Vous vous demandez comment gérer votre allure sur un trail ou un ultra-trail ? Quel est le rôle du pacing dans la performance ? Cet article est pour vous 😉
Gérer son allure en trail et ultra-trail : Le pacing
Qu’est-ce que le pacing ?
En trail et en course à pied, le pacing fait référence à la gestion de l’effort et de l’allure pendant une course. Le terme pacing renvoie donc à la manière dont un ou une athlète gère son allure en fonction de la distance et du terrain. Le but du pacing est de trouver le meilleur équilibre entre vitesse et endurance. En somme, adopter un bon pacing permet de gérer au mieux son effort, et d’optimiser sa vitesse sur chaque portion, sans mettre en péril notre rythme sur les portions à venir. On entend souvent parler de la capacité d’une personne à “lisser l’effort” pour parler du pacing.
Par exemple, un bon pacing sur une course pourrait être reflété par une allure modérée en montée, des relances prudentes sur le plat, et des descentes plus rapides, sans jamais avoir le sentiment d’avoir trop poussé, mais en sentant à l’arrivée qu’il ne nous reste pas beaucoup d’énergie en réserve. À l’inverse, un mauvais pacing pourrait être caractérisé par des montées, des plats ou des descentes trop rapides, obligeant à régulièrement ralentir, car le rythme est trop soutenu. Une gestion d’allure sous-optimale pourrait aussi ressembler à des portions trop lentes, donnant le sentiment qu’on possède encore beaucoup d’énergie à l’arrivée et que nous aurions pu accélérer.
Je vous propose ici une première illustration d’un pacing que je trouve intéressant, la gestion de l’allure de Ludovic Pommeret lors de son UTMB 2023, en comparaison du pacing de Kilian Jornet et Katie Schide sur l’UTMB 2022.
Illustration de 3 pacing grâce à l’allure ajustée à la pente (Ludovic Pommeret, Katie Schide et Kilian Jornet). On remarque que l’évolution de la vitesse ajustée à la pente de Ludovic est plus stable, plus lisse, que celle de Kilian et Katie qui décroissent nettement. |
Tout savoir sur le pacing en trail
Mais comment gérer son allure sur un trail et un ultra-trail n’est pas simple, et la notion de “bon pacing” n’est pas claire. De plus, en trail et comparativement à la route, l’allure est difficile à appréhender. Ces dernières années, l’utilisation de l’allure ajustée à la pente est venu corriger un peu cela, en prenant en compte à minima l’inclinaison des portions dans le calcul de l’allure. Cependant, cette estimation est encore très imparfaite.
La pacing permet-il de meilleure performance en ultra-trail ?
Une bonne gestion de l’allure en course (c.-à-d. un bon pacing) permettrai d’optimiser la performance. Des études ont montré que sur marathon et sur 100km sur route, les meilleures performances étaient permises par de faibles variations de la vitesse, c’est-à-dire une allure plus constante.
En ultra-trail, le rôle de la gestion de l’allure dans la performance est peu exploré. De plus, des éléments liés au terrain (p. ex. pente, technicité du terrain, obstacles naturels), à la météo (p. ex. pluie) ou encore à l’individu (p. ex. fatigue), rendent impossible de maintenir une allure stable, et imposent des variations.
En 2014, Martin Hoffman a cherché à mieux comprendre le pacing en ultra-trail, et dans quelle mesure ce dernier influence la performance. Pour cela, il a analysé des données réelles recueillies durant 24 ans ! L’objectif de cette étude est donc d’évaluer le rôle du pacing sur la performance en ultra-trail, avec des données réelles. Cette expérimentation permettra également d’identifier les meilleures stratégies de gestion d’allure en ultra-trail.
Analyser le pacing par le “coefficient de variation”
Entre 1985 et 2013, l’organisation de la Western States Endurance Race a recueilli les allures et les temps de course entre chaque ravitaillement sur les 24 épreuves. Cela a abouti à une division de la course en 10 segments de 16km chacun en moyenne. Sur chacune de ces 24 courses, la vitesse moyenne sur ces 10 segments était récupérée pour les 5 premiers finishers (c.-à-d. top 5 au scratch, soit au total 24 courses x 5 athlètes = 120 participants), et pour le coureur ou la coureuse en-tête à la fin de chaque segment (c.-à-d. “lead-runner”, soit la première personne à arriver au ravitaillemt marquant la fin du segment).
Ces données ont permis de calculer pour chaque coureur un coefficient de variation de l’allure (1), représentant le pacing de l’athlète, soit sa gestion de l’allure. Un haut coefficient reflète beaucoup d’accélérations et de décélérations (c.-à-d. variations d’allure importantes). Un bas coefficient reflète peu d’accélérations et de décélérations (c.-à-d. variations d’allure faibles).
(1) formule = écart-type des vitesses segmentaires, divisées par la vitesse moyenne du coureur
Bon pacing = performance
Les premières analyses ont montré que les vainqueurs ne menaient pas toujours la course aux premiers segments des épreuves. Cependant, ils la menaient généralement autour du 126e kilomètre (c’était le cas dans 19 des 24 courses examinées). Elles ont aussi montré que le coefficient de variation de l’allure était significativement plus faible chez les vainqueurs (en moyenne de 11,9% ± 2,3%), que pour les 4 autres premiers (en moyenne 13,6% ± 2,4% pour les 2e, 15,2% ± 3,1% pour les 3e, 14,9% ± 2,1% pour les 4e, 15,2% ± 3,0% pour les 5e).
Classement final | Coefficient de variation | |
1 | 11.9% (± 2,3%) | |
2 | 13,6% (± 2,4%) | |
3 | 15,2% (± 3,1%) | |
4 | 14,9% (± 2,1%) | |
5 | 15,2% (± 3,0%) |
D’autres analyses ont révélé une corrélation positive et significative entre le coefficient de variation de l’allure et le temps total de course. Au plus ce coefficient était bas (c.-à-d. bon pacing), au plus le temps de course était bas également (c.-à-d. course rapide), et inversement.
Le graphique ci-dessous représente cette corrélation.
Des résultats confirmés en 2020
Il est intéressant de noter que depuis la publication de cette étude, d’autres expérimentations sont venues confirmer ces résultats. Tan et al., (2016) ont comparé 3 groupes de finishers d’un ultra-trail (”tête de peloton” vs. “milieu de peloton” vs. “fin de peloton”). Leurs résultats ont aussi mis en avajnt que les athlètes du groupe “tête de peloton” avec un rythme significativement plus régulier (c.-à-d. un meilleur pacing) que ceux des deux autres groupes.
Similairement, Suter et al., (2020) ont également montré que les personnes avec une allure régulière entre les différents segments de l’UTMB finissaient en moyenne plus rapidement la course que celles avec une allure moins régulière.
Pourquoi le pacing change en trail ?
Des facteurs physiologiques et psychologiques
En 2020, Groslambert (mon invité dans la partie 2, en vidéo ci-dessous) et al. ont cherché à comprendre les facteurs physiologiques et psychologiques influençant les variations de l’allure, c’est-à-dire le pacing, en trail running. Pour ce faire, ils ont mené une étude avec 10 participants.
Les participants devaient réaliser 8 boucles de 5,5 km avec un dénivelé de 190 m +/-, totalisant ainsi 40 km et 1000 m au total. À la fin de chaque boucle, les auteurs mesuraient différents facteurs biomécaniques tels que la fréquence des pas ou les oscillations verticales, ainsi que des facteurs psychologiques comme la perception de la fatigue et du plaisir. D’autres mesures comme la fréquence cardiaque étaient également relevées.
Les analyses ont montré tout d’abord que l’allure moyenne changeait significativement entre le premier et le dernier tour. Ensuite, les statistiques ont révélé que deux facteurs étaient significativement associés au pacing. D’une part, lorsque la puissance maximale de course diminuait, le pacing se dégradait. D’autre part, une diminution du plaisir de courir était également associée à une détérioration du pacing. Selon ces auteurs, les changements d’allure en trail sont donc principalement dus à des variations dans les capacités de force et de vitesse musculaire, c’est-à-dire dans la puissance, ainsi que dans le plaisir ressenti lors de l’activité.
D’autres facteurs
L’expérience
En 2023, Thornton publiait une revue de littérature sur les facteurs pouvant être associés au pacing en ultra-marathon, sur route ou en trail. Un des éléments qu’ils mettent en avant concerne le niveau de l’athlète. En effet, différentes études ont montré que comparativement aux plus expérimentés, les athlètes avec moins d’expérience commencent plus rapidement leur course par rapport à leur vitesse moyenne globale, puis ralentissent.
L’hydratation
En 2011, Lopez et al. ont mené un essai contrôlé randomisé pour voir s’il existait une relation entre l’hydratation en course et la gestion de l’allure. Cette équipe a demandé à 14 coureurs entraînés, d’effectuer une courses de trail de 12 km à la même intensité. Les personnes étaient réparties en deux groupes, un avec une hydratation normale, un en état de déshydratation (c.-à-d. restriction d’eau avant et pendant l’effort). Les résultats de cette étude montrent que la déshydratation ralentit la vitesse de course, et augmente également le stress physiologique.
Cela s’était observé par exemple à travers l’élévation de la température corporelle et les sensations de soif accrue. Ainsi, pour optimiser le pacing, il semble important de s’hydrater suffisamment avant et pendant l’effort. Je vous parle plus en détail de l’hydratation en trail dans cet article du site.
Les conditions environnementales
De manière analogue, en 2008, Ely et al. ont examiné l’effet de la température extérieure sur le pacing de marathoniens de différents niveaux. Leurs analyses ont d’abord montré qu’à des températures “normales”, les meilleurs coureurs (c.-à-d. les 25 premiers) ralentissent peu pendant la course, tandis que les moins bons ralentissent significativement au cours de l’épreuve. En conditions chaudes, les meilleurs coureurs semblent davantage subir la chaleur et voient leurs performances affectées négativement.
À ma connaissance, il s’agit de la seule étude s’étant intéressée à l’effet de la température sur la capacité à maintenir une allure, mais ces résultats sont déjà intéressants. Ils suggèrent qu’en conditions chaudes, il sera peut-être plus difficile pour vous de maintenir un effort constant durant une épreuve.
La psychologie
À ce jour, plusieurs études ont suggéré que le pacing était également largement déterminé par des caractéristiques psychologiques. Groslambert et al. en parlent en 2020, soulignant que la baisse du plaisir pendant la course est associée à un changement dans le pacing. En 2017, Elferink-Gesmer et al. ont publié une grande revue de littérature sur les relations potentielles entre l’auto-contrôle, aussi appelé auto-régulation (c’est-à-dire la capacité générale à se contrôler et à réguler ses comportements), et les capacités de pacing des athlètes. Ils concluent que, malgré le manque de preuves, les relations entre cette caractéristique mentale et la gestion de l’allure sont fortes et méritent plus d’études.
Tucker, en 2009, fait une analyse intéressante du pacing. Selon cet auteur, la gestion de l’allure résulte de plusieurs facteurs, à savoir :
- La durée ou la distance de l’épreuve à fournir
- La motivation
- L’intensité perçue à un moment donné
- Différentes afférences ou retours physiologiques, tels que la fatigue musculaire ou les douleurs
Avec tous ces éléments en main, le système cognitif d’un individu peut décider de l’intensité à fournir dans l’exercice, donc de l’allure à adopter. À ce jour, les travaux sur les facteurs psychologiques associés au pacing sont rares. J’espère pouvoir mettre à jour ce billet d’ici quelques années avec de nouvelles études sur le sujet.
Comment améliorer son pacing en trail et ultra-trail ?
Nous l’avons mentionné précédemment : le meilleur moyen de gérer son allure sur un ultra-trail est de viser la régularité. En pratique, plusieurs solutions peuvent vous aider à atteindre cette régularité et ainsi obtenir un bon pacing. La plus élémentaire, mais souvent oubliée, est de ne pas partir trop vite. Un ultra-trail est long et semé d’épreuves ; il est donc essentiel de se préserver au début. Mais allons plus loin.
La revue de littérature de Thornton (2023) utilise un terme intéressant. Il souligne que pour atteindre un bon pacing, il faut chercher à “minimiser le stress physiologique” durant l’épreuve. Pour appuyer cette affirmation, il se base sur une étude qui a comparé deux groupes. Le premier groupe réalisait un exercice de 60 minutes avec des variations d’intensité aléatoires comprises entre 0% et 5% d’une intensité pré-établie et jugée confortable. Le deuxième groupe réalisait le même exercice, mais avec des variations d’intensité aléatoires allant de 0% à 10%.
Les résultats ont montré que le stress physiologique, mesuré par la consommation d’oxygène, la fréquence cardiaque moyenne, la consommation de glucose, le taux de lactate sanguin et l’épuisement perçu, changeait peu dans le premier groupe avec des variations d’intensité de 5% maximum. En revanche, dans le second groupe, les variations d’intensité ont induit un stress physiologique significativement plus important et une puissance moyenne plus basse. Voici quelques méthodes pour limiter ce “stress physiologique”.
Planification des temps de passage
Vous pouvez regarder les temps que des personnes aux indices de performance similaires aux vôtres (p. ex. UTMB index, ITRA) ont réalisés sur votre objectif, les années précédentes. Une fune fois ces temps en tête ; vous vous pouvez diviser votre objectif en le bon nombre de segments (p. ex. nombre de sections séparant deux ravitaillements) ; estimer le temps que vous devriez mettre sur ces segments, et faire votre maximum pour vous y tenir.
Les alertes d’allure et de cardio
En ultra-trail, les alertes d’allure moyenne ne sont pas les plus pertinentes. Par exemple, si votre segment débute par une descente, l’allure moyenne annoncée sera d’abord trop haute. Vous pouvez donc essayer d’avoir votre allure moyenne cible par segment en tête, ou sur un papier, sans programmer d’alerte. Une solution peut être d’utiliser une alerte de fréquence cardiaque. Cette dernière est une bonne représentation de l’effort que vous êtes en train de fournir. Aussi, essayer de ne pas dépasser un maximum, ou de ne pas passer en dessous d’un minimum si vous avez peur de trop vous relâcher par moments, peut être une solution pour vous aider à limiter vos variations d’allure en course.
Autres stratégies
Une dernière stratégie peut être d’utiliser une montre connectée qui propose une stratégie de gestion d’allure. Par exemple, certaines Garmin intègrent la fonction PacePro qui vous propose des allures cibles, en fonction du terrain (trace chargée au préalable dans la montre) et d’un objectif de temps renseigné. Je ne suis pas fan de cette option, mais certains sportifs adorent cette fonctionnalité.
Le conseil du coach
Personnellement, je conseille aux athlètes que j’entraîne (plus d’information ici) de se fier à leur fréquence cardiaque et à leurs sensations. Elles sont pour moi les meilleurs reflets de l’effort fourni. Cela nécessite de se connaître, et de se tester (p. ex. sur des courses préparatrices, ou des week-ends chocs). Cependant à mon sens, ce sont les stratégies les plus pertinentes. Pour gérer votre allure sur un ultra-trail, viser donc la stabilité, la constance de l’effort, avec la stratégie qui vous convient le mieux 😉
Conclusion – Le pacing en trail et en ultra-trail
En conclusion, le pacing joue un rôle crucial dans les performances en trail et en ultra-trail. Les recherches montrent que maintenir une allure régulière permet non seulement d’optimiser la performance, mais aussi de mieux gérer les variations du terrain et les conditions environnementales. Cependant, il est également clair que de nombreux facteurs influencent le pacing, qu’ils soient physiologiques, comme la fatigue musculaire et l’hydratation, ou psychologiques, comme la motivation et la perception de plaisir.
Pour les athlètes cherchant à améliorer leur pacing, il est donc essentiel de se concentrer sur la régularité de l’effort, sur le lissage du “stress physiologique”. Des stratégies telles que la planification des temps de passage, l’utilisation des alertes de fréquence cardiaque, et l’adoption d’une approche basée sur les sensations personnelles peuvent être efficaces. En fin de compte, bien que le pacing en trail et en ultra-trail soit complexe et multifactoriel, une approche réfléchie et bien planifiée peut mener à des performances optimales et à une meilleure expérience de course.
Découvrez cet article en vidéos !
Partie 1 – Mes explications
Partie 2 – Mon interview d’un expert, Alain Groslambert
Références bibliographiques.
• Elferink-Gemser, M. T., & Hettinga, F. J. (2017). Pacing and self-regulation: important skills for talent development in endurance sports. International journal of sports physiology and performance, 12(6), 831-835. (Lien).
• Ely, M. R., Martin, D. E., Cheuvront, S. N., & Montain, S. J. (2008). Effect of ambient temperature on marathon pacing is dependent on runner ability. Medicine & Science in Sports & Exercise, 40(9), 1675-1680. (Lien).
• Groslambert, A., Baron, B., Ouvrard, T., Desmoulins, L., Lacroix, E., Gimenez, P., … & Grappe, F. (2020). Influencing factors of pacing variations and performance in a 44-kilometer mountain trail race. Advances in Physical Education, 10(02), 81-96. (Lien).
• Hoffman, M. D. (2014). Pacing by winners of a 161-km mountain ultramarathon. International journal of sports physiology and performance, 9(6), 1054-1056. (Lien).
• Lopez, R. M., Casa, D. J., Jensen, K. A., DeMartini, J. K., Pagnotta, K. D., Ruiz, R. C., … & Maresh, C. M. (2011). Examining the influence of hydration status on physiological responses and running speed during trail running in the heat with controlled exercise intensity. The Journal of Strength & Conditioning Research, 25(11), 2944-2954. (Lien).
• Tan, P. L., Tan, F. H., & Bosch, A. N. (2016). Similarities and differences in pacing patterns in a 161-km and 101-km ultra-distance road race. Journal of strength and conditioning research, 30(8), 2145-2155. (Lien).
• Suter, D., Sousa, C. V., Hill, L., Scheer, V., Nikolaidis, P. T., & Knechtle, B. (2020). Even pacing is associated with faster finishing times in ultramarathon distance trail running—the “ultra-trail du Mont Blanc” 2008–2019. International journal of environmental research and public health, 17(19), 7074.
• Thornton, O. R. (2023). Effective Ultramarathon Pacing Strategies on Road and Trail: A Narrative Review. Asian J. Adv. Res. Rep, 17(4), 1-11. (Lien).
• Tucker, R. (2009). The anticipatory regulation of performance: the physiological basis for pacing strategies and the development of a perception-based model for exercise performance. British journal of sports medicine, 43(6), 392-400. (Lien).