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Les troubles intestinaux en trail.

Vous vous demandez comment éviter les troubles gastro-intestinaux en trail ? Vous voulez savoir s’il est possible d’entraîner ses intestins à mieux tolérer la nourriture en course ? Cet article est pour vous 😉

Parmi les facteurs qui expliquent les performances en trail, on retrouve la capacité à s’alimenter durablement pendant l’épreuve. En effet, si la question se pose peu dans le cadre des courses en montagne et des trail courts (p. ex. environ jusqu’à 20km) ; l’alimentation pendant l’effort est un point crucial et déterminant sur les trail longs et ultra-trails.

Si sur ce blog nous avons discuté des stratégies alimentaires optimales à l’effort de longue et ultra distance, selon les études scientifiques (articles ici, et ici). Mais le problème de la tolérance à ces apports est une réalité. De nombreux athlètes rapportent souffrir de troubles intestinaux durant les compétitions. Ces derniers limitent la performance (p. ex. François d’Haene sur la Hardorck 100 2022), voire poussent à l’abandon. Une étude a par exemple montré que sur l’UTMB® et la TDS® 2019, “les symptômes gastro-intestinaux toucheraient 85 % des coureurs et seraient la première cause d’abandon (23 %)” (Moncelon et al., 2021). Des pourcentages similaires ont été retrouvés dans une étude s’intéressant aux abandons sur la Western State Endurance Run (Hoffman et Fogard, 2011).

Pour améliorer la tolérance alimentaire à l’effort, et prévenir les troubles intestinaux, il est possible d’entraîner son intestin et son estomac. En effet, en entraînant ces derniers à absorber et à digérer des nutriments à l’effort, il semble possible de réduire les troubles gastriques et intestinaux, et ainsi d’améliorer notre confort en course, et nos performances. En 2017, Asker Jeukendrup publiait une revue de littérature sur ce qu’on sait de ces techniques d’entraînement de l’estomac et de l’intestin, et les mécanismes par lesquels ces entraînements sont efficaces. Voyons cette revue de plus près !

Article discuté – éviter les troubles gastriques et intestinaux à l’effort.Capture d'écran de l'article sur comment éviter les troubles gastriques et intestinaux

Introduction.

L’apport de glucides exogènes est essentiel pour la performance lors d’un effort prolongé comme le trail et l’ultra trail, mais les athlètes sous-estiment souvent l’importance du tractus gastro-intestinal (plus grande partie du tube digestif qui permet l’absorption de l’eau et des aliments). Si le système gastro-intestinal ne fonctionne pas correctement, l’apport en nutriments est perturbé et des troubles gastriques et intestinaux peuvent apparaître (p. ex. crampes, diarrhées, vomissements). À l’effort, certaines causes de ces troubles seraient une trop grande consommation de fibres, de lipides et de solutions glucidiques trop concentrées pendant l’exercice.

Cependant, ce tractus semble adaptable. Entraîner spécifiquement ce dernier améliorerait l’apport de nutriments pendant l’exercice tout en soulageant, partiellement ou totalement, les troubles intestinaux et gastriques. Cette revue résume les évidences scientifiques disponibles concernant cet entraînement de l’intestin.

La vidange gastrique, et l’entraînement de l’estomac.

La vidange gastrique est une étape importante dans l’apport de glucides et des liquides vers les muscles en activité. Cette dernière est perturbée à l’exercice, et certaines prédispositions génétiques, et conditions (p. ex. chaleur), aggravent ces perturbations.

En 2008, des auteurs (Lambert et al., 2008) ont montré que des coureurs entraînés toléraient bien, et significativement de mieux en mieux au cours de l’étude, l’ingestion d’une boisson contenant des glucides et des électrolytes à un taux proche de leur taux de transpiration, pendant 90 minutes de course à 65 % de leur VO2max. Cependant, cette amélioration du confort gastrique se faisait sans amélioration objective de la vitesse de vidange gastrique.

Similairement, entre 1991 et 2014, 4 études ont montré qu’ajouter un macronutriment spécifique (p. ex. 400 grammes de glucose par jour) à une alimentation normale pendant une certaine durée (p. ex. 2 semaines) accélérait significativement la vidange gastrique de ce macronutriment, comparativement à un groupe contrôle. Ces données suggèrent que l’estomac s’entraîne, mais que cet entraînement est spécifique au macronutriment ciblé, et qu’il ne se transfert pas aux autres (p. ex. entraînement avec supplémentation en glucose = amélioration de la digestion du glucose uniquement).

Quel facteur déclencherait les troubles intestinaux ?

De l’estomac à l’intestin.

Une fois la vidange gastrique passée, l’absorption des liquides et des macronutriments comme les glucides (macronutriment exogène le plus essentiel à la performance de longue durée, plus d’info ici) a lieu dans l’intestin. Les glucides y sont transportés à travers une membrane jusqu’aux muscles en ayant besoin (p. ex. les jambes en trail) par des transporteurs (p. ex. SGLT1). Quelques études ont apporté de premières preuves permettant de penser que s’entraîner à ingérer de grandes quantités de ce macronutriment à l’effort améliorerait le transport des glucides à ce niveau, et donc leur assimilation et utilisation pour produire un effort physique.

Les transporteurs des glucides fatiguent.

À l’exercice, en cas d’apport en glucides à travers une seule source (p. ex. glucides), le taux d’utilisation maximale de glucides exogènes serait environ de 60 grammes par heure. Des études ont montré que même lors d’ingestion de doses plus hautes d’un même type de glucides (p. ex. 140 ou 180 grammes de glucose par heure), ce taux maximum n’augmentait pas. Cette limite ne proviendrait ni de la vidange gastrique, ni de l’absorption des glucides par les muscles, ni du stockage au niveau du foie. Elle serait donc induite par une limitation au niveau des transporteurs des glucides.

1er conseil pour éviter les troubles intestinaux en trail.

Toujours à l’exercice, en cas d’apport en glucides à travers plusieurs sources (p. ex. glucose et fructose), des études ont montré qu’il serait possible de dépasser cette limite. Ces travaux suggèrent qu’avec l’ingestion de glucides par de multiples sources, ce taux pourrait être dépassé et allait allant jusqu’à 90, voire 100 grammes de glucides par heure, car alors plusieurs types de transporteurs sont sollicités (p. ex. le fructose n’est pas transporté par les SGLT1, qui ne s’occupent que du glucose). La figure ci-dessous résume ce principe. De plus, les résultats d’une des études mentionnées montrent qu’en mélangeant les sources de glucides, le taux d’absorption de l’eau était lui aussi amélioré.

Cette figure résume les conséquences d'apport en glucides par une seule source, ou pas diverses sources, et les conséquences de ce choix dans les apports sur les risques de troubles gastriques et intestinaux.

Ainsi, un des premiers moyens d’éviter les troubles gastriques est de mélanger les sources de glucides absorbés (p. ex. glucose + fructose) pour maximiser l’absorption de ce macronutriment, et de l’eau, au niveau de l’intestin.

Entraîner son intestin.

Ce que la science a montré.

En 2010, une étude a comparé le taux d’oxygénation de glucides exogènes à l’effort entre 2 groupes de cyclistes entraînés. Le premier groupe recevait une alimentation normale pendant 16 semaines (moyenne de 5,8 grammes de glucides par kilo et par jour), tandis que l’autre groupe recevait une alimentation supplémentée en glucides pendant la même durée (moyenne de 8,5 grammes de glucides par kilo et par jour). Les deux groupes s’entraînaient physiquement de la même façon pendant toute la durée de l’intervention. Les résultats de ces travaux ont montré une amélioration significative de l’oxygénation des glucides exogènes chez le groupe supplémentée, mais pas chez l’autre groupe. Ce résultat soutiendrait l’idée que l’intestin est entraînable.

Comment ça marche ?

Les mécanismes expliquant ces résultats ne sont pas encore clairs. Cependant, quelques études suggèrent qu’ils proviendraient de ces fameux transporteurs des glucides présents dans l’intestin. Par exemple, des études chez les animaux ont montré qu’après seulement quelques jours d’une alimentation nouvelle haute en glucides, on observait une augmentation des transporteurs des glucides (p. ex. SGLT1). En moyenne, une augmentation des glucides alimentaires de 40 à 70 % sur une période de 2 semaines entraînerait, chez l’animal, un doublement des transporteurs SGLT1 ! Ces premiers résultats laissent entendre qu’il en serait de même chez l’homme, bien qu’à ce jour aucune étude n’ait testé ce postulat.

Implications pratiques, ou comment éviter les troubles intestinaux en trail ?

Augmenter l’efficacité des transporteurs des glucides.

Tout d’abord, bien que certaines conclusions proviennent d’études menées sur des animaux, il semble probable que l’entraînement de l’intestin chez l’humain soit aussi rapide et efficace que celui observé chez d’autres mammifères. Ainsi, plusieurs jours, voire quelques semaines, d’un régime riche en glucides entraîneraient des augmentations significatives des transporteurs des glucides.

Améliorer la vidange gastrique.

Ensuite, bien que la vidange gastrique (c.-à-d. au niveau de l’estomac) ne semble pas être un facteur limitant l’absorption des glucides, à l’effort différents facteurs peuvent limiter cette dernière. Aussi, s’habituer à consommer les aliments prévus dans notre stratégie nutritionnelle de course en dehors des compétitions, voire s’entraîner à des quantités d’apports (p. ex. en eau et en glucides) plus importants que ceux prévus pour le jour J, améliorerait la vidange gastrique.

Plus de glucides au quotidien ?

Cet entraînement semble le moins efficace, probablement parce que la plupart des athlètes ont une alimentation modérée à riche en glucides. Nous pouvons donc penser que les avantages d’une augmentation supplémentaire de l’apport en glucides au quotidien serait minimes. Les bénéfices d’un tel changement se verraient certainement plus chez des athlètes qui, au contraire, ne consomment pas régulièrement de glucides, et envisagent d’en consommer à l’effort (ce qui ne semble pas être la stratégie nutritionnelle au quotidien la plus pertinente d’après certaines études, plus d’information ici).

Le graphique ci-dessous résume les stratégies d’entraînement potentiellement efficaces pour entraîner son estomac, et son intestin, et ainsi probablement réduire les troubles gastriques et intestinaux.

Résumé des méthodes répondant à la question comment éviter les troubles intestinaux en trail ?

Conclusion.

En conclusion, les troubles gastriques et intestinaux sont courants en trail de longue et ultra distance. Beaucoup de coureurs et de coureurs en rencontrent un jour. Qu’ils soient bénins, comme des ballonnements, ou une incapacité passagère à s’alimenter ; ou plus graves comme des vomissements et des diarrhées, ces troubles impacteront négativement la performance.

Les causes.

Ces troubles viendraient de différentes causes. Au niveau comportemental on retrouve une trop grande consommation de fibres, de lipides et de solutions glucidiques trop concentrées pendant l’exercice. Au niveau individuel, on identifie certaines prédispositions génétiques. Enfin, au niveau environnemental, on observe une température extérieure élevée.

Les méthodes d’entraînements pour éviter les troubles gastriques et intestinaux.

Bien que les travaux sur l’entraînement de l’estomac et de l’intestin n’en soit qu’au début, 5 stratégies réduiraient ces troubles :

  • La première consiste à s’entraîner en course à pied avec un peu plus d’apports hydriques que prévus le jour de la compétition (p. ex. 750 millilitres par heure à quelques entraînements, pour 500 millilitres par heure prévus sur la compétition) ;
  • La deuxième revient à s’entraîner en course à pied après un repas avec l’estomac plein ; 
  • La troisième est de s’entraînement en course à pied en ingérant plus de glucides que prévu le jour de l’événement (p. ex. 100 grammes par heure à quelques entraînements, pour 70 grammes prévus sur la compétition) ;
  • La quatrième consisterait à tester à l’entraînement la même stratégie nutritionnelle que celle prévue sur la course ;
  • La cinquième serait d’augmenter un peu, au quotidien et pendant une période bien spécifique (p. ex. 1 à 2 semaines) les glucides au quotidien (cette dernière stratégie serait la moins efficace).

Les bénéfices attendus.

Toutes ces stratégies d’entraînement de l’estomac et de l’intestin réduiraient les ballonnements et la sensation de plénitude pendant l’effort. Elles amélioreraient aussi la vidange gastrique. Enfin, elles augmenteraient l’absorption et le transport des glucides pour de meilleurs apports aux muscles. Les conséquences supposées de ces stratégies sont une réduction des troubles gastriques et intestinaux, et une amélioration de la performance.

Appel à la prudence.

Je souligne une dernière fois que ces conclusions manquent encore de preuves scientifiques, et que plus études sont nécessaires. Ces stratégies sont donc à tester minutieusement et progressivement au niveau individuel. En cas de doute, demandez l’avis à un médecin nutritionniste spécialisé dans les efforts de longue durée. Vous pouvez aussi consulter la littérature scientifique régulièrement.

Références bibliographiques

Jeukendrup, A. E. (2017). Training the gut for athletes. Sports Medicine47(Suppl 1), 101-110. (Lien)

Hoffman, M. D., & Fogard, K. (2011). Factors related to successful completion of a 161-km ultramarathon. International journal of sports physiology and performance6(1), 25-37. (Lien)

Lambert, G. P., Lang, J., Bull, A., Eckerson, J., Lanspa, S., & O’Brien, J. (2008). Fluid tolerance while running: effect of repeated trials. International journal of sports medicine29(11), 878-882. (Lien)

Moncelon, L., Millet, G. Y., Poletti, L., Féasson, L., & Edouard, P. (2021). Facteurs prédictifs d’abandon chez les coureurs à la limite des barrières horaires en Ultra-Trail: Application à l’UTMB® et à la TDS® 2019. Journal de Traumatologie du Sport38(1), 16-27. (Lien)

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