Régime cétogène en trail : utile pour performer ?Temps de lecture estimé : 17 minutes

Vous voulez savoir si le régime cétogène améliore les performances en trail ? S’il est efficace pour favoriser les performances en endurance en général ? Cet article est pour vous 😉 !

Le régime cétogène, c’est quoi ?

Le régime cétogène, également connu sous le nom de régime keto, ou “low-carb high-fat” (LCHF) est devenu très populaire ces dernières années. Ce régime consiste à éliminer au maximum les glucides (comme les féculents), au profit des lipides et des protéines. Cette démarche provoquerait un état de cétose dans le corps, c’est-à-dire une production accrue de corps cétoniques, qui serviront de carburant pour le corps et le cerveau, et remplaceront les glucides.

Le régime cétogène est souvent avancé comme un moyen, presque miracle, pour améliorer plein de choses, dont les performances en endurance. Par exemple, une marque avance que le régime cétogène permet par exemple “une source d’énergie presque infinie, entre 50.000 et 100.000 kcal sans rien ingérer” ; “une glycémie stable et aucune hypoglycémie” ; ou encore “la fin de troubles digestifs”. Mais que dit la science ? Les données scientifiques disponibles soutiennent-elles vraiment ces propos ? Régime cétogène, info ou intox ?

 

Sélection des articles type “regime cetogene avant apres”

Heureusement, il existe quelques études de type “régime cétogène avant après” qui nous permettent de discuter de son efficacité. Dans cet article, j’ai décidé de ne pas de choisir un seul article, mais plutôt de résumer plusieurs articles trouvés dans la littérature qui me semblent intéressants. Plus précisément, j’ai utilisé les mots-clés ci-dessous dans la base de données d’article scientifique certainement la plus connue, PubMed. J’ai ensuite sélectionné des études qui me semblaient robustes.

Mots-clés utilisés sur PubMed

Low carb” (c.-à-d. “peu de glucides”) OU

High fat” (c.-à-d. “beaucoup de gras”) OU

Ketogenic” (c.-à-d. “cétogène”) OU

Keto” (abréviation de “céto”)

ET

Endurance” OU

Running” OU

Trail” OU

Performance

 

De nombreux articles sont ressortis de cette recherche. Ma démarche a donc été la suivante :

1️⃣ Sélectionner en premier les études avec le plus haut niveau de preuves scientifiques, c’est-à-dire les méta-analyses et les revues systématiques (vous trouverez une explication de pourquoi les méta-analyses et les revues systématiques sont au sommet des preuves scientifiques ici)

2️⃣ Sélectionner une / des étude(s) interventionnelle(s) apportant de l’information complémentaire aux méta-analyses et revues de littérature précédemment sélectionnées

3️⃣ Enfin, sélectionner des études supplémentaires apportant de l’information supplémentaire

Tout cela m’a amené à identifier 6 études pertinentes, que je vulgarise ici pour mieux comprendre les bénéfices et inconvénients du régime cétogène pour la performance en endurance.

PS : Ci-dessous je vous décortique 6 articles différents. Aussi, pour ne pas rendre cet article indigeste, j’ai fait le choix d’une présentation rapide pour chaque étude, avec uniquement des informations clés. N’hésitez pas à aller voir ce que ces papiers disent en détail pour plus d’informations, ou contactez-moi 🙂.

 

Etude 1 – Cao et al., 2021 – Méta-analyse

Résumé de l’article.

Introduction.

Cette étude s’est intéressée aux effets du régime cétogène (c.-à-d. pauvre en glucides et riche en lipides) sur la capacité aérobie et les performances physiques des athlètes d’endurance. Plus précisément, les auteurs ont agrégé méta-analytiquement plusieurs études présentes dans la littérature. Après une recherche sur 5 bases de données scientifique, en accord avec les directives PRISMA (“gold-standard” des méthodes à suivre pour réaliser une méta-analyse), les auteurs ont identifié 10 études robustes à considérer.

Méthode.

Ces études investiguent les effets d’un régime cétogène sur la VO2 max, la vitesse de course, la FC max, le ratio d’échange respiratoire (RER en anglais, reflet de l’oxydation de certains substrats vs. d’autres, p.ex. glucides vs. lipides) et la perception d’effort (RPE en anglais). Elles comparaient un ou plusieurs de ces marqueurs entre un groupe ayant adopté un régime cétogène, vs. un groupe recevant un régime “contrôle”, c’est-à-dire riche en glucides ou habituel. Les régimes cétogènes étaient composés de ≤10 % de glucides et de ≥60 % de lipides. Les régimes “contrôles” étaient composés de ≥40 % de CHO et de ≤40 % de graisses. Les deux régimes devaient atteindre les mêmes apports caloriques journaliers. La plupart des interventions duraient 2 à 6 semaines.

Résultats.

Les analyses n’ont révélé aucune différence significative entre les deux régimes sur les marqueurs VO2max (différence moyenne standardisée : -.06, 95%CI [-.36, .25], p = .72, faible hétérogénéité) ; vitesse de course (différence moyenne standardisée : -0.13, 95%CI [-.66, .40], p = .64, faible hétérogénéité) ; fréquence cardiaque maximale (différence moyenne standardisée : -.14, 95%CI [-.35, .63], p = .58, forte hétérogénéité) ; et perception d’effort (différence moyenne standardisée : .14, 95%CI [-.58, .86], p = .58, forte hétérogénéité). Elles ont révélé une différence significative pour le marqueur ratio d’échange respiratoire en faveur des groupes “régime cétogène” (différence moyenne standardisée : -1.81, 95%CI [-2.49, -1.13], p <.001 ., forte hétérogénéité). Ce résultat suggère que les athlètes des groupes “régime cétogène” utilisaient mieux les lipides que celles et ceux du groupe “contrôle”. Cependant, cette meilleure utilisation de ce substrat ne se traduisait pas par de meilleures performances objectives.

Graphique VO2 max Nutrients 13 02896 g003 550
Graphique vitesse de course Nutrients 13 02896 g004 550
Graphique fréquence cardiaque maximale Nutrients 13 02896 g005 550
Graphique RPE Nutrients 13 02896 g007 550
Graphique ratio d’échange respiratoire Nutrients 13 02896 g006 550

Conclusion.

❌ Bien que l’adoption d’un régime cétogène semble améliorer la capacité à oxyder les lipides, cette méta-analyse montre que ce dernier ne semble pas améliorer des marqueurs de performance aérobie comme la VO2 max, la vitesse de course, la fréquence cardiaque maximale, ou encore la perception de l’effort.

 

Etude 2 – Erlenbusch et al., 2005 – Méta-analyse

Résumé de l’article.

Introduction.

L’objectif de cette étude était de clarifier par le biais d’une méta-analyse, si la littérature penche plutôt en faveur d’un régime riche en lipides, ou d’un régime riche en glucides, pour favoriser de hautes performances en endurance. Pour cela, les auteurs ont agrégé 20 études qui comparaient les performances en endurance sous différents régimes alimentaires.

Méthode.

Les études incluses devaient considérer qu’un régime “riche en lipides” était un régime avec minimum 30 % des apports journaliers sous forme de lipides ; et qu’un régime “riche en glucides” était un régime avec un minimum de 50% des apports journaliers sous forme de glucides. Elles devaient également considérer qu’un effort en endurance était un effort entre 60 % et 90 % de VO2max, car cela correspond au niveau typique d’une compétition d’endurance. Les interventions devaient proposer une période d’adaptation alimentaire minimum de 3 jours. Seuls les études sur le cyclisme et la course à pied étaient retenues.

20 études ont été considérées. La majorité des essais recrutait des participants entraînés. La période moyenne de modification de l’alimentation était de 13,0 (± 12,0 jours, min = 3 jours, max = 49 jours). Les régimes alimentaires “riches en lipides” étaient constitués en moyenne de 48% de lipides (± 16%) et 32% de glucides (± 20%). Les régimes alimentaires “riches en glucides” étaient constitués en moyenne de 70% de glucides (± 8%) et 17% de lipides (± 7%). Pour mesurer la performance, 9 études ont utilisé un test sur tapis roulant et 11 un test sur cycloergomètre. L’intensité moyenne des tests était de 78% VO2max ± 8%. Le score de qualité moyen de toutes les études était de 3,9 / 5 (± 0,7).

Résultats.

Le tableau ci-dessous résume les résultats descriptifs. On remarque que ces derniers penchent en faveur de meilleures performances dans les groupes de régime “riche en glucides”.

Type de régime
Régime “riche en glucides”  Régime “riche en lipides”
Marqueur de performance Temps moyen jusqu’à l’épuisement (n = 15) 68,6 minutes
(± 55,5 minutes)
56,8 minutes
(± 43,0 minutes)
Distance max en contre la montre (n = 2) 27,4 km
(± 1,3 km)
42,4
(± 2,8 km)
Temps max en contre la montre (n = 3) 70,1 minutes
(± 50,1 min)
69,6 minutes
(± 52,7 min)

Les analyses statistiques ont révélé que toutes études confondues, la taille de l’effet des régimes sur le marqueur de performance “temps jusqu’à épuisement” était de d = -0,60. Cela signifie un effet modéré en faveur des régimes “riches en glucides”, plutôt que des régimes “riches en lipides”, pour favoriser la performance en endurance. En pourcentage, cet effet correspond à un temps jusqu’à l’épuisement en moyenne supérieur de 8,4% (± 3,7 %) pour les régimes “riches en glucides” vs. “riche en lipides”. Cet effet moyen était plus marqué chez les sportifs non entraînés que ceux entraînés, mais allait dans la même direction chez ces 2 sous-échantillons.

 

Conclusion.

❌ Cette méta-analyse montre que la performance d’endurance est plutôt améliorée après l’adoption d’un régime riche en glucides, plutôt qu’après celle d’un régime riche en lipides. Le statut d’entraînement (c.-à-d. entraînés vs. non-entraînés) est la seule variable modératrice de cet effet, avec un effet plus marqué chez les non entraînés que les entraînés, mais dans la même direction au sein de ces 2 sous-échantillons.

Etude 3 – Shaw et al., 2019 – Essai contrôlé randomisé

Résumé de l’article.

Introduction.

Durant un effort d’endurance sous-maximal continu (>3-4 heures), la fatigue serait associée à l’épuisement des réserves de glycogène musculaire et hépatique, et à l’incapacité à maintenir un taux d’oxydation des glucides élevés. Diverses stratégies nutritionnelles ont été proposées pour préserver les réserves limitées de glycogène (~700 g), et optimiser l’alimentation en compétition. Contrastant avec les recommandations habituelles pour les athlètes d’endurance (voir cet article du blog), le régime cétogène (c.-à-d. faible en glucides, riche en lipides) a été proposé pour favoriser les performances en endurance. Il permettrait aux athlètes, après une phase d’adaptation (classiquement de 3 à 4 semaines), de mieux utiliser les lipides, et de moins dépendre des stocks de glycogènes. Pour tester cette hypothèse, cet essai contrôlé randomisé a étudié l’effet d’un régime cétogène de 31 jours sur les performances en endurance sous-maximales d’athlètes entraînés.

Méthode.

Les auteurs ont recrutés 8 participants, répartis en 2 groupes (régime habituel vs. régime cétogène) qui répondaient aux critères d’inclusion, et pas à ceux d’exclusion, présentés ci-dessous.

Critères d’inclusion Critères d’exclusion
Consommer habituellement un régime mixte depuis au moins 12 mois Antécédents d’utilisation du régime cétogène
Poids stable depuis au moins 1 mois Utilisation de suppléments en cétones
Courir minimum 50 km par semaine Symptômes ou des maladies gastro-intestinales modérées à sévères au cours des 4 semaines précédentes
Courir un marathon en minimum 3h30 Syndrome du côlon irritable
Fumeur
Utilisation de compléments alimentaires ou des médicaments connus pour avoir un effet sur les performances au cours des 2 semaines précédentes

Les personnes du groupe “régime cétogène” couvraient leurs apports journaliers avec maximum 50 grammes de glucides, 15%-20% des apports restants en protéines et 75%-80% de ces derniers en lipides. Ceux du groupe contrôle mangeaient un régime varié classique. Les auteurs mesuraient de nombreux paramètres de performance, d’alimentation, d’efficience à l’effort avant, pendant et/ou après l’intervention.

Résultats.

Tous les résultats détaillés sont dans l’article cité. Vous trouverez ci-dessous un résumé de résultats que j’ai trouvé pertinents.

Marqueur mesuré Moments de mesures par rapport à l’intervention de 31 jours Résultats
 Poids  Avant et après  Diminution significative dans le groupe “régime cétogène”
 Apports journaliers – calories  Pendant  Pas de différence significative
 Apports journaliers – protéines  Pendant  Pas de différence significative
 Apports journaliers – glucides  Pendant  Diminution significative dans le groupe “régime cétogène”.

Pas de différence dans le groupe “régime habituel”

 Apports journaliers – lipides  Pendant  Augmentation significative dans le groupe “régime cétogène”.

Pas de différence dans le groupe “régime habituel”

 VO2 max  Avant et après  Diminution significative dans le groupe “régime cétogène”.

Pas de différence dans le groupe “régime habituel”

 Seuil ventilatoire 2  Avant et après  Pas de différence significative
 Fréquence cardiaque maximale  Avant et après  Pas de différence significative
 Fréquence cardiaque pendant le  test jusqu’à épuisement  Avant et après  Augmentation significative dans le groupe “régime cétogène”.

Pas de différence dans le groupe “régime habituel”

 Effort perçu  Avant et après  Pas de différence significative
 Rapport d’échange respiratoire*  Avant et après  Dégradation significative dans le groupe “régime cétogène”.

Pas de différence dans le groupe “régime habituel”

 Fat max**  Avant et après  Augmentation significative dans le groupe “régime cétogène”.

Pas de différence dans le groupe “régime habituel”

 Temps et distance jusqu’à épuisement  Avant et après  Pas de différence significative. Descriptivement,  dégradation dans le groupe “régime cétogène”, et amélioration dans le groupe “régime habituel”

Comparaisons avant-après :

  • Régime habituel ➡️ 112 à 263 min vs. 211 à 252 min ;
  • Régime cétogène ➡️ 223 à 254 min vs. 188 à 250 min ;
  • Régime habituel ➡️ 45,8 à 56,4 km vs. 45,7 à 53,7 km ;
  • Régime cétogène ➡️ 47,8 à 54,6 km vs. 40,5 à 53,1 km min

*Rapport entre la production métabolique de dioxyde de carbone et l’absorption d’oxygène.
**Quantité maximale de graisse qu’un athlète peut “brûler” par heure.

Conclusion.

❌ D’après les auteurs, l’adoption d’un régime cétogène pendant 31 jours a diminué les performances en endurance et l’efficience à l’exercice, en particulier lors d’efforts supérieurs à 70% de la VO2max, comme en témoigne entre autres l’augmentation de la dépense énergétique et de l’absorption d’oxygène pour un niveau d’effort donné. Cependant, l’efficacité de l’exercice n’a pas diminué dans le groupe “cétogène” pour des efforts inférieurs à 60% de la VO2max. En conclusion, les auteurs considèrent que d’après les résultats, il y aurait un “risque de diminution des performances en endurance au niveau individuel” avec l’adoption d’un régime cétogène.

 

Etude 4 – Bailey et Hennessy, 2020 – Une revue de littérature

Résumé de l’article.

Introduction.

La littérature a démontré plusieurs fois qu’un régime riche en glucides améliorerait les performances d’endurance, alors qu’un riche en lipides réduirait ces performances, bien qu’il augmenterait les capacités d’oxydation des graisses. Malgré les recommandations incitant les athlètes à consommer des glucides pendant l’effort, il a été proposé que les contraintes biologiques du stockage des glucides limiteraient les performances sur des épreuves de longues durées. Les glucides sont principalement stockés sous forme de glycogène musculaire (300g) ou hépatique (90g), et s’ajoutent au glucose sanguin (30g)*. Ensemble, ils représenteraient environ 1680kcal d’énergie disponible à partir des glucides. Les athlètes d’endurance doivent donc apporter du glucose pendant l’effort. Pour palier au problème de la quantité disponible de glycogène et glucose, le régime cétogène a été proposé. Il réduirait la dépendance aux glucides via la cétose (c.-à-d. vulgairement l’utilisation des lipides comme carburant), et induirait des résultats bénéfiques sur les performances en endurance. Cependant, à la connaissance des auteurs il n’existe pas de revue systématique soutenant ces bénéfices supposés. Cette étude caractérise la nature et l’étendue des preuves scientifiques disponibles pour répondre à cette hypothèse.

*Ces doses de glycogène hépatique, musculaire, et de glucose sanguin, sont discutées, et ces valeurs ne font pas forcément consensus.

Méthode.

Les auteurs ont effectué une recherche d’article sur deux des bases de données les plus connues (Web of Science et Pubmed). Après un processus de sélection en plusieurs étapes, les auteurs ont identifié 7 articles éligibles : 6 essais prospectifs (n = 1 étude croisée randomisée, n = 3 essais non randomisés, n = 2 pré-post-tests) et une étude de cas. Ces études testaient l’effet de l’adoption d’une alimentation cétogène vs. un groupe contrôle, sur la VO2 max (c.-à-d. marqueur de performance d’intérêt principal pour ces auteurs). Les auteurs récupéraient également des marqueurs secondaires de performance qui pouvaient éventuellement être mesurées.

Résultats.

Toutes études combinées, les effets de l’adoption du régime cétogène sur la VO2 max  étaient mitigés : 2 études ont rapporté des augmentations significatives du VO2 max pour tous les régimes, et 4 n’ont pas rapporté de résultats significatifs du VO2 max. Aucune étude n’a rapporté une amélioration spécifique au régime cétogène.

Concernant les marqueurs secondaires de performance, les résultats étaient aussi mitigés : 4 études n’ont trouvé aucune différence significative entre les groupes, 3 études ont identifié une baisse de performance uniquement dans le groupe “régime cétogène” , 1 étude a identifié une amélioration des performances uniquement dans le groupe contrôle (c.-à-d. régime habituel, ou riche en glucides), 1 étude a identifié une amélioration des performances dans le groupe “régime cétogène », et une diminution dans celui “habituel”. En résumé, une seule étude a montré une amélioration d’un marqueur de performance. Les autres n’ont identifié soit aucune différence, soit une dégradation des performances dans les groupes “régime cétogène”.

Le tableau ci-dessous résume ces résultats.

Étude Résultat sur la VO2 max Résultat sur un marqueur secondaire
 Carr et al., 2018  Augmentation significative dans les 2 groupes
 Burke et al., 2017  Augmentation significative dans les 2 groupes  Amélioration significative dans le groupe “contrôle”, dégradation non significative dans le groupe “régime cétogène” (marqueur = temps de course)

 McSwiney et al., 2018

 Pas de différence significative  Amélioration significative dans le groupe “cétogène”, dégradation significative dans le groupe “contrôle” (marqueur = puissance pic)
 Shaw et al., 2019  Pas de différence significative  Pas de différence significative (marqueur = temps jusqu’à épuisement)

 Phinney et al., 1983

 Pas de différence significative  Pas de différence significative (marqueur = temps jusqu’à épuisement)

 Heatherly et al., 2018

 Données inutilisables
 Zinn et al., 2017  Pas de différence significative  Diminution significative dans le groupe “régime cétogène” (marqueur = temps jusqu’à épuisement)

Diminution significative dans le groupe “régime cétogène” (marqueur = puissance pic)

 

Conclusion.

🤷🏻‍♂️ Malgré la popularité du régime cétogène comme aide ergogénique (c.-à-d. “améliorant les performances sportives”), cette revue fournit des preuves que l’adoption de ce dernier produit des résultats mitigés en termes de performances d’endurance, lorsqu’on le compare à un régime riche en glucides. Précisément, presque aucune évidence scientifique ne soutient l’hypothèse selon laquelle un régime cétogène aurait un effet mélioratif sur des marqueurs de la performance en endurance. Les résultats soulignent plutôt l’efficacité d’un régime habituel équilibré ou riche en glucides.

 

Etude 5 – Skovbro et al, 2011 – Un essai contrôlé randomisé

Résumé de l’article.

Introduction.

L’adaptation métabolique à un régime riche en lipides entraîne une oxydation plus importante des graisses au repos et à l’exercice. Cependant, une habituation à un tel régime entraîne également une diminution du stockage du glycogène, et de la capacité à oxyder les glucides. Les conséquences d’une adaptation à un tel régime pourraient dérégler l’expression de certains gènes (p. ex. PGC-1a et -B) responsables des adaptations  mitochondriales, c’est-à-dire l’adaptation à l’entraînement des éléments présents dans le muscle fournissant l’énergie nécessaire à ces derniers pour la contraction . Ces gênes permettant l’adaptation à l’entraînement, et donc l’amélioration des performances en endurance, ces auteurs formulent l’hypothèse que l’habituation au régime cétogène pourrait diminuer les capacités d’un individu à s’adapter aux entraînements en endurance, par le biais d’adaptations mitochondriales à l’exercice dégradées.

Méthode.

Cette étude a inclus 21 hommes en bonne santé sans antécédents de diabète ou de troubles endocriniens. Ils ne prenaient pas de médicaments, ne fumaient pas et n’avaient pas suivi d’entraînement physique structuré (c.-à-d. entraînement autonome). Avant et après l’intervention diététique, leur composition corporelle et leur consommation maximale d’oxygène ont été mesurées. Leur taux métabolique basal a également été estimé.

Les participants rapportaient leur alimentation pendant 4 jours avant l’intervention pour vérifier que cette dernière était équilibrée. Ils ont ensuite été aléatoirement répartis dans le groupe “contrôle” (c.-à-d. régime habituel) ou “régime cétogène”. Plus précisément, les personnes du groupe “régime habituel” devaient combler leurs besoins énergétiques avec 25 à 35% de lipides, 55 à 60% de glucides et 10 à 15% de protéines. Ceux du groupe “régime cétogène” devaient combler leurs besoins énergétiques avec 55 à 60% de lipides, 25 à 30% de glucides, et 15% de protéines. L’intervention alimentaire durait 2,5 semaines. Un menu détaillé était fourni pour chaque groupe et la conformité alimentaire était contrôlée pour atteindre les besoins énergétiques individuels des participants. En cas de besoin, l’apport énergétique était ajusté pour maintenir un poids stable.

4 biopsies d’un muscle caractéristique de la course à pied (vaste latéral du quadriceps) ont été réalisées chez chaque sujet à des jours différents : une avant le début de l’intervention diététique, une après l’intervention diététique, une après 60 minutes d’exercice à J+1 après la fin de l’intervention, et une 3 heures après cet exercice pendant la récupération.

Résultats.

Conformément à l’objectif du protocole, le poids corporel, les apports caloriques totaux, et le métabolisme de base des deux groupes n’a pas changé suite à l’intervention alimentaire. Les analyses ont révélé que la respiration mitochondriale couplée (c.-à-d. processus de production d’ATP à partir de lipides et de glucides) avait augmenté de manière significative pendant l’exercice dans le groupe “contrôle”, mais pas dans le groupe “régime cétogène”.

De plus, la respiration mitochondriale non couplée (processus de transport d’électrons sans production d’ATP, évalue la capacité de production d’énergie maximale des mitochondries) a été inhibée dans le groupe “régime cétogène”, tandis qu’elle a augmenté dans le groupe “contrôle”.

Ces deux résultats suggèrent que le régime alimentaire riche en lipides et faible en glucides a un impact négatif sur la respiration mitochondriale pendant l’exercice, donc sur l’adaptation à l’entraînement.

 

Conclusion.

❌ En résumé, cette étude montre que le régime cétogène a des effets sur l’oxydation des substrats pendant l’exercice. De plus, il semble diminuer l’activité mitochondriale pendant l’exercice, et la capacité mitochondriale maximale. En d’autres termes, le régime cétogène semble limiter l’augmentation des mitochondries normalement induite par les entraînements, et diminuer le fonctionnement des mitochondries, limitant potentiellement les performances en trail et endurance.

 

Etude 6 – Burke et al, 2017 – Un essai contrôlé randomisé

Résumé de l’article.

Introduction.

Pendant un effort aérobie continu, les muscles sont alimentés par des glucides et des lipides. Depuis les années 1990, les recommandations en matière de nutrition sportive préconisent une alimentation riche en glucides pour maximiser les réserves de glycogène musculaire et les glucides circulants. Récemment, il a été proposé de plutôt maximiser la contribution des lipides en tant que carburant pour les muscles en adoptant un régime cétogène. Les preuves scientifiques que ce changement de substrat préférentiel permet une réelle amélioration de la performance sportive étant rares, les auteurs explorent les conséquences de 3 semaines de régime cétogène (vs. régime contrôle vs. régime haut en glucides) sur le métabolisme et la performance d’athlètes d’endurance de niveau international (athlète de marche athlétique de l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme, en période de qualification pour les Jeux olympiques de 2016).

Méthode.

L’échantillon était composé de 29 athlètes de niveau international en préparation pour les Jeux olympiques de 2016, répartis en 3 groupes. Le premier groupe (n = 9) suivait un régime haut en glucides (c.-à-d. , le deuxième (n = 10) suivait un régime à restriction glucidique périodisée, et le troisième (n = 10) suivait un régime cétogène (c.-à-d. restriction glucidique maximale). Les apports en macronutriments pour ces 3 groupes sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Groupe Glucides
(par kilo de poids de corps)
Protéines
(par kilo de poids de corps)
Lipides
(par kilo de poids de corps)
“Haut en glucides” 8.6 2.1 1.2
“Restriction glucidique périodisée” 8.3 2.2 1.2
“Cétogène” – de 50 grammes par jour 2.2 4.7

Les participants suivaient tous le même programme d’entraînement physique pendant les 3 semaines de l’étude. Ce programme a été élaboré par un marcheur de niveau international et plusieurs entraîneurs. Avant, et immédiatement après l’intervention, les participants réalisaient des mesures étalées sur 3 jours, incluant des marqueurs du coût énergétique de la marche et d’effort perçu (p. ex. économie de marche, consommation d’oxygène, fréquence cardiaque à une allure donnée) ; leur temps sur un 10km à vitesse maximale, leur consommation d’oxygène sur un 25km à vitesse fixée (c.-à-d. 12.5 km/h) ; et un indicateur de leur oxydation des glucides et des lipides.

Résultats.

Le premier résultat est que l’utilisation des substrats préférentielle a été modifiée dans le groupe “cétogène”. Dans ce dernier, il était observé une forte réduction des taux d’oxydation des glucides au profit d’une augmentation des taux d’oxydation des graisses. Dans les autres groupes, aucune différence concernant les taux d’oxydation des glucides et des lipides n’était observée. Ces résultats suggèrent un changement du type de substrat utilisé préférentiellement à l’exercice dans le groupe “cétogène”.

Ensuite, les personnes du groupe “cétogène” démontraient des valeurs de fréquences cardiaques, d’effort perçu, et de coût énergétique de l’exercice en O2 plus élevé que ceux des autres groupes, indiquant un coût métabolique de l’effort en endurance, et un effort perçu, plus élevés avec ce régime comparativement aux mesures baselines, et aux autres régimes. De plus, d’autres analyses ont révélé que durant le test d’économie de course la phase d’entraînement n’avait pas amélioré, voire avait dégradé, la VO2 pic (c.-à-d. quantité d’oxygène utilisé à une vitesse donnée) dans le groupe “cétogène”, alors que ce marqueur était resté stable dans les autres groupes.

Concernant le temps de course sur 10km, les participants des groupes “haut en glucides” et “restriction glucidique périodisée” ont significativement amélioré leurs performances entre avant et après les 3 semaines d’entraînements et de régime spécifique (- 190 secondes pour le groupe “haut en glucides” et – 124 secondes pour le groupe “restriction glucidique périodisée”). Cependant, les membres du groupe “cétogène” n’avaient pas de différence significative dans leurs temps de course entre avant et après ces 3 semaines, et montraient même une légère dégradation (non significative) de la performance (+ 23 secondes).

Enfin, concernant la course sur 25km à vitesse fixée, les résultats ont révélé une augmentation significative de la consommation d’O2 dans le groupe “cétogène”, alors que dans les groupes “haut en glucides” et “restriction glucidique périodisée” il a été observé une réduction du pourcentage de la capacité maximale aérobie nécessaire pour maintenir la vitesse imposée.

 

Conclusion.

❌ Les résultats de cette étude ont montré que malgré une augmentation prononcée de la capacité d’oxydation des graisses au cours d’un exercice intense dans le groupe “cétogène” uniquement, l‘adaptation chronique à un régime pauvre en glucides et riche en graisses engendrait des conséquences négatives sur le coût énergétique de la marche, ainsi que sur la consommation d’oxygène, la fréquence cardiaque, et l’effort perçu à une vitesse imposée. En revanche, les autres groupes bénéficiaient d’amélioration de leurs performances et des différents marqueurs physiologiques considérés.

 

Conclusion

Les croyances actuelles concernant les éventuels effets bénéfiques du régime cétogène sur les performances en endurance viennent certainement d’une part du fait que plus un effort est long (et l’intensité basse), plus le métabolisme utilise des lipides pour produire un effort ; et d’autre part du fait que le maintien d’une glycémie “stable” (afin d’éviter les hyperglycémies ou hypoglycémies) à l’exercice est délicat (surtout lorsque la durée de ce dernier est importante, et que des facteurs comme l’écœurement ou les troubles gastriques rendent difficile l’alimentation).

J’ai commencé la revue de littérature qui m’a permis de rédiger cet article du blog neutre de toutes croyances, puisque je ne connaissais pas le régime cétogène. J’ai découvert ce dernier à travers des messages de marques, ou sur d’autres blogs, prônant ses vertus. J’ai sélectionné des articles que j’estime de haute qualité (c.-à-d. publiés dans des revues prestigieuses et sélectives), en écartant ceux que je jugeais mauvais. En comptabilisant isolément les articles des méta-analyses discutées, 40 études alimentent ce billet.

Personnellement, les résultats de la combinaison de ces 40 études m’amènent à penser que la popularité du régime cétogène est infondée, et que ce dernier a plus de chance de dégrader mes performances en endurance, que de les améliorer. Les études s’accordent à dire que l’adaptation du métabolisme à ce régime améliore l’oxydation des lipides, et dégrade celle des glucides. Elles soulignent cependant toutes que parallèlement le régime cétogène dégrade différents marqueurs physiologiques de performances, et les performances elles-mêmes, et ce à différents niveaux de sportifs, d’intensité de l’exercice, et de type d’effort (p. ex. course et marche). Enfin, une étude met en avant que ce régime semble également limiter les adaptations physiologiques bénéfiques que les entraînements induisent normalement avec un régime traditionnel.

Ces évidences m’amènent donc à préférer éviter ce régime, et à plutôt favoriser un régime traditionnel équilibré, voire un régime haut en glucides. Puisque ce dernier ressort dans plusieurs des études citées (p. ex. Erlenbusch et al., 2005 ; Skovbro et al, 2011) comme associé à une amélioration de corrélats de la performance en endurance, et de la performance elle-même. Au final, et sans trop de surprises, il semblerait qu’une alimentation équilibrée, avec des bons apports en fibres, en nutriments, en acide gras, en protéines, en glucides, mais aussi en vitamines et en acides-aminés, soit le plus intéressant pour performer. 

 

Références.

Bailey, C. P., & Hennessy, E. (2020). A review of the ketogenic diet for endurance athletes: performance enhancer or placebo effect?. Journal of the International Society of Sports Nutrition17, 1-11. (Lien)

Burke, L. M., Ross, M. L., Garvican‐Lewis, L. A., Welvaert, M., Heikura, I. A., Forbes, S. G., … & Hawley, J. A. (2017). Low carbohydrate, high fat diet impairs exercise economy and negates the performance benefit from intensified training in elite race walkers. The Journal of physiology595(9), 2785-2807. (Lien)

Cao, J., Lei, S., Wang, X., & Cheng, S. (2021). The effect of a ketogenic low-carbohydrate, high-fat diet on aerobic capacity and exercise performance in endurance athletes: A systematic review and meta-analysis. Nutrients13(8), 2896. (Lien)

Erlenbusch, M., Haub, M., Munoz, K., MacConnie, S., & Stillwell, B. (2005). Effect of high-fat or high-carbohydrate diets on endurance exercise: a meta-analysis. International journal of sport nutrition and exercise metabolism15(1), 1-14. (Lien)

Skovbro, M., Boushel, R., Hansen, C. N., Helge, J. W., & Dela, F. (2011). High-fat feeding inhibits exercise-induced increase in mitochondrial respiratory flux in skeletal muscle. Journal of Applied Physiology110(6), 1607-1614. (Lien)

Shaw, D. M., Merien, F., Braakhuis, A., Maunder, E. D., & Dulson, D. K. (2019). Effect of a Ketogenic Diet on Submaximal Exercise Capacity and Efficiency in Runners. Medicine and science in sports and exercise51(10), 2135-2146. (Lien)

Cyril Forestier

Trailer passionné 🏃🏻‍♂️ et docteur en science du mouvement humain (STAPS) 👨‍🔬 , je décrypte la littérature scientifique pour mieux comprendre notre pratique. Je rédige des articles afin de vulgariser des études, de vous partager mes tests matériels ou encore de vous communiquer ce qui me motive, tout ça dans le but de courir mieux ! Des réponses à vos questions se trouvent surement dans mes articles 😉.

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