Vous vous demandez comment gérer votre allure sur un trail ou un ultra-trail ? Quel est le rôle du pacing dans la performance ? Cet article est pour vous 😉
Gérer son allure en trail et ultra-trail : Le pacing
Qu’est-ce que le pacing ?
En trail et en course à pied, le pacing fait référence à la gestion de l’effort et de l’allure pendant une course. Le terme pacing renvoie donc à la manière dont un ou une athlète gère son allure en fonction de la distance et du terrain. Le but du pacing est de trouver le meilleur équilibre entre vitesse et endurance. En somme, adopter un bon pacing permet de gérer au mieux son effort, et d’optimiser sa vitesse sur chaque portion, sans mettre en péril notre rythme sur les portions à venir. On entend souvent parler de la capacité d’une personne à “lisser l’effort” pour parler du pacing.
Par exemple, un bon pacing sur une course pourrait être reflété par une allure modérée en montée, des relances prudentes sur le plat, et des descentes plus rapides, sans jamais avoir le sentiment d’avoir trop poussé, mais en sentant à l’arrivée qu’il ne nous reste pas beaucoup d’énergie en réserve. À l’inverse, un mauvais pacing pourrait être caractérisé par des montées, des plats ou des descentes trop rapides, obligeant à régulièrement ralentir, car le rythme est trop soutenu. Une gestion d’allure sous-optimale pourrait aussi ressembler à des portions trop lentes, donnant le sentiment qu’on possède encore beaucoup d’énergie à l’arrivée et que nous aurions pu accélérer.
Je vous propose ici une première illustration d’un pacing que je trouve intéressant, la gestion de l’allure de Ludovic Pommeret lors de son UTMB 2023, en comparaison du pacing de Kilian Jornet et Katie Schide sur l’UTMB 2022.
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Illustration de 3 pacing grâce à l’allure ajustée à la pente (Ludovic Pommeret, Katie Schide et Kilian Jornet). On remarque que l’évolution de la vitesse ajustée à la pente de Ludovic est plus stable, plus lisse, que celle de Kilian et Katie qui décroissent nettement. |
Le pacing en trail
Mais comment gérer son allure sur un trail et un ultra-trail n’est pas simple, et la notion de “bon pacing” n’est pas claire. De plus, en trail et comparativement à la route, l’allure est difficile à appréhender. Ces dernières années, l’utilisation de l’allure ajustée à la pente est venu corriger un peu cela, en prenant en compte à minima l’inclinaison des portions dans le calcul de l’allure. Cependant, cette estimation est encore très imparfaite.
De plus, plusieurs questions se posent. Est-ce qu’un pacing “lissé”, c’est-à-dire avec peu de variations d’intensité, est associé à de meilleures performances qu’un pacing avec plus de variations ? Est-ce qu’une certaine prise de risque n’est pas, parfois, nécessaire, pour être performant ? Je vous propose d’explorer ce que la littérature scientifique a dit sur le sujet.
La pacing permet-il de meilleure performance en ultra-trail ?
Une bonne gestion de l’allure en course (c.-à-d. un bon pacing) permettrai d’optimiser la performance. Des études ont montré que sur marathon et sur 100km sur route, les meilleures performances étaient permises par de faibles variations de la vitesse, c’est-à-dire une allure plus constante.
En ultra-trail, le rôle de la gestion de l’allure dans la performance est peu exploré. De plus, des éléments liés au terrain (p. ex. pente, technicité du terrain, obstacles naturels), à la météo (p. ex. pluie) ou encore à l’individu (p. ex. fatigue), rendent impossible de maintenir une allure stable, et imposent des variations.
En 2014, Martin Hoffman a cherché à mieux comprendre le pacing en ultra-trail, et dans quelle mesure ce dernier influence la performance. Pour cela, il a analysé des données réelles recueillies durant 24 ans ! L’objectif de cette étude était d’évaluer le rôle du pacing sur la performance en ultra-trail, avec des données réelles. Cette expérimentation permettra également d’identifier les meilleures stratégies de gestion d’allure en ultra-trail.
Analyser le pacing par le “coefficient de variation”
Entre 1985 et 2013, l’organisation de la Western States Endurance Race a recueilli les allures et les temps de course entre chaque ravitaillement sur les 24 épreuves. Cela a abouti à une division de la course en 10 segments de 16km chacun en moyenne. Sur chacune de ces 24 courses, la vitesse moyenne sur ces 10 segments était récupérée pour les 5 premiers finishers (c.-à-d. top 5 au scratch, soit au total 24 courses x 5 athlètes = 120 participants), et pour le coureur ou la coureuse en-tête à la fin de chaque segment (c.-à-d. “lead-runner”, soit la première personne à arriver au ravitaillemt marquant la fin du segment).
Ces données ont permis de calculer pour chaque coureur un coefficient de variation de l’allure (1), représentant le pacing de l’athlète, soit sa gestion de l’allure. Un haut coefficient reflète beaucoup d’accélérations et de décélérations (c.-à-d. variations d’allure importantes). Un bas coefficient reflète des accélérations et décélérations de plus petites ampleurs (c.-à-d. pas nulles, mais des variations d’allure plus faibles).
(1) formule = écart-type des vitesses segmentaires, divisées par la vitesse moyenne du coureur
Pacing = performance
Les premières analyses ont montré que les vainqueurs ne menaient pas toujours la course aux premiers segments des épreuves. Cependant, ils la menaient généralement autour du 126e kilomètre (c’était le cas dans 19 des 24 courses examinées). Elles ont aussi montré que le coefficient de variation de l’allure était significativement plus faible chez les vainqueurs (en moyenne de 11,9% ± 2,3%), que chez les 4 autres premiers (en moyenne 13,6% ± 2,4% pour les 2e, 15,2% ± 3,1% pour les 3e, 14,9% ± 2,1% pour les 4e, 15,2% ± 3,0% pour les 5e).
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Classement final | Coefficient de variation |
1 | 11.9% (± 2,3%) | |
2 | 13,6% (± 2,4%) | |
3 | 15,2% (± 3,1%) | |
4 | 14,9% (± 2,1%) | |
5 | 15,2% (± 3,0%) |
D’autres analyses ont révélé une corrélation positive et significative entre le coefficient de variation de l’allure et le temps total de course. Au plus ce coefficient était bas (c.-à-d. bon pacing), au plus le temps de course était bas également (c.-à-d. course rapide), et inversement.
Le graphique ci-dessous représente cette corrélation.
Des résultats confirmés en 2020
Il est intéressant de noter que depuis la publication de cette étude, d’autres expérimentations sont venues confirmer ces résultats. Tan et al., (2016) ont comparé 3 groupes de finishers d’un ultra-trail (”tête de peloton” vs. “milieu de peloton” vs. “fin de peloton”). Leurs résultats ont aussi mis en avajnt que les athlètes du groupe “tête de peloton” avec un rythme significativement plus régulier (c.-à-d. un meilleur pacing) que ceux des deux autres groupes.
Similairement, Suter et al., (2020) ont également montré que les personnes avec une allure régulière entre les différents segments de l’UTMB finissaient en moyenne plus rapidement la course que celles avec une allure moins régulière. Une publication dans un journal qui ne reçoit pas de critiques pour ses pratiques prédatrices auraient été préférables, aussi je ne vais pas m’étendre sur cette publication qui pourrait être de (très) faible qualité. Cependant, une étude toute récente, publiée dans Nature (un des journaux les plus réputés) s’est intéressée à la même question, et vu sa qualité à elle, je vous propose qu’on en discute !
Une étude de référence sur le pacing à la Western States 100
Dans la continuité des travaux de Hoffman, une nouvelle étude de grande ampleur a été publiée en 2025, portant sur plus de 3800 finishers de la Western States Endurance Run (WSER) entre 2006 et 2023. Les auteurs ont évalué l’influence de l’âge, du sexe et du niveau de performance sur la stratégie de gestion d’allure (pacing) à partir des vitesses enregistrées à 18 checkpoints répartis sur le parcours.
Ils ont calculé la vitesse moyenne de chaque athlète ainsi que les variations de vitesse à chaque checkpoint par rapport à cette moyenne (checkpoint speed change, CCS). Pour chaque coureur, ils ont ensuite obtenu une valeur représentant la variabilité du pacing. Plus cette valeur est élevée, plus le coureur a alterné accélérations et ralentissements par rapport à sa propre vitesse de course, et inversement.
Un pacing instable, surtout chez les jeunes hommes
Les résultats montrent que le pacing est très variable d’un checkpoint à l’autre, principalement en lien avec le profil d’altitude. Malgré un tracé globalement descendant, les coureurs présentent un pacing globalement positif, c’est-à-dire une tendance à ralentir au fil de la course.

Les hommes commencent plus vite que les femmes et ralentissent davantage en fin d’épreuve. Bien que ces différences entre hommes et femmes soient significatives, elles restent de faible ampleur. Concernant l’âge, les hommes de moins de 30 ans présentent davantage de variabilité dans leur pacing que les plus âgés. Ces différences dans l’âge des athlètes ne se retrouve pas chez les femmes. Enfin les coureurs les plus rapides et les plus lents présentent une variabilité d’allure plus faible que les coureurs intermédiaires. Ce résultat suggère que les coureurs plus expérimentés, et les plus débutants adoptent une stratégie plus régulière, tandis que les coureurs de niveau moyen alternent davantage entre phases rapides et phases plus lentes.
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Résultats Markovic et al., 2025 concernant l’évolution du pacing au cours de la WSER en fonction de l’âge et de la performance finale. |
Cette étude confirme l’intérêt d’une allure régulière pour performer. Elle suggère aussi que les femmes, les coureurs plus âgés et les plus expérimentés et les plus lents, adoptent en général un pacing plus stable, et probablement plus efficient. Ces données rejoignent les résultats précédents. Même si l’environnement impose des variations, la capacité à limiter l’ampleur de ces fluctuations reste un marqueur fort de performance.
Pourquoi le pacing change en trail ?
Des facteurs physiologiques et psychologiques
En 2020, Groslambert (mon invité dans la partie 2, en vidéo ci-dessous) et al. ont cherché à comprendre les facteurs physiologiques et psychologiques influençant les variations de l’allure, c’est-à-dire le pacing, en trail running. Pour ce faire, ils ont mené une étude avec 10 participants.
Les participants devaient réaliser 8 boucles de 5,5 km avec un dénivelé de 190 m +/-, totalisant ainsi 40 km et 1000 m au total. À la fin de chaque boucle, les auteurs mesuraient différents facteurs biomécaniques tels que la fréquence des pas ou les oscillations verticales, la puissance musculaire maximale à l’aide de bref sprint sur tapis, ainsi que des facteurs psychologiques comme la perception de la fatigue et du plaisir. D’autres mesures comme la fréquence cardiaque étaient également relevées.
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Les analyses ont montré tout d’abord que l’allure moyenne changeait significativement entre le premier et le dernier tour. Ensuite, les statistiques ont révélé que deux facteurs étaient significativement associés au pacing. D’une part, lorsque la puissance maximale de course diminuait, le pacing se dégradait. D’autre part, une diminution du plaisir de courir était également associée à une détérioration du pacing. Selon ces auteurs, les changements d’allure en trail sont donc principalement dus à des variations dans les capacités de force et de vitesse musculaire, c’est-à-dire dans la puissance, ainsi que dans le plaisir ressenti lors de l’activité. |
D’autres facteurs
L’expérience
En 2023, Thornton publiait une revue de littérature sur les facteurs pouvant être associés au pacing en ultra-marathon, sur route ou en trail. Un des éléments qu’ils mettent en avant concerne le niveau de l’athlète. En effet, différentes études ont montré que comparativement aux plus expérimentés, les athlètes avec moins d’expérience commencent plus rapidement leur course par rapport à leur vitesse moyenne globale, puis ralentissent.
L’hydratation
En 2011, Lopez et al. ont mené un essai contrôlé randomisé pour voir s’il existait une relation entre l’hydratation en course et la gestion de l’allure. Cette équipe a demandé à 14 coureurs entraînés, d’effectuer une courses de trail de 12 km à la même intensité. Les personnes étaient réparties en deux groupes, un avec une hydratation normale, un en état de déshydratation (c.-à-d. restriction d’eau avant et pendant l’effort). Les résultats de cette étude montrent que la déshydratation ralentit la vitesse de course, et augmente également le stress physiologique.
Cela s’était observé par exemple à travers l’élévation de la température corporelle et les sensations de soif accrue. Ainsi, pour optimiser le pacing, il semble important de s’hydrater suffisamment avant et pendant l’effort. Je vous parle plus en détail de l’hydratation en trail dans cet article du site.
Les conditions environnementales
De manière analogue, en 2008, Ely et al. ont examiné l’effet de la température extérieure sur le pacing de marathoniens de différents niveaux. Leurs analyses ont d’abord montré qu’à des températures “normales”, les meilleurs coureurs (c.-à-d. les 25 premiers) ralentissent peu pendant la course, tandis que les moins bons ralentissent significativement au cours de l’épreuve. En conditions chaudes, les meilleurs coureurs semblent davantage subir la chaleur et voient leurs performances affectées négativement.
À ma connaissance, il s’agit de la seule étude s’étant intéressée à l’effet de la température sur la capacité à maintenir une allure, mais ces résultats sont déjà intéressants. Ils suggèrent qu’en conditions chaudes, il sera peut-être plus difficile de maintenir un effort constant durant une épreuve.
Le profil
Si le pacing est souvent envisagé comme une stratégie individuelle, il dépend aussi fortement des caractéristiques du parcours. L’étude de Knechtle et al. (2025), menée sur plus de 16 000 performances a montré que le dénivelé (plat vs vallonné) et la surface (piste, route, trail) sont les deux variables les plus influentes sur la vitesse de course, devant l’âge et le sexe. Les athlètes courent significativement plus vite sur des parcours plats et des surfaces régulières comme la piste, comparé aux terrains vallonnés ou techniques.
Ces résultats confirment que sur des parcours techniques et vallonnés, maintenir un pacing stable devient plus difficile. L’alternance montée/descente et les irrégularités du terrain imposent des ajustements fréquents qui perturbent la régularité de l’allure. À l’inverse, un parcours plat et homogène favorise une gestion plus fluide de l’effort et de meilleures performances.
La psychologie
À ce jour, plusieurs études ont suggéré que le pacing était largement déterminé par des caractéristiques psychologiques. Groslambert et al. en parlent en 2020, soulignant que la baisse du plaisir pendant la course est associée à un changement dans le pacing. En 2017, Elferink-Gesmer et al. ont publié une grande revue de littérature sur les relations potentielles entre l’auto-contrôle, aussi appelé auto-régulation (c’est-à-dire la capacité générale à se contrôler et à réguler ses comportements), et les capacités de pacing des athlètes. Ils concluent que, malgré le manque de preuves, les relations entre cette caractéristique mentale et la gestion de l’allure sont fortes et méritent plus d’études.
Tucker, en 2009, fait une analyse intéressante du pacing. Selon cet auteur, la gestion de l’allure résulte de plusieurs facteurs, à savoir :
- La durée ou la distance de l’épreuve à fournir.
- La motivation.
- L’intensité perçue à un moment donné.
- Différentes afférences ou retours physiologiques, tels que la fatigue musculaire ou les douleurs.
Avec tous ces éléments en main, le système cognitif d’un individu peut décider de l’intensité à fournir dans l’exercice, donc de l’allure à adopter. À ce jour, les travaux sur les facteurs psychologiques associés au pacing sont cependant rares.
Comment améliorer son pacing en trail et ultra-trail ?
Nous l’avons mentionné précédemment : le meilleur moyen de gérer son allure sur un ultra-trail est de viser la régularité, ou plus précisément de limiter l’ampleur des inévitables variations. En pratique, plusieurs solutions peuvent vous aider à atteindre cette régularité et ainsi obtenir un bon pacing. La plus souvent entendue, mais souvent oubliée, est de ne pas partir trop vite. Un ultra-trail est long et semé d’épreuves ; il est donc essentiel de se préserver au début. Mais est-ce que la littérature confirme l’idée qu’un “départ prudent” est associé à de meilleures performances ? Une étude de 2020 a examiné cette question.
Faut-il partir doucement en ultra-trail ?
En 2020, Matta et ses collègues ont mené une étude afin d’évaluer l’impact d’un départ lent sur la performance, la fatigue perçue et la mécanique de course lors d’une épreuve d’ultra-endurance. Seize coureurs entraînés ont participé à deux courses de 6 heures sur piste, espacées de 4 semaines. La première était auto-rythmée. Lors de la seconde, dix athlètes ont été invités à courir les 36 premières minutes à une vitesse 18 % plus lente que leur allure initiale lors de la première course, avant de pouvoir gérer leur rythme comme ils le souhaitaient.
Des effets sur les sensations, mais moins sur les performances
Les résultats ont montré qu’un départ plus lent n’améliorait pas la performance finale. La distance totale parcourue lors des deux courses était équivalente : 57,5 ± 10,2 km pour la course 1 contre 56,3 ± 8,5 km pour la course 2 (p = 0,298). Ce premier résultats nuance l’idée que se préserver dès le départ permettrait systématiquement une meilleure performance, du moins sur ce format de 6 heures.
En revanche, les analyses montrent une diminution significative de la perception de l’effort et de la fatigue ressentie pour ceux ayant adopté un départ ralenti. Ces deux indicateurs étaient plus bas dans la course 2, en particulier durant la première moitié de l’épreuve pour, je le rappel, une même performance finale. Partir prudemment permet donc d’améliorer certains marqueurs subjectifs pendant l’effort, sans dégrader la performance.
Les résultats ont aussi montré que ni les temps de contact et de vol, ni la longueur ou la fréquence des foulées n’ont été modifiés par l’allure initiale.
Qu’en est-il sur du plus long ?
Mais une limite de cette étude est la durée (6h) du test. Sur du plus long comme de l’ultra-trail, et en extrapolant un peu, les résultats de l’étude de Matta et al. gagnent en importance lorsqu’on les replace dans le cadre du modèle de la chasse d’eau proposé par Guillaume Millet. Ce modèle propose que la perception de l’effort agit comme un flotteur dans un réservoir qui se remplit au fil de l’épreuve. Lorsque ce réservoir déborde, l’exercice devient intolérable et la performance est soit altérée, soit interrompue. Ce “remplissage” est influencé par de multiples facteurs : la fatigue périphérique et centrale, les afférences nociceptives, les conditions environnementales, le sommeil, la nutrition, etc.
Dans cette perspective, le fait que les coureurs ayant adopté un départ plus lent dans l’étude de Matta et al. aient ressenti moins de fatigue et un effort moindre tout au long de la course, peut refléter un remplissage plus lent du réservoir perceptif. Sur du plus long que 6h, peut être que ce remplissage plus lent pourrait se traduire par de meilleures performances.
“Minimiser le stress physiologique”
Une autre approche que je trouve intéressante dans le cadre du pacing découle de la revue de littérature de Thornton (2023). Cette dernière souligne que pour atteindre un bon pacing, il faut chercher à “minimiser le stress physiologique” durant l’épreuve. Pour appuyer cette affirmation, il se base sur une étude qui a comparé deux groupes. Le premier groupe réalisait un épreuve type “meilleur chrono” de 60 minutes avec une augmentation continue de l’intensité, et des variations d’intensité aléatoires comprises entre 0% et 5%. Le deuxième groupe réalisait le même effort, mais avec des variations d’intensité aléatoires allant de 0% à 10%.
Les résultats ont montré que le stress physiologique, mesuré par la consommation d’oxygène, la fréquence cardiaque moyenne, la consommation de glucose, le taux de lactate sanguin et l’épuisement perçu, changeait peu dans le premier groupe avec des variations d’intensité de 5% maximum. En revanche, dans le second groupe, les variations d’intensité ont induit un stress physiologique significativement plus important et une puissance moyenne plus basse.
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Résultats de Lidel et al., 1999 |
Voici quelques méthodes pour limiter ce “stress physiologique”.
Estimation temps en trail : panifier ses temps de passage
Vous pouvez regarder les temps que des personnes aux indices de performance similaires aux vôtres (p. ex. UTMB index, ITRA) ont réalisés sur votre objectif, les années précédentes. Une fois ces temps en tête ; vous vous pouvez diviser votre objectif en le bon nombre de segments (p. ex. nombre de sections séparant deux ravitaillements) ; estimer le temps que vous devriez mettre sur ces segments, et faire votre maximum pour vous y tenir.

Les alertes d’allure et de cardio
En ultra-trail, les alertes d’allure moyenne ne sont pas les plus pertinentes. Par exemple, si votre segment débute par une descente, l’allure moyenne annoncée sera d’abord trop haute. Vous pouvez donc essayer d’avoir votre allure moyenne cible par segment en tête, ou sur un papier, sans programmer d’alerte. Une solution peut être d’utiliser une alerte de fréquence cardiaque. Cette dernière est une bonne représentation de l’effort que vous êtes en train de fournir. Aussi, essayer de ne pas dépasser un maximum, ou de ne pas passer en dessous d’un minimum si vous avez peur de trop vous relâcher par moments, peut être une solution pour vous aider à limiter vos variations d’allure en course.
Autres stratégies
Une dernière stratégie peut être d’utiliser une montre connectée qui propose une stratégie de gestion d’allure. Par exemple, certaines Garmin intègrent la fonction PacePro qui vous propose des allures cibles, en fonction du terrain (trace chargée au préalable dans la montre) et d’un objectif de temps renseigné. Je ne suis pas fan de cette option, mais certains sportifs adorent cette fonctionnalité.
Le conseil du coach
Personnellement, je conseille aux athlètes que j’entraîne (plus d’information ici) de se fier à leurs sensations et à leur fréquence cardiaque et. Elles sont pour moi les meilleurs reflets de l’effort fourni. Cela nécessite de se connaître, et de se tester (p. ex. sur des courses préparatrices, ou des week-ends chocs). Cependant à mon sens, ce sont les stratégies les plus pertinentes. Pour gérer votre allure sur un ultra-trail, viser donc la stabilité, la constance de l’effort, avec la stratégie qui vous convient le mieux 😉
Un modèle large pour comprendre le pacing en trail
En trail long et en ultra, comprendre le pacing est complexe. Le modèle global du pacing (Global Model of Pacing Process) proposé par Baron et ses collègues nous invite à voir le pacing comme un processus de régulation complexe. Le cerveau ajusterai en permanence l’intensité de l’effort en fonction de l’état physiologique, des émotions, de la motivation, du plaisir et de la tolérance à l’inconfort.
Ce modèle repose sur l’idée que l’effort perçu (p. ex. facile ou difficile) ne suffit pas à comprendre l’allure. Il faut aussi intégre la manière dont cet effort est vécu (p. ex. plaisant ou déplaisant). Quand le plaisir diminue et que la difficulté augmente, l’athlète doit choisir. Il peut par exemple ralentir pour retrouver une zone de confort, ou maintenir l’intensité malgré l’inconfort, au prix d’un coût mental et physiologique plus élevé. Ces auteurs appellent cela l’équilibre affectif. Il serait un indicateur central dans le modèle, qui combine effort perçu et plaisir ressenti.
Autour de ce noyau, le modèle intègre aussi la motivation, les objectifs personnels, les facteurs externes (comme la météo ou les adversaires), et la capacité à accepter ses états psychologiques et affectifs internes. La régulation de l’allure passerait donc par une boucle dynamique où chaque décision influence à la fois le corps, l’état émotionnel, et la suite de la course. En somme, le pacing, c’est la capacité à gérer ses ressources physiques, mentales et émotionnelles dans le temps, avec pour objectif non seulement de finir, mais aussi de traverser les moments difficiles sans exploser.
Pour comprendre ce modèle rendez-vous dans la partie 3 de mon épisode avec Bertrand Baron, premier auteur de cette étude et invité du podcast Courir Mieux !
Conclusion – Le pacing en trail et en ultra-trail
Le pacing n’est pas qu’une simple histoire d’allure ou de vitesse. En trail et en ultra-trail, c’est une stratégie de régulation globale. Elle est façonnée par la physiologie, le terrain, la météo, l’expérience, l’hydratation, la psychologie, etc. Bref, par de nombreux facteurs. La littérature récente confirme qu’un pacing plus régulier, c’est-à-dire une gestion de l’allure avec des variations limitées est associé à de meilleures performances. Ces observations se vérifient sur des formats contrôlés ou en compétition réelle comme à la Western States ou à l’UTMB.
Mais cette régularité n’est pas toujours simple à atteindre. Le terrain, le profil, les aléas et la fatigue imposent aussi un rythme. C’est pourquoi mieux se connaître, s’entraîner à percevoir et anticiper les signaux de fatigue, tester différentes stratégies sur le terrain et apprendre à écouter ses sensations plutôt que ses ambitions sont des pistes fondamentales pour progresser. En pratique, cela implique de partir prudemment, de minimiser les pics d’intensité inutiles, et de chercher à stabiliser l’effort tout au long de la course.
Enfin, grâce aux modèles récents comme celui proposé par Bertrand Baron et ses collègues, on comprend que le pacing est aussi, et peut-être avant tout, une affaire de cerveau, d’émotion, et d’équilibre affectif. Apprendre à gérer sa lucidité mentale, à accepter le déplaisir, à rester motivé malgré la fatigue, devient alors un levier aussi puissant que l’entraînement physique.
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Partie 1 – Mes explications
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Partie 2 – Mon interview d’un expert, Alain Groslambert
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Partie 3 – Mon interview d’un (autre) expert, Bertrand Baron
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Références bibliographiques.
• Baron, B., Grappe, F., & Groslambert, A. (2018). The global model of pacing process for long and ultra-long distance. Psychology, 9(14), 2837. (Lien).
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• Ely, M. R., Martin, D. E., Cheuvront, S. N., & Montain, S. J. (2008). Effect of ambient temperature on marathon pacing is dependent on runner ability. Medicine & Science in Sports & Exercise, 40(9), 1675-1680. (Lien).
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• Lopez, R. M., Casa, D. J., Jensen, K. A., DeMartini, J. K., Pagnotta, K. D., Ruiz, R. C., … & Maresh, C. M. (2011). Examining the influence of hydration status on physiological responses and running speed during trail running in the heat with controlled exercise intensity. The Journal of Strength & Conditioning Research, 25(11), 2944-2954. (Lien).
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