Comment gérer son allure sur un ultra-trail ?Temps de lecture estimé : 6 minutes

Gérer son allure en ultra-trail.

Vous vous demandez comment gérer votre allure sur un ultra-trail ? Cet article est pour vous 😉

En trail, le pacing fait référence à la gestion de l’effort et de l’allure durant une course. Le terme pacing renvoie donc à la manière dont un ou une athlète gère son allure en fonction de la distance et du terrain. Le but du pacing est de trouver le meilleur équilibre entre vitesse et endurance. En somme, adopter un bon pacing permet de gérer au mieux son effort, et d’optimiser sa vitesse sur chaque portion, sans mettre en péril notre rythme sur les portions à venir.

Par exemple, un bon pacing sur une course pourrait être reflété par une allure modérée en montée, des relances prudentes sur le plat, et des descentes plus rapides, sans jamais avoir le sentiment d’avoir trop poussé, mais en sentant à l’arrivée qu’il ne nous reste pas beaucoup d’énergie en réserve. À l’inverse, un mauvais pacing pourrait être caractérisé par des montées, des plats ou des descentes trop rapides, obligeant à régulièrement ralentir, car le rythme est trop soutenu ; ou trop lentes, donnant le sentiment qu’on possède encore beaucoup d’énergie à l’arrivée et que nous aurions pu accélérer.

Mais comment gérer son allure sur un trail et un ultra-trail n’est pas simple, et la notion de “bon pacing” n’est pas claire. De plus, en trail et comparativement à la route, l’allure est difficile à appréhender. Cette dernière dépend de la pente qui elle change en permanence.

En 2014, Martin Hoffman a cherché à mieux comprendre le pacing en ultra-trail, et dans quelle mesure ce dernier influence la performance, en analysant des données réelles recueillies durant 24 ans ! Voyons cet article de plus près !

 

Article discuté – Gestion de l’allure chez les meilleurs d’un ultra-trail de 161 km.

Introduction.

Une bonne gestion de l’allure en course (c.-à-d. un bon pacing) permet d’optimiser la performance. Sur route, des études ont montré que sur marathon et sur 100km, les meilleures performances étaient permises par de faibles variations de la vitesse, c’est-à-dire une allure plus constante, comparativement aux moins bonnes performances.

En ultra-trail, le rôle de la gestion de l’allure dans la performance est méconnu. De plus, des éléments liés au terrain (p. ex. pente, technicité du terrain, obstacles naturels), à la météo (p. ex. pluie) ou encore à l’individu (p. ex. fatigue), rendent impossible de maintenir une allure stable, et imposent des variations de celle-ci plus grande que sur route.

L’objectif de cette étude est d’évaluer le rôle de la gestion de l’allure sur la performance en ultra-trail, avec des données réelles. Cette expérimentation permettra également d’identifier les meilleures stratégies de gestion d’allure en ultra-trail.

 

Méthode.

 

Récupération des données.

Entre 1985 et 2013, l’organisation de la Western States Endurance Race a recueilli les données par segment (c.-à-d. entre chaque ravitaillement) et de temps de course total de 24 courses. Plus précisément, sur ces 24 courses, les temps segmentaires récupérés concernaient les segments 0~27km, 27~48km, 48~70km, 70~77km, 77~90km, 90~100km, 100~126km, 126~137km, 137~150 km, et enfin 150~161 km. Le temps total de course était également enregistré.

 

Calcul du coefficient de variation de l’allure.

Pour chacune de ces 24 courses, la vitesse moyenne sur ces 10 segments était récupérée pour les 5 premiers finishers (c.-à-d. top 5 au scratch, soit au total 24 courses x 5 athlètes = 120 participants), et pour le coureur ou la coureuse en-tête à la fin de chaque segment (c.-à-d. “lead-runner”, soit la première personne à arriver au ravitaillemenmarquant la fin du segment).

Ces différentes vitesses ont permis de calculer pour chaque coureur un coefficient de variation de l’allure (1), représentant le pacing de l’athlète, soit sa gestion de l’allure. Un haut coefficient équivaudrait à beaucoup d’accélérations et de décélérations (c.-à-d. variations d’allure importantes). Un bas coefficient refléterait peu d’accélérations et de décélérations (c.-à-d. variations d’allure faibles).

(1) formule = écart-type des vitesses segmentaires, divisées par la vitesse moyenne du coureur

 

Résultats.

Les auteurs ont comparé statistiquement les coefficients de variation de l’allure entre les coureurs (c.-à-d. coefficient de variation du 1er vs. celui du 2e vs. celui du 3e, etc). Ils ont également testé si ce coefficient était corrélé à la vitesse de course totale. Cette deuxième analyse permet de tester si les finishers les plus rapides sont ceux qui accélèrent et décelèrent le plus (c.-à-d. coefficient de variation de l’allure élevé), ou plutôt ceux qui sont le plus constants (c.-à-d. coefficient de variation de l’allure bas).

 

Différences dans les vitesses segmentaires et le coefficient de variation d’allure.

Les premières analyses ont montré que les vainqueurs ne menaient pas toujours la course dans les premiers segments (c.-à-d. vitesse segmentaire plus basse). Cependant, ils la menaient généralement autour du 126e kilomètre (c’était le cas dans 19 des 24 courses examinées).

Elles ont aussi montré que le coefficient de variation de l’allure était significativement plus faible chez les vainqueurs (en moyenne de 11,9% ± 2,3%), que pour les 4 autres premiers (en moyenne 13,6% ± 2,4% pour les 2e, 15,2% ± 3,1% pour les 3e, 14,9% ± 2,1% pour les 4e, 15,2% ± 3,0% pour les 5e).

 

Relation entre le coefficient de variation d’allure et le temps total de course.

Les analyses ont révélé une corrélation positive et significative entre le coefficient de variation de l’allure et le temps total de course. Plus précisément, au plus ce coefficient était bas (c.-à-d. peu de variations d’allure durant la course), au plus le temps de course était bas également (c.-à-d. course rapide), et inversement.

Le graphique ci-dessous représente cette corrélation.

Graphique représentant la corrélation positive entre le coefficient de variation de l’allure et le temps total de course

 

Conclusion, comment gérer son allure sur un ultra-trail ?

En conclusion, cette étude suggère que la meilleure façon de gérer son allure (c.-à-d. la meilleure stratégie de pacing) sur un ultra-trail est de limiter au maximum les variations de vitesses moyennes importantes entre les segments de la course. En d’autres termes, pour bien gérer son allure sur un ultra-trail, il faudrait, lors de la planification de notre course, imaginer des stratégies qui nous permettraient de surveiller et limiter les variations importantes de vitesse moyenne segmentaire (c.-à-d. vitesse moyenne sur les différentes portions séparant deux ravitaillements).

Il est intéressant de noter que depuis la publication de cette étude, d’autres expérimentations sont venues confirmer ces résultats. Tan et al., (2016) ont comparé 3 groupes de finishers d’un ultra-trail (”tête de peloton” vs. “milieu de peloton” vs. “fin de peloton”). Leurs résultats ont aussi mis en exergue que les athlètes du groupe “tête de peloton” avec un rythme significativement plus régulier (c.-à-d. un meilleur pacing) que ceux des deux autres groupes.

Similairement, Suter et al., (2020) ont également montré que les personnes avec une allure régulière entre les différents segments de l’UTMB finissaient en moyenne plus rapidement la course que celles avec une allure moins régulière. Attention cependant, cet article a été publié dans une revue dite “prédatrice” (c.-à-d. aux pratiques scientifiques douteuses et manquant de rigueur). Aussi, cette dernière pourrait être de faible qualité.

 

Comment faire, en pratique ?

Nous l’avons dit juste avant, le meilleur moyen de gérer son allure sur un ultra-trail est de viser la régularité. En pratique, plusieurs solutions peuvent vous aider à atteindre cette régularité, et ainsi avoir un bon pacing. La plus élémentaire, mais souvent oubliée, est de ne pas partir trop vite ! Un ultra-trail est long, beaucoup d’épreuves vous attendent, préservez-vous au début. Mais nous pouvons aller plus loin.

 

Comparaison aux autres et planification.

Vous pouvez regarder les temps que des personnes aux indices de performance similaires aux vôtres (p. ex. UTMB index, ITRA) ont réalisés sur votre objectif, les années précédentes. Une fune fois ces temps en tête ; vous vous pouvez diviser votre objectif en le bon nombre de segments (p. ex. nombre de sections séparant deux ravitaillements) ; estimer le temps que vous devriez mettre sur ces segments, et faire votre maximum pour vous y tenir.

 

Les alertes d’allure.

En ultra-trail, les alertes d’allure moyenne ne sont pas les plus pertinentes. Par exemple, si votre segment débute par une descente, l’allure moyenne annoncée sera d’abord trop haute. Vous pouvez donc essayer d’avoir votre allure moyenne cible par segment en tête, ou sur un papier, sans programmer d’alerte. Une solution peut être d’utiliser une alerte de fréquence cardiaque. Cette dernière est une bonne représentation de l’effort que vous êtes en train de fournir. Aussi, essayer de ne pas dépasser un maximum, ou de ne pas passer en dessous d’un minimum si vous avez peur de trop vous relâcher par moments, peut être une solution pour vous aider à limiter vos variations d’allure en course.

 

Autres stratégies.

Une dernière stratégie peut être d’utiliser une montre connectée qui propose une stratégie de gestion d’allure. Par exemple, certaines Garmin intègrent la fonction PacePro qui vous propose des allures cibles, en fonction du terrain (trace chargée au préalable dans la montre) et d’un objectif de temps renseigné. Je ne suis pas fan de cette option, mais certains sportifs adorent cette fonctionnalité.

 

Le conseil du coach.

Personnellement, je conseille aux athlètes que j’entraîne (plus d’information ici) de se fier à leur fréquence cardiaque et à leurs sensations. Elles sont pour moi les meilleurs reflets de l’effort fourni. Cela nécessite de se connaître, et de se tester (p. ex. sur des courses préparatrices, ou des week-ends chocs). Cependant à mon sens, ce sont les stratégies les plus pertinentes. Pour gérer votre allure sur un ultra-trail, viser donc la stabilité, la constance de l’effort, avec la stratégie qui vous convient le mieux 😉

 

Références bibliographiques.

Hoffman, M. D. (2014). Pacing by winners of a 161-km mountain ultramarathon. International journal of sports physiology and performance9(6), 1054-1056. (Lien)

Tan, P. L., Tan, F. H., & Bosch, A. N. (2016). Similarities and differences in pacing patterns in a 161-km and 101-km ultra-distance road race. Journal of strength and conditioning research30(8), 2145-2155. (Lien)

Suter, D., Sousa, C. V., Hill, L., Scheer, V., Nikolaidis, P. T., & Knechtle, B. (2020). Even pacing is associated with faster finishing times in ultramarathon distance trail running—the “ultra-trail du Mont Blanc” 2008–2019. International journal of environmental research and public health17(19), 7074.

 

Cyril Forestier

Trailer passionné 🏃🏻‍♂️ et docteur en science du mouvement humain (STAPS) 👨‍🔬 , je décrypte la littérature scientifique pour mieux comprendre notre pratique. Je rédige des articles afin de vulgariser des études, de vous partager mes tests matériels ou encore de vous communiquer ce qui me motive, tout ça dans le but de courir mieux ! Des réponses à vos questions se trouvent surement dans mes articles 😉.

 cyrilinthemountains@gmail.com

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