Vous vous demandez qu’est-ce que l’affûtage en trail ? Quand arrêter de courir avant un trail ? Cet article est pour vous 😉
L’affûtage en trail et en ultra-trail
Quand arrêter de s’entraîner avant une compétition, ou comment s’affûter ?
Dans la préparation avant une compétition de trail ou de running, certaines questions reviennent souvent. Quand arrêter de s’entraîner avec une compétition ? Quand arrêter de courir avec une course ? Comment gérer les derniers jours avant un trail ? Toutes ces questions renvoient à une seule et même thématique, l’affûtage.
Aussi appelé “tapering”, ce terme a longtemps renvoyé au poids, et aux régimes alimentaires qui pouvaient être adoptés avant une compétition, dans le but de réduire son taux de masse grasse. Mais ce n’est pas de cet affûtage-là dont nous allons parler ! Depuis plusieurs années, un autre sens est apparu derrière le terme “affûtage”. Ce sens renvoie à la gestion de l’entraînement, et de la récupération, avant une compétition.
La période d’affûtage en trail
L’affûtage est une pratique couramment utilisée par les athlètes de différents niveaux. Cette période permet d’optimiser les performances avant une compétition. Le Meur et al. (2012) soulignent que si elle est correctement gérée, l’affûtage engendrerait une amélioration des performances de 3 % en moyenne, pouvant aller jusqu’à 6%. Cependant, beaucoup de traileurs et de traileuses n’adoptent pas cette stratégie, ou l’adopte mal. Par exemple, à travers un questionnaire distribué à 25 coureurs de trail, Matos et al. (2020) révèlent que la plupart des athlètes font un affûtage seulement dans le cas d’une préparation pour un trail long. De plus, les modalités de cette période étaient souvent sous-optimales, comme une mauvaise durée (par exemple 1 semaine), ou encore une mauvaise gestion des intensités (p. ex. -20%).
Car l’affûtage ne veut pas dire “arrêter de s’entraîner” ! Au contraire ! Il est synonyme d’adapter son entraînement pour performer au mieux le jour J. Précisément, cette stratégie consiste à réduire progressivement, et dans une certaine mesure, la charge d’entraînement pendant une durée spécifique avant une compétition, pour que le corps récupère. Cette technique permet de maximiser ses performances le jour de la compétition, en ayant éliminé une partie de la fatigue due à l’entraînement, et en ayant optimisé le niveau de forme.
L’affûtage a fait l’objet de nombreuses études scientifiques, qui ont souligné qu’il améliorerait la force, la puissance, l’endurance et la vitesse chez les athlètes. Dans cet article, nous allons discuter de l’importance de l’affûtage pour les coureurs de trail. Nous parleront aussi de comment il peut être mis en œuvre efficacement pour atteindre des performances optimales.
Affûtage en trail vs. autres sports
Il est intéressant de noter dès maintenant que la plupart des études scientifiques sur l’affûtage portent sur des sports d’endurance comme la course à pied sur route, le cyclisme ou encore la natation, mais pas sur le trail. Aussi, nous allons répondre aux questions qui nous intéressent en 2 temps. Dans un premier temps nous allons regarder ce que les études concluent sur l‘affûtage dans les sports d’endurance en général. Dans un second temps, nous croiserons ces recommandations avec ce que les experts du trail proposent, et avec les spécificités de cette pratique.
Commençons par les méthodes d’affûtage optimales dans le cadre des sports d’endurance en générale. En 2007, Bosquet et al., publiaient une méta-analyse qui évalue les meilleurs techniques d’affûtage. Cet excellent travaille me semble être une bonne base, donc voyons cette étude de plus près.
L’affûtage en trail, d’après Bosquet et al. 2007
Introduction
D’après ces auteurs, l’affûtage est une période durant laquelle les athlètes réduisent leur charge d’entraînement. Elle se place dans les derniers jours précédents une compétition, dans le but d’optimiser la performance. Cette réduction de la charge d’entraînement peut être obtenue par la modification de plusieurs éléments. Précisément, il est possible de diminuer la charge en diminuant :
- le volume des entraînements.
- l’intensité des entraînements.
- la fréquence des entraînements.
Un large éventail de stratégies d’affûtage sont utilisées par les athlètes, mais on ne sait pas encore les modalités optimales. Par exemple, certaines études rapportent des bénéfices avec une réduction drastique du volume, mais un maintien de la fréquence et de l’intensité des entraînements, quand d’autres avancent qu’il est préférable de maintenir l’intensité et peu changer la fréquence.
Cette méta-analyse explore s’il existe une stratégie optimale d’affûtage. Pour cella, elle évalue les effets des modifications des composantes de la réduction de la charge d’entraînement sur la performance des athlètes.
Méthode
Les auteurs ont agrégé les données issues de 27 études publiées dans la littérature. Ces études manipulaient le volume des entraînements, et/ou l’intensité des entraînements et/ou la fréquence des entraînements et/ou la durée de l’affûtage et/ou le type d’affûtage (c.-à-d. progressive ou par paliers), afin de déterminer les meilleures modalités.
Les participants des études étaient des athlètes de compétition. Les études utilisaient une réduction progressive de la charge. Les mesures de performance des athlètes devaient être issues de compétitions réelles ou d’évaluation sur le terrain.
Résultats
Diminution du volume d’entraînement.
Les résultats soulignent qu’une réduction de 41 à 60 % du volume d’entraînement hebdomadaire était plus efficace que les autres réductions considérées (c.-à-d. <20% ; 21 à 40% ; > 60%). Cette diminution engendrait une amélioration significative des performances avec une taille d’effet dite “forte” (ES = .72, 95% CI[.36 ; 1.09], p < .001). La figure ci-dessous résume ce résultat.
Diminution de l’intensité des entraînements
Les résultats montrent que diminuer l’intensité des entraînements n’avait aucun effet, alors que maintenir cette dernière durant la période d’affûtage avait un effet positif et significatif sur les performances, de taille dite “modérée” (ES = .33, 95% CI[.19 ; .47], p < .001).
Diminution de la fréquence d’entraînement
Les résultats avancent que diminuer la fréquence d’entraînement n’avait aucun effet, alors que maintenir cette dernière durant la période d’affûtage avait un effet positif et significatif sur les performances, de taille dite “modérée” (ES = .35, 95% CI[.18 ; .51], p < .001).
Durée optimale de l’affûtage
Les résultats mettent en avant qu’une durée d’affûtage de 15 à 21 jours (2 à 3 semaines) était plus efficace que les autres durées investiguées (c.-à-d. – de 7 jours ; 7 à 14 jours ; + de 22 jours). Cette diminution engendrait une amélioration significative des performances avec une taille d’effet dite “forte” (ES = .59, 95% CI[.26 ; .92], p < .001). La figure ci-dessous résume ce résultat.
Affûtage linéaire vs. par palier vs. progressif
Quand on parle d’affûtage, il existerait 3 formes possible que la diminution de la charge pourrait suivre. D’après la National Strenght and Conditionning Association, l’affutage peut être :
- Linéaire. Alors, la charge d’entraînement est progressivement réduite jour après jour pendant toute la durée de l’affutage (comme si l’on descendait les escaliers).
- Par palier. Alors, la charge d’entraînement est d’abord considérablement réduite (plus de 50 %). Ensuite, il est maintenu à ce niveau sans fluctuation (comme si l’on tombait d’un seul coup sur une marche plus basse et que l’on restait ensuite sur cette marche).
- Progressif. Alors, la charge d’entraînement est réduite d’environ 10 à 15 % immédiatement. Ensuite, des diminutions graduelles progressives sont effectuées. Cette forme est une combinaison des deux types précédentes.
Les résultats montrent qu’un affûtage avec diminution de la charge par paliers n’avait aucun effet, alors qu’un affûtage avec diminution de la charge exponentielle avait un effet positif et significatif sur les performances, de taille dite “modérée” (ES = .30, 95% CI[.16 ; .45], p < .001).
Le tableau ci-dessous résume ces résultats.
Des résultats récemment confirmés
Cette méta-analyse de Bosquet et al. (2007) est une des plus citées sur le sujet. En 2023, Wang et al. ont souhaité réalisé le même travail, en s’intéressant toujours aux sports d’endurance de manière générale. Avec des critères de sélection d’études légèrement différents, ces auteurs ont regroupé 14 études. Ensemble, elles représentent un total de 174 athlètes pratiquant de la course à pied du demi-fond, du fond et même de l’ultra-distance, et du cyclisme.
De manière générale, ces études comparaient des marqueurs de performance obtenus à travers des tests sportifs réalisés une première fois avant une période d’affûtage, puis réalisés à nouveaux après une période d’affûtage. Ainsi, il s’agit des mêmes personnes comparées à elles-mêmes à travers deux situations différentes. Il s’agit du type de comparaison le plus robuste. Les marqueurs de performance pouvaient être le meilleur temps sur une distance donnée, la meilleure durée sur un test type “temps jusqu’à épuisement”, la VO2 max ou encore le coût du déplacement.
Résultats
Tout d’abord, et sans surprise, les résultats ont révélé que les athlètes réalisaient de performances significativement meilleures après une période d’affûtage que avant celle-ci. Ces résultats étaient valable pour le meilleure temps sur une distance données, et sur la meilleure durée avant épuisement. Cependant, VO2 max et le coût du déplacement étaient stables entre avant et après une période d’affutage, ce qui n’est pas vraiment surprenant.
Intensité, volume, fréquence, durée et forme pendant l’affûtage
Concernant les meilleurs méthodes pour réaliser un bon affûtage, leurs résultats sont extrêmement similaires à ceux de Bosquet et al. (2007) :
- Intensité → Le maintien des intensités pendant la période d’affûtage améliorait significativement les performances. Réduire ces dernières entraînait la disparition de ces bénéfices.
- Volume → Les auteurs ont pu comparer 4 diminutions du volume grâce aux études considérées, à savoir -0% à -20% ; -21% à -40% ; -41 à -60% ; et plus de -60%. La seule diminution du volume d’entraînement engendrant une amélioration des performances après affûtage était celle allant de -41% à -60%.
- Fréquence d’entraînement → Une amélioration des performances après affûtage était observées quand la fréquence d’entraînement n’était pas modifiée. Réduire la fréquence entraînerait la disparition des bénéfices.
- Durée de la période d’affûtage → Les auteurs ont pu comparer 4 durée d’affûtage, à savoir inférieur à 7j ; entre 8j et 14j ; entre 15j et 21j ; et supérieur à 22j. À l’exception des périodes de plus de 22j, toutes les autres durées d’affûtage amélioraient significativement les performances. Les durées “entre 8j et 14j” et “entre 15j et 21j” étaient celles qui engendraient les plus grands effets.
- Forme de l’affûtage → Concernant la forme de l’affûtage, les approches “par pallier” et “progressif” avaient tous les deux des effets bénéfiques significatifs sur la performance. Les effets étaient cependant plus fort avec un affutage dit “progressif”.
Faut il augmenter la charge d’entraînement avant l’affûtage ?
Un particularité de cette méta-analyse réside dans l’exploration d’une question supplémentaire par rapport à Bosquet et al. (2007). Wang et al. (2023) ont également voulu évaluer s’il était utile d’augmenter la charge d’entraînement avant la période d’affûtage. Malheureusement, peu d’études se sont intéressées à cette question. Cependant, une première tendance se dessine. Il semblerait qu’en effet, augmenter la charge avant la période d’affûtage engendre des gains encore plus prononcés que ne pas l’augmenter.
Certains travaux parlent d’une augmentation d’environ 25% des intensités moyennes pendant la dernière semaine précédent l’affûtage. D’autres parlent d’une augmentation de 20% à 30% de la charge globale sur la même période. En l’état actuel, peu de preuves sont disponibles, mais il semblerait que pousser un peu la charge vers le haut avant d’entrer dans cette phase soit encore plus bénéfique. Je trouve intéressant de noter qu’en 2012, le Meur et al. donnaient déjà les mêmes recommandations.
Le cas de l’affûtage en trail
Comme nous l’avons dit précédemment, ces méta-analyses regroupent des études qui se sont intéressées à différents sports d’endurance, mais aucune ne portait spécifiquement sur le trail. Comme Guillaume Millet le mentionne dans son dernier ouvrage “Ultra-trail – Plaisir, performance, Santé” (disponible ici, une vraie bible de l’ultra-trail, si vous ne l’avez pas, foncez !) en trail, on tâtonne avec l’affûtage qui n’est pas encore rentré dans les moeurs.
De plus comparativement aux autres sports inclus dans cette méta-analyse, les entraînements en trail ont une particularité, les descentes. Ces dernières induisent des dommages musculaires plus importants que la course à pied, et bien plus importants que le cyclisme et la natation qui sont des sports portés. Je vous en parlais dans cet article.
Quelques exemples
Ces spécificités du trail et de l’ultra-trail sont des raisons qui poussent les entraîneurs de trail, et les chercheurs spécialistes de cette discipline à parfois recommander une durée d’affûtage plus longue que celle mise en avant dans les méta-analyses discutées. Par exemple, dans son ouvrage Guillaume Millet propose un affûtage de 3 à 4 semaines, toujours en maintenant le niveau d’intensité, et en diminuant très légèrement la fréquence des entraînements (de 20% maximum). Deux variantes d’une période d’affûtage sont proposées dans son ouvrage. Je vous invite à consulter ces dernières pour plus d’informations.
Évidemment ces besoins sont à individualiser. À mon sens, le critère n°1 d’adaptation de l’affûtage est la charge d’entraînement. Celle-ci est régulièrement un peu plus élevée chez les athlètes d’ultra-trail que chez ceux de formats plus courts, en grande partie à cause des sorties longues. Aussi, la période d’affûtage d’un coureur de trail court (p. ex. 20 – 30km) sera certainement plus proche de celle d’un coureur de route (p. ex. 2 semaines), alors que celle d’un coureur d’ultra-trail sera certainement plus longue (p. ex. 3-4 semaines). De plus, pendant cette phase d’autres éléments sont importants à gérer comme l’alimentation, par exemple en augmentant ses apports en glucides les derniers jours avant la compétition (plus d’information ici), et le sommeil, en faisant attention à n’avoir aucune dette en sommeil le jour de la course. Ne négligez pas ces autres paramètres.
Nutrition et sommeil pendant l’affûtage
Parallèlement, cette phase n’est pas uniquement un moment de modification de la charge d’entraînement. La gestion du sommeil est de l’alimentation pendant cette période est cruciale. Par exemple, le Meur et al. (2012) soulignent qu’il faut profiter de cette période pour augmenter les apports en glucides, pour optimiser les stocks de glycogène. Ils s’appuient sur des données ayant montré, par exemple, que des cyclistes ayant adopté un régime haut en glucides (~ 78% des apports journaliers par les glucides) pendant les 4 jours avant une compétition, avaient significativement mieux performer que des cyclistes ayant conservés leur régime habituel. Ils expliquent également que durant cette période, la privation de glucides avant une augmentation des apports n’est pas nécessaire.
De même, le Meur et al. (2012) expliquent qu’il faut, pendant l’affûtage, maximiser le sommeil dans une atmosphère sombre, calme, relaxante et fraîche. Les athlètes peuvent également vouloir introduire des siestes, ou des moments de relaxation dans l’apres-midi, de 20 à 30 minutes maximum, afin de récupérer au mieux. Cependant, la nutrition et le sommeil pendant l’affûtage nécessitant des revues de littératures spécifiques, je ne rentrerais pas plus dans les détails ici.
Conclusion – Comment réaliser un bon affûtage en trail ?
En conclusion, l’affûtage est une période clé dans l’entraînement d’un sportif. Elle permet de gommer progressivement la fatigue accumulée pendant l’entraînement, tout en maximisant le niveau de forme. Les résultats des différentes études discutées que les gains maximaux en termes de performances le jour de la compétition sont obtenus avec un affûtage progressif d’une durée de 2 à 3 semaines. Durant celles-ci, le volume d’entraînement devrait être réduit de 41 à 60 %, sans aucune modification de l’intensité ou de la fréquence des entraînements. La semaine précédant la phase d’affûtage peut voir sa charge globale augmenter d’environ 25% pour maximiser les bénéfices. Pour l’exemple, des traileurs et traileuses réalisant un week-end choc avant leur affûtage sont très certainement déjà dans ce cas là.
Aussi, la réponse à la question courante “Quand arrêter de courir avant un trail ?” est JAMAIS. La meilleure technique pour optimiser ses performances le jour J est d’adapter la charge de son entraînement, surtout à travers une diminution du volume d’entraînement, et non de s’arrêter. Les méta-analyses discutées soulignent toutes deux que certaines modalités d’affûtage sont à préférer par rapport à d’autres. Cependant, la plus drastique consistant à s’arrêter complètement de courir (c.-à-d. réduire totalement le volume, l’intensité, et la fréquence) sera délétère à la performance.
Les athlètes devraient également profiter de cette période pour augmenter leurs apports en glucides, et maximiser la qualité de leur sommeil, voire introduire des siestes, pour favoriser les mécanismes de récupération.
Vidéo 1 – Mes explications en vidéo
Vidéo 2 – Mon interview d’un expert, Laurent Bosquet
Références bibliographiques.
• Bosquet, L., Montpetit, J., Arvisais, D., & Mujika, I. (2007). Effects of tapering on performance: a meta-analysis. Medicine & Science in Sports & Exercise, 39(8), 1358-1365. (Lien)
• Le Meur, Y., Hausswirth, C., & Mujika, I. (2012). Tapering for competition: A review. Science & Sports, 27(2), 77-87. (Lien)
• Millet, G. (2022). Ultra-trail: plaisir, performance et santé (2e éd.) Outdoor éd. (Lien)
• Wang, Z., Wang, Y. T., Gao, W., & Zhong, Y. (2023). Effects of tapering on performance in endurance athletes: A systematic review and meta-analysis. Plos one, 18(5), e0282838. (Lien)