fois sur l’exercice considéré.

*RM X = Charge pouvant être mobilisée X fois maximum (p. ex. RM3 = charge pouvant être mobilisée 3 fois d’affilée maximum, RM10 = charge pouvant être mobilisée 10 fois d’affilée maximum).

➡️ Concernant la récupération, la plupart des études proposaient de séparer les répétitions de 1 à 4 min de récupération passive, avec une moyenne de 3 min.

 

Nombre et type d’exercices

➡️ Concernant le nombre d’exercices, les études proposaient 1 à 6 exercices par séances, avec une moyenne de 4 exercice par séances. Toutes les études proposaient le même nombre d’exercices entre le début et la fin du cycle d’entraînement.

➡️ Concernant le type d’exercices, ces derniers ciblaient toujours les muscles des jambes, et/ou ceux des mollets. Les exercices les plus communs étaient des extensions de jambes par des squat, des demi-squats, des fentes, au leg extensor ou à la presse à cuisse ; des extensions de hanche (p. ex. hip-trust) ; des soulevés de terre ; et des flexions plantaires, par des montées sur pointes de pieds chargées, ou à la presse à cuisse. La plupart des exercices étaient réalisés en bipodal, mais deux études proposaient de les réaliser en unipodal. Des exemples précis de ces exercices, et de comment bien les réaliser se trouvent facilement sur internet 🙂.

 

Où trouver un résumé de ces modalités ?

À ce lien, vous trouverez un classeur partagé résumant les modalités des 12 études considérées dans cette méta-analyse, dans la catégorie “charges lourdes”. Si vous souhaitez plus de détails, n’hésitez pas à me contacter ✉️.

 

Conclusion

Pour courir mieux, et plus précisément pour améliorer notre économie de course et notre vitesse de course, les entraînements en musculation avec des charges lourdes semblent efficaces, et plus efficaces que les entraînement en pliométrie. En résumant les modalités des études considérées dans cette méta-analyse, un cycle permettant de progresser durerait minimum 10 semaines, à raison de 2 à 3 séances par semaine. Chaque séance devrait être constituée de 4 séries de 3 à 4 répétitions à 80-90% du maximum soulevable une fois sur l’exercice cible, ou à RM4. Les séances devraient être réalisées sur des jours sans entraînement en course à pied, et espacées de 48h minimum. Les répétitions devraient être séparées de 3 minutes de récupération passive. Enfin, chaque séance devrait être constituée de 4 exercices, et ces exercices devraient cibler les jambes et les mollets. Et si vous souhaitez savoir quelle alimentation permet de récupérer après ce type d’entraînement, je vous invite à consulter cet article du blog.

 

Références bibliographiques

• Balsalobre-Fernández, C., Santos-Concejero, J., & Grivas, G. V. (2016). Effects of strength training on running economy in highly trained runners: a systematic review with meta-analysis of controlled trials. Journal of strength and conditioning research30(8), 2361-2368.
• Berryman, N., Mujika, I., Arvisais, D., Roubeix, M., Binet, C., & Bosquet, L. (2018). Strength training for middle-and long-distance performance: a meta-analysis. International journal of sports physiology and performance13(1), 57-64.
• Denadai, B. S., de Aguiar, R. A., de Lima, L. C. R., Greco, C. C., & Caputo, F. (2017). Explosive training and heavy weight training are effective for improving running economy in endurance athletes: a systematic review and meta-analysis. Sports Medicine47(3), 545-554.
• Eihara, Y., Takao, K., Sugiyama, T., Maeo, S., Terada, M., Kanehisa, H., & Isaka, T. (2022). Heavy Resistance Training Versus Plyometric Training for Improving Running Economy and Running Time Trial Performance: A Systematic Review and Meta-analysis. Sports Medicine-Open8(1), 1-21.
• Trowell, D., Vicenzino, B., Saunders, N., Fox, A., & Bonacci, J. (2020). Effect of strength training on biomechanical and neuromuscular variables in distance runners: a systematic review and meta-analysis. Sports Medicine50(1), 133-150.

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