Est-ce que la bière est bonne pour la récupération après un trail ?Temps de lecture estimé : 5 minutes

“On peut donc penser que non, la réponse à la question “est-ce que la bière est bonne pour la récupération après un trail ?” est non, et que celle-ci aurait plutôt tendance à dégrader cette dernière.”

 

La bière est-elle bonne pour la récupération après un trail ? 🍻

Vous vous demandez si la bière améliore la récupération ? Vous voulez connaître l’effet de la bière d’arrivée sur votre récupération après un trail ?  Cet article est pour vous 😉

Les courses de trail et d’ultra-trail demandent des efforts considérables, et savourer le passage de la ligne d’arrivée est important. Parmi les traditions qui entourent un finish, on retrouve la fameuse bière d’arrivée. Que ce soit juste après une victoire, comme François d’Haene sur l’UTMB 2014 (avec une sacrée bonne descente, comme on peut la voir ici); ou quelques minutes ou heures plus tard, il est courant d’apprécier une bière fraîche après avoir passé plusieurs heures en montagne, en compétition ou non.

Parallèlement, beaucoup de croyances entourent ce rituel, comme par exemple ses supposés effets positifs sur la récupération. Après tout, la bière est constituée de beaucoup d’eau (entre 90% et 95%) ; et de sucres. Cependant, la bière contient aussi de l’alcool, et si l’eau et le sucre sont sans aucun doute bons pour la récupération, ce dernier composant pose plus problème.

Qu’en est-il réellement de l’effet de la bière sur la récupération après une course de trail ? Est-ce un simple rituel festif ou cela peut-il réellement avoir des bénéfices pour les coureurs ? Est-ce que la bière est bonne pour la récupération, ou au moins neutre (c.-à-d. sans aucun effet), ou risque-t-elle d’aggraver vos douleurs dans les jambes ?

En 2012, une équipe de chercheurs a conduit un essai contrôlé randomisé pour répondre à cette question. Un autre argument pour regarder spécifiquement cette étude, et qu’au-delà de sa robustesse, elle a investigué l’effet de l’alcool sur la récupération après un effort excentrique traumatisant, donc un effort proche de ce qu’on vit en trail, où les charges excentriques sont conséquentes. Voyons cette étude de plus près.

 

Résumé de l’article, bière et récupération après un exercice physique.

Image capture d'écran de l'article qui répond à "Est-ce que la bière est bonne pour la récupération après un trail ?"

Introduction.

Différents résultats précédemment publiés laissent entendre que l’alcool pourrait avoir des effets délétères sur la récupération après un exercice physique. Par exemple, des études ont montré que la consommation aiguë d’alcool dans les heures qui suivent un exercice amplifie la perte de force typiquement associée à l’exercice ; et augmente les courbatures, ainsi que le niveau de marqueurs sanguins inflammatoires, et ce pendant plusieurs jours.

L’objectif de cette étude est de confirmer les résultats observés précédemment, dans le cas spécifique de dommage musculaire induit par un exercice excentrique (c.-à-d. dommages similaires à ceux causés par de la descente en trail) ; et d’étudier les mécanismes physiologiques à l’origine de ces effets.

Méthode.

23 hommes sportifs en ont participé à l’étude. Les sujets ont été répartis aléatoirement entre un groupe avec exercice (EX, n = 12) et un groupe sans exercice (NE, n = 11). Ils étaient ensuite répartis en un sous-groupe ingérant de l’alcool (ALC), et un sous-groupe ingérant une boisson apportant la même quantité de calories, mais sans alcool (OJ). Le protocole comparait donc 4 groupes (EX – ALC vs. EX – OJ vs. NE – ALC vs. NE – OJ).

Les participants ne devaient pas consommer d’alcool pendant 48h avant l’étude et pendant 60 heures après la consommation de la boisson délivrée par les expérimentateurs. L’exercice excentrique consistait en 3 séries de 100 contractions excentriques maximales du quadriceps d’une jambe. La boisson alcoolisée était concentrée à 1 gramme d’alcool par kilo de poids de corps.

Après l’exercice excentrique traumatisant musculairement, ou l’exercice contrôle (c.-à-d. non traumatisant musculairement), les chercheurs réalisaient des mesures de performance physique (p. ex. contraction musculaire maximale volontaire et surimposée) et de marqueurs physiologiques explicatifs (p. ex. créatine phosphokinase, un marqueur d’inflammation).

Résultats.

Concernant la performance physique, les personnes du groupe exercice + alcool (EX – ALC) démontrait une diminution significativement plus importante de la force maximale volontaire développée comparativement au groupe exercice sans alcool (EX – OJ). (-32,0% ± 11,8%). La plus grande différence entre ces deux groupes (EX – ALC vs. EX – OJ) était observée à +60h, avec une diminution de 31,2% (± 10,9%) de la force maximale volontaire développée dans le groupe exercice + alcool, contre une diminution de 22,1 % (± 12,5%) dans le groupe exercice sans alcool.

Aucune différence notable n’était présente entre les 2 groupes n’ayant pas réalisé l’exercice traumatisant musculairement (NE – ALC vs. NE – OJ) pour ce même marqueur de performance physique.

Concernant le marqueur d’inflammation, ces derniers étaient significativement plus élevés après exercice qu’avant exercice dans les deux groupes ayant réalisé ce dernier (EX – ALC et EX – OJ). À tous les temps de mesure (c.-à-d. +12h, +36h et +60h) valeurs de ce marqueur étaient numériquement plus élevé dans le groupe ayant consommé de l’alcool, mais ces différences n’étaient pas statistiquement significatives.

 

En conclusion, la bière améliore-t-elle la récupération après un trail ?

En conclusion, les résultats de cette étude montre qu’après un effort excentrique, proche de ce qu’on peut vivre après une course ou une sortie trail, les personnes récupèrent moins bien s’il elles avaient consommé de l’alcool que si elles n’en avaient pas consommé. On peut donc dire que non, la bière n’est pas bonne pour la récupération après un trail. Celle-ci aurait plutôt tendance à dégrader cette dernière.

Les résultats de cette étude ne sont pas hors du commun. De nombreuses autres études, avec différents protocoles d’exercice, ont déjà montré les mêmes résultats, suggérant que cette tradition sociale serait plutôt, si possible, à éviter, surtout si on souhaite une récupération rapide et optimale (p. ex. voir 2 autres papiers de Barnes et ses collaborateurs, tous deux publiés en 2010). Cependant, il existe plein de techniques pour optimiser notre récupération après un trail. Pour plus d’information sur ces méthodes, je vous renvoie à cet article du blog. 

Un peu d’eau dans notre vin.

Pour mettre un peu d’eau dans notre vin (à défaut de s’en mettre dans le ventre), on peut noter que 2 autres études nuancent ces résultats. En effet, McLeay et al., (2017) et Barnes (2014) ont montré dans leurs études que des doses plus basses d’alcool (0.88 gramme d’alcool par kilo de poids de corps ; et 0.5 gramme d’alcool par kilo de poids de corps, respectivement) avaient des effets moins marqués, voire négligeables, sur la dégradation de la récupération après un effort physique. C’est ce qu’on appelle une relation dose-réponse. La dose reçue (p. ex. ici la quantité d’alcool) conditionne la réponse (p. ex. ici la dégradation de la récupération).

Ce type de relation existant, et les résultats soulignant une diminution de la qualité de la récupération après avoir ingéré de l’alcool, on peut recommander deux choses. (A) On pourrait simplement éviter de consommer de la bière après un trail (si on souhaite conserver une récupération optimale). (B) On pourrait consommer de la bière, ou n’importe quel autre alcool, avec modération (comme toujours). Par exemple, toujours pour protéger sa récupération (et sa santé), on préférera un demi à une pinte, un seul verre à deux, etc.

 

Références bibliographiques.

Barnes, M. J., Mündel, T., & Stannard, S. R. (2012). The effects of acute alcohol consumption and eccentric muscle damage on neuromuscular function. Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism, 37(1), 63-71.

Barnes, M. J., Mündel, T., & Stannard, S. R. (2010). Acute alcohol consumption aggravates the decline in muscle performance following strenuous eccentric exercise. Journal of Science and Medicine in Sport, 13(1), 189-193.

Barnes, M. J., Mundel, T., & Stannard, S. R. (2017). Acute alcohol consumption aggravates the decline in muscle performance following strenuous eccentric exercise. Journal of science and medicine in sport, 20(1), 189-193.

Barnes, M. J. (2014). Alcohol: impact on sports performance and recovery in male athletes. Sports Medicine, 44(7), 909-919.

McLeay, Y., Stannard, S. R., Mundel, T., Foskett, A., & Barnes, M. (2017). Effect of alcohol consumption on recovery from eccentric exercise induced muscle damage in females. International journal of sport nutrition and exercise metabolism27(2), 115-121.

 

Cyril Forestier

Trailer passionné 🏃🏻‍♂️ et docteur en science du mouvement humain (STAPS) 👨‍🔬 , je décrypte la littérature scientifique pour mieux comprendre notre pratique. Je rédige des articles afin de vulgariser des études, de vous partager mes tests matériels ou encore de vous communiquer ce qui me motive, tout ça dans le but de courir mieux ! Des réponses à vos questions se trouvent surement dans mes articles 😉.

 cyrilinthemountains@gmail.com

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